Alê, même discours environnemental, même groupe de musiciens sur la BO (les Barbatuques) : est-ce que vous sentez des points communs entre Le Garçon et le monde et la saga Rio de Carlos Saldanha ?Je ne les ai pas vus. Et pour être honnête, je n’ai pas de temps à perdre à regarder ce genre de films… Ca ne m’intéresse pas. Ca m’a l’air très bien fait, mais ce n’est pas ma tasse de thé. C’est trop… formaté. Trop hollywoodien. Et puis je regarde finalement très peu de films d’animation.Je voulais vous parler de Rio 2096 qui a gagné le grand prix d’Annecy l’année dernière, mais ce n’est peut-être pas la peine du coup… Ah si, celui-là je l’ai beaucoup aimé. J’aimais particulièrement la manière dont le réalisateur réussissait à combiner l’histoire d’amour et la charge politique. C’est un très beau film. Très intéressant…Est-ce qu’on peut parler d’une école d’animation brésilienne alors ? Et comment la définiriez-vous ?"Ecole" ? je ne sais pas. Ce qui me paraît sûr, c’est que l’animation au Brésil est très vivante et que son identité est à l’image de ce pays. Multiculturelle, riche et ouverte. C’est notre force : nous sommes ouverts à la différence et à l’étranger. On avale les cultures différentes, les sources différentes, on les mastique, et on les régurgite de manière syncrétique.Quelles furent les références du Garçon et le monde ? Plutôt les peintres d’une certaine modernité. Miró pour son univers onirique, sa poésie surréaliste et son art du collage… Ses tableaux sont un peu comme l’espace d’un rêve qui prend forme et c’est à la fois le sujet du film et le processus de fabrication que nous avons suivi. Et puis Paul Klee.Miró, je vois la filiation, même visuelle - les formes, les ronds, le côté naïf. Klee, c’est pour la couleur ? Pas seulement : c’est aussi une attitude artistique. Je me souviens d’une phrase de Klee qui dit que l'artiste n'est ni le seigneur souverain ni l'esclave de son oeuvre. En étant au milieu du chemin le réalisateur crée les conditions d'une relation avec le monde. Par moment, en tant que cinéaste, le plus important consiste à écouter le film que nous sommes en train de faire. On a beaucoup suivi notre instinct pour faire Le Garçon et le monde. Il n’y a pas eu de scénario, pas de script. On construisait des séquences qu’on agençait ensemble. C’était un peu free…Pas d’animation donc ?Si, René Laloux. Je vais vous raconter une histoire très personnelle : quand j’étais enfant, je devais avoir 9-10 ans, j’ai découvert un livre de La Planète Sauvage. C’était quasiment le storyboard du film avec des tas de dessins. Je le lisais et le relisais, sans cesse, fasciné par la beauté des images. Je recomposais des tas d’histoires à partir de ces dessins et je rêvais de voir le film. Mais le film n’avait jamais été diffusé au Brésil et ne passait pas dans les cinémathèque… Et puis, un jour, je devais avoir 18 ou 19 ans j’apprends qu’il est programmé dans une salle de Sao Paulo. J’ai appelé un copain et je lui ai dit : "tu viens avec moi, on va voir le plus beau film du monde". On s’est retrouvé dans une petite salle qui puait la pisse et on a regardé La Planète Sauvage. Et ce fut encore plus beau que ce que j’avais imaginé. C’est sans doute l’œuvre qui m’a le plus influencé au monde et qui m’a donné envie de devenir un artiste…Vous pouvez nous parler de l’origine du Garçon et le monde ? A la base, je travaillais sur un documentaire animé. Le sujet était vaste puisqu’il s’agissait de l’histoire du continent latino-américain. Parallèlement, j’écoutais beaucoup de protest songs des années 60-70 et ça nourrissait ma radicalité, mon envie de révolte… Pendant la préparation de ce film, je suis tombé sur des sketchbooks préparatoire et j’ai retrouvé un dessin –un gribouillis plutôt – d’enfant. Cet enfant a commencé à m’obséder. J’ai décidé de l’inclure dans le film et il a pris de plus en plus de place jusqu’à devenir le héros du film qui s’était transformé en fiction.Pourquoi avoir choisi un petit garçon pour héros ? L’enfant, c’est la naïveté, l’innocence et la pureté. C’était la possibilité de regarder le monde de manière "vierge". Le désir d’adopter le point de vue d'un garçon, au fond, c'est la véritable origine du film. Son idée centrale, esthétique et radicale.Le film est à la fois un récit d’initiation, une critique radicale de la société de consommation et le portrait d’un continent. Qu’est-ce que vous voulez que le spectateur emporte en sortant de la salle ? Ce qu’il veut. Ce voyage peut être interprété d'une manière réaliste ou d'une façon plus symbolique. C'est une histoire ouverte et je préfère que chaque spectateur se fasse sa propre idéePropos recueillis par Gaël Golhen Le Garçon et le monde est aujourd'hui dans les salles