Très attendu, le blu-ray sera mis en vente le 9 décembre. Voici les détails.
Mad Max – Fury Road revient dans une nouvelle édition muette en noir et blanc. Un gadget ? Non, la version la plus proche de la vision originelle de George Miller. Quand, pourquoi, comment ? Réponse en avant-première au moment où la Warner Bros. dévoile les jaquettes des deux éditions qui la proposeront : Mad Max: Fury Road - Black & Chrome et Mad Max: High Octane Collection. Il faudra cependant patienter encore un peu : d'abord annoncé à la fin du mois d'octobre, Fury Road en noir et blanc sera finalement mis en vente aux Etats-Unis le 9 décembre prochain. Cet article a d'abord été publié dans le nouveau numéro de Première.
Sommaire de Première : Les Animaux Fantastiques, L’Odyssée, Tim Burton, Denzel Washington…
On pensait avoir tout vu. L’édition Blu-ray, la version 3D, le coffret avec les trois films originaux, et la version 4K HDR avec de plus belles couleurs. Et voilà que se profile à l’horizon Mad Max – Fury Road "black & chrome". Black & chrome ? Le film muet en noir et blanc que George Miller avait annoncé l’année dernière, mais qui était resté invisible, faute de place et faute de temps. Pourtant, à l’époque, le cinéaste expliquait qu’il s’agissait bien de sa vision originelle.
Pour comprendre comment, en 2016, un blockbuster de studio peut sortir dans une copie en noir et blanc et sans dialogues, il faut revenir aux sources de Mad Max. À l’origine, dès la fin des années.70, George Miller voulait raconter l’histoire de son guerrier du futur uniquement par l’image, sans paroles. Quand on les revoit aujourd’hui, on s’aperçoit que les deux premiers Mad Max sont limités en dialogues et riches en design sonore et visuel. Ce parti pris de cinéma organique, primitif, éclaire en partie le succès de la saga. Dès que Miller s’écartera de cette formule, avec Mad Max – Au-delà du dôme du tonnerre où les personnages soliloquent, l’accueil sera plus tiède. Pour Fury Road, après une pause de plusieurs décennies, Miller décide de revenir à ses racines et conçoit dès le début son film comme un hommage au muet, la forme la plus pure de cinéma. On en retrouve des traces dans le très grand nombre de plans accélérés ou dans les références La Passion de Jeanne d’Arc, de Carl Theodor Dreyer (la coupe de cheveux du personnage de Furiosa), ou à la filmographie de Harold Lloyd et de Buster Keaton. Par choix et pour coller à cet esprit primitif, Mad Max - Fury Road n’aura jamais de scénario et sera entièrement conçu sous la forme de story-boards. Avant le tournage, Miller imagine un film épuré à l’extrême – une longue poursuite, avec un minimum de dialogues – et prévoit de le sortir en noir et blanc. Sans doute se souvient-il que la meilleure version de Mad Max 2 (1981) était la copie 35 mm sans couleur, sur laquelle le compositeur Brian May avait posé ses musiques. Quoi qu’il en soit, très vite, Warner Bros. refuse cette option considérée comme un caprice d’artiste. Le coût du film qui explose les prévisions va forcer le cinéaste à des compromis artistiques constants et enterrer l’idée de la version noir et blanc.
Même sans les effets spéciaux, Mad Max Fury Road est très impressionnant
FURY ROAD "DUOTONE"
Miller ne lâche pas l’affaire. Il cherche pendant longtemps un compromis, caressant l’idée d’un film au look complètement désaturé (comme le montrent les premières images publiées en 2014 par le magazine Entertainment Weekly). Pour découvrir cette version en Blu-ray, c’est facile : baisser les couleurs sur votre écran TV (sur une échelle de 100, placez votre réglage à 8), et vous visualiserez très exactement le Fury Road "duotone" (impression à deux couleurs) que George Miller avait en tête lors du processus créatif. Mais la production chaotique en décida autrement. Après plusieurs projections tests qui laissèrent les premiers spectateurs visiblement interdits, Warner demanda le tournage de nouvelles scènes posant mieux le contexte ainsi que des séquences de dialogues supplémentaires pour "approfondir" les personnages. Miller réalise ces plans un an après le tournage initial. Résultat, Tom Hardy et Charlize Theron changent de physique selon les scènes (Tom est plus ou moins épais, Charlize porte une perruque de cheveux courts très visible dans les reshoots) et on peut deviner que des répliques humoristiques de Max ont été ajoutées pour humaniser le personnage. Toutes ces séquences détonnent avec le reste, déséquilibrent un peu le film et ne satisfont personne : les spectateurs habitués aux blockbusters d’action calibrés, où tout est expliqué en long, en large et en travers, restent sur leur faim, et ceux venus pour vivre deux heures d’adrénaline pure considèrent que ces scènes gâchent un peu la fête.
Et visuellement ? La palette finale est également à l’opposé de l’intention initiale, avec des couleurs extrêmement riches et saturées (jouant le contraste bleu vert/orange) qui rappellent un peu celle de toutes les grosses machines actuelles. Si l’on prend en compte les composites digitaux, visibles dans de très nombreux plans, Mad Max – Fury Road est finalement très éloigné de l’intention "analogique" (par opposition au rendu numérique) que George Miller voulait expérimenter au départ.
VERSION DÉFINITIVE
Mais le succès critique de Fury Road combiné à son succès solide en salles et en Blu-ray, permet aujourd’hui de découvrir cette nouvelle version "black & chrome", dans laquelle Miller peut enfin montrer son film tel qu’il le voulait. C’est après avoir demandé au coloriste Eric Whipp quelques scènes en haut contraste que le réalisateur a réussi à convaincre Warner d’exploiter ce Fury Road définitif, dans un nouveau packaging qui pourrait enfin rallier tous les fans du Mad Max original à la cause de Fury Road. L’édition "black & chrome" sort donc début décembre dans un coffret six disques. Les trois films originaux, Fury Road tel qu’il a déjà été montré en salle, la version "black & chrome" qui contiendra un commentaire audio du réalisateur et le documentaire Madness of Max, auparavant inclus uniquement dans le coffret Mad Max Anthologie. Pour achever de convaincre les plus réticents à repasser à la caisse, de nouveaux documentaires sont aussi inclus avec les Blu-ray de Mad Max 2, (Road War, 30 mn), Mad Max – Au-delà du dôme du tonnerre (un making-of de 45 mn), et Fury Road (Going Mad, 60 mn). Alors on achète.
Et on ouvre grand les yeux.
David Fakrikian
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