L'acteur est décédé vendredi à l'âge de 91 ans.
En plus de 60 ans de carrière, Jean-Louis Trintignant aura tourné dans 130 films ("cent trop", se plaisait-il à dire), mais aussi réalisé deux (Une vie bien remplie, en 1972, et Le maitre-nageur, en 1978). Ours d’argent à Berlin pour L’Homme qui ment, Prix d’interprétation à Cannes pour Z, César du meilleur acteur et Palme d’or (avec mention spéciale du jury) pour Amour, il a été largement célébré de son vivant et a son siège à la table des plus grands acteurs français.
En 2017, pour la sortie d’Happy End, nous avions sélectionné huit films de Jean-Louis Trintignant. Pas forcément les meilleurs, ni les plus populaires ou les plus acclamés. Plutôt une collection d’instantanés illustrant toute la palette de ce comédien au jeu à la fois mystérieux et touchant.
Le Grand Silence (Sergio Corbucci – 1968)
Silence, énigmatique muet, affronte des chasseurs de primes dans l’Utah enneigé. Blessé, il se fait soigner par Pauline (Vonetta McGee), une jeune veuve métisse. Echanges de regards et rapprochement épidermique enveloppés d’une musique sublime de Morricone. JLT, même privé de sa voix, demeure iconique.
Ma nuit chez Maud (Eric Rohmer – 1969)
Fervent catholique, Jean-Louis passe une nuit à converser avec Maud (Françoise Fabian), une belle divorcée. Subtil marivaudage philosophique en plans séquences élégants. JLT paraît improviser sur une partition ultra millimétrée. Au petit matin, il enlace sa partenaire, mais renonce à aller plus loin. Un baiser post-scriptum conclura ce rendez-vous manqué.
Le Conformiste (Bernardo Bertolucci – 1970)
Marcello est un salaud ordinaire sous Mussolini. Ses complices fascistes assassinent un universitaire dissident sous les yeux de sa femme Anna (Dominique Sanda). Terrorisée, elle demande secours à Marcello, son amant, témoin de la scène depuis sa voiture. JLT, indifférent, remonte sa vitre. Un sublime et glaçant moment de lâcheté.
Sans mobile apparent (Philippe Labro – 1971)
L’inspecteur Carella enquête sur une série de meurtres à Nice. Espérant coincer le tueur, il court à perdre haleine autour de la marina. Sa gestuelle de coureur de 10000 mètres asphyxié dans la dernière ligne droite est si singulière que la séquence deviendra l’affiche du film. JLT remettra son titre en jeu l’année suivante, dans la Course du lièvre à travers les champs.
Un homme est mort (Jacques Deray – 1972)
Lucien, costume trois pièces impeccable, débarque à Los Angeles pour ce qui semble une formalité : exécuter un contrat. L’occasion pour JLT, qui a refusé nombre de rôles dans des films américains, de croiser Ann-Margret, Angie Dickinson et Roy Scheider. Le piège se referme sur l’ "Outside Man" (titre US). "Ils ont décidé de me garder… pour toujours."
Une journée bien remplie (Jean-Louis Trintignant – 1973)
Un boulanger décide de tuer, dans une même journée, les neuf jurés ayant condamné son fils. Dans cette première réalisation (le dispensable Maître nageur suivra cinq ans après), JLT apparaît en metteur en scène de théâtre dirigeant Hamlet. Son acteur tué en pleine répétition, il s’exclame : "On ne fait pas d’Hamlet sans casser des œufs." Humour noir, audaces, poésie : ovni.
L’Agression (Gérard Pirès – 1975)
Paul, après l’enterrement de ses femme et fille assassinées, se saoule devant sa belle-sœur (Catherine Deneuve). De retour dans son appartement, il lui lance "Je vais vous baiser". Refus, bagarre, défi. Opposition ébriété (lui) / sobriété (elle), irrésistible sourire de JLT… Toute la subtilité du jeu de partenaires en symbiose pour leur première rencontre à l’écran.
Fiesta (Pierre Boutron – 1995)
Masagual, colonel franquiste, accessoirement homosexuel et morphinomane, dirige un bataillon chargé d’exécuter des prisonniers. Sur le podium des rôles de JLT années 90 avec Regarde les hommes tomber et Trois couleurs. Rouge. A 65 ans, l’acteur est impérial dans la peau d’un anticonformiste cynique. "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus cons."
Louis Thévenon
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