Première
par Christophe Narbonne
Qui connaît un peu l’oeuvre au noir du tandem Boileau-Narcejac (Les Diaboliques et Sueurs froides sont notamment tirés de deux de leurs bouquins, Celle qui n’était plus et D’entre les morts) ne sera pas étonné d’apprendre que le troisième fi lm de Safy Nebbou, adapté de L’Âge bête, gratte derrière la façade de la normalité. Jeune homme bien sous tous rapports, Louis est au fond un déséquilibré qui n’a jamais surmonté la mort accidentelle de sa mère ; Pierre, son père, est un intellectuel bourgeois qui se réfugie dans le travail pour ne pas avoir à affronter les problèmes. Comme dans L’Empreinte de l’ange, son deuxième fi lm, le réalisateur creuse la question du deuil, de son rejet, des névroses et des psychoses qui en découlent. Il le fait, et c’est plutôt nouveau, avec une grande sensibilité visuelle, le fantastique affleurant à l’image par les seuls cadrages – les décors naturels sont également bien choisis. Le film n’est jamais aussi prenant que lorsque Nebbou s’attache à montrer l’animalité du jeune héros, tour à tour brute, chasseur, voyeur, protecteur. Il est moins convaincant dans les scènes de tension latente entre le fils et son père, rendues sur-signifiantes par les airs d’opéra en fond sonore. Charles Berling peut malgré tout être fier d’Émile, qui possède la présence et le charme paternels, avec un mystère et une gravité qui n’appartiennent qu’à lui. Les chiens ne font pas des chats.