Silence Shinoda
Carlotta Films

Présenté à Cannes en 1972, le film de Masahiro Shinoda est une découverte indispensable pour les scorsesophiles enragés.

Le Silence de Martin Scorsese n’était pas à proprement parler un remake. Plutôt une nouvelle adaptation du roman magnifique de Shusako Endo, paru en 1966, et racontant la traque de missionnaires jésuites dans le Japon du XVIIème siècle. En découvrant aujourd’hui seulement le film de Masahiro Shinoda (enfin distribué dans les salles françaises, près de cinquante ans après sa présentation au festival de Cannes), on est pourtant frappé par la ressemblance entre les deux œuvres, leur évidente gémellité. Ça ne signifie que Scorsese a réalisé un copié-collé en cachette, non (il y a quelques différences de taille entre les deux films, notamment leurs conclusions), mais on comprend en les regardant en miroir que l’écriture d’Endo appelle inévitablement ce traitement-là : hiératique, impérieux, austère. Radical et ultra-violent. Les "vrais" remakes signés Scorsese (Les Nerfs à vif et Les Infiltrés) étaient des exercices de style, ouvertement commerciaux, un rien cyniques. Ici, Marty cherchait plutôt à établir un dialogue avec son prédécesseur (Shinoda, l’une des figures emblématiques de la Nouvelle Vague japonaise, auteur du superbe Fleur pâle en 1964), prolongeant son geste, corrigeant certaines scories (le père Ferreira incarné par Liam Neeson en impose plus que Tetsuro Tanba, bizarrement grimé en Occidental), amplifiant l’écho des interrogations immenses qu’il mettait en scène : la foi, le doute, la frontière entre résistance et collaboration, l’ambiguïté de l’héroïsme… Une découverte indispensable pour les scorsesophiles enragés qui estiment, comme nous, que Silence est l’un des films les plus impressionnants de leur réalisateur italo-américain préféré. 

Silence (Chinmoku), de Masahiro Shinoda, avec David Lampson, Don Kenny, Tetsuro Tanba… En salles. carlottavod.com/silence