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La team Apatow frappe fort avec cette comédie d’animation à réserver à un public averti.

Avant même de débarquer en France, Sausage Party a créé un buzz énorme relatif à sa sortie annulée, puis reconfirmée. Entretemps, le film écrit par Seth Rogen et Evan Goldberg (les deux lascars derrière L’interview qui tue !) et classé R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés) a ramassé près de 100M$ au box-office américain, de quoi inciter Sony France à revoir ses plans… Restait à échapper à une classification trop sévère en France, qui aurait handicapé la carrière du film. Sausage Party s’en est finalement tiré avec une interdiction aux moins de douze ans plutôt satisfaisante si l’on en juge par le caractère hyper déviant du projet.

Faut-il laisser ses enfants voir Sausage Party ?

Une VF expurgée ?

La comparaison, souvent établie, avec Toy Story n’est pas fortuite : un produit de consommation (jouet ou aliment de supermarché) découvre que le monde des humains qu’il avait idéalisé n’est pas si idyllique que ça. En l’occurrence, quand on est une saucisse ou une carotte, on s’y fait découper, trancher, cuire, bouffer ! En découle une comédie initiatique assez classique dans laquelle un héros à contre-courant (ici une saucisse moyennement téméraire) est amené à semer la graine de la révolution parmi ses congénères. Voilà pour le versant concret et sage de Sausage Party dont le traitement est, à l’inverse, d’un politiquement incorrect rarement vu, même dans les projets les plus régressifs et débiles de la Team Apatow ou des créateurs de South Park. Les dialogues sont notamment d’une crudité (jeu de mots, oui) proprement hallucinante au point que l’on se demande si la version française ne sera pas expurgée de ses pires expressions. Un film dont le lexique de base est constitué de « trou du c… », « enc… », « pu… », « sal… », « fils de p… », « bor… de mer… », j’en passe, on n’a jamais entendu ça en France. Les Kaïra, à côté, c’est Mickey. Et on ne parle pas de l’hypersexualisation des personnages tous conçus graphiquement en fonction de leur potentiel érotique, voire pornographique, quand ils ne sont pas eux-mêmes des objets liés à la toilette intime, comme le méchant du film, un pommeau de douche vaginale !

Une tortilla et un bagel rejouent le conflit israélo-palestinien

S’il se cantonnait à la provoc’ bête et méchante (pour paraphraser Hara-Kiri), Sausage Party aurait déjà atteint son but. Mais Seth Rogen et Evan Goldberg vont plus loin, moquant le repli communautariste (les aliments Tex Mex et leur accent latino caricatural) et la banalisation de la fumette ou réglant le conflit israélo-palestinien à travers les personnages d’une tortilla arabe et d’un bagel juif qui ne peuvent pas se sentir jusqu’à ce qu’ils se découvrent un ami commun : houmous ! Visuellement original, avec sa lumière réaliste qui l’éloigne du cartoon pur (et donc, d’une séduction plus évidente), Sausage Party est un film bien plus riche que sa lecture primaire pourrait le laisser penser. On peut toutefois se vautrer avec lui dans la luxure jusqu’au bout. A cet égard, les dix dernières minutes sont sans doute ce que vous verrez de plus incroyablement osé cette année dans un film grand public. 

Cyril Hanouna sera la voix de la tortilla musulmane et homosexuelle de Sausage Party

@chris_narbonne

Sausage Party sort en salles le 30 novembre.
Bande-annonce VO :