Avec Ils sont vivants, il signe de très beaux débuts de cinéaste en racontant une histoire d’amour entre la veuve d’un policier sympathisant FN et un immigré clandestin iranien.
Vous aviez signé un court-métrage, Manù, en 2010. Pourquoi avoir attendu autant pour passer à la réalisation d’un long ?
Jérémie Elkaïm : Je suis venu au cinéma avec le désir de raconter des histoires et de faire des films. Ca a donc pris du temps ! Il y a indéniablement dans tout cela une part de dilettantisme mais aussi une question de légitimité, de parvenir à trouver sa place et de voir l’endroit où je pourrais le faire. Ca tient sans doute à ma manière de sacraliser le cinéma et d’être très cinéphile. Il a fallu que j’abime un peu ma vision de sa fabrication. Accompagner les autres a été un bonheur. Et je suis sorti plein de fois du train en marche de projets qu’on m’avait proposé. Ce qui a changé la donne ici, c’est que le désir soit venu d’une actrice, en l’occurrence Marina Foïs (avec qui j’avais joué dans Polisse) qui me propose d’adapter Calais mon amour, écrit par Béatrice Huret - qui a vécu l’histoire qu’elle raconte – avec la collaboration de Catherine Siguret. Comme si ça m’avait libéré et que cela allait bizarrement me permettre de mettre plus de moi
En étant finalement engagé comme vous l’êtes comme acteur…
Oui de la même manière qu’un personnage peut protéger un acteur et lui permet de s’abandonner.
Qu’est ce qui vous a séduit et parlé dans cette histoire ?
Une chose que Béatrice Huret ne raconte pas dans livre : l’intimité pure que cette veuve d’un policier sympathisant RN a partagé avec cet enseignant iranien arrivé clandestinement à Calais avec pour but de vivre en Grande- Bretagne. Qu’est ce qu’une rencontre amoureuse quand une alchimie totalement improbable vous fait vibrer et faire naître des sentiments ? J’ai vu dans cette question le cœur de réacteur possible du film.
Ils sont vivants : les débuts réussis de réalisateur de Jérémie Elkaïm [critique]Qu’est ce qui conduit à choisir Jeanne Lapoirie (8 femmes, 120 battements par minute, Benedetta...) comme directrice de la photo ?
Parce qu’elle a un fort caractère. Et moi, j’aime m’entourer de femmes fortes pour le plaisir à les entendre exprimer leurs points de vue. Je ne suis pas quelqu’un d’autoritariste. Je pense que l’autorité vient naturellement. Il n’y a pas besoin de la jouer. Là, j’avais tellement bâti le film que ça s’est fait tranquillement. Mais surtout Jeanne regarde les acteurs. Et pour ce film, c’était un atout indispensable.
Quel plaisir avez- vous pris à diriger Marina Foïs sur ce projet qu’elle a impulsé ?
Ca a été assez idyllique. Une fois le principe en place et les acteurs choisis, il n’y a, à mes yeux, plus grand-chose à faire. Je pense profondément que les acteurs jouent le réalisateur qui l’emploie. Marina a donc joué avec le texte bien sûr mais aussi l’idée qu’elle se fait de moi, de qui je suis et de ma manière d’envisager l’histoire. Parfois on n’était pas d’accord. Mais rien n’est passé en force de son côté comme du mien.
Est-ce que Ils sont vivants a beaucoup évolué au montage ?
Sur le plateau, j’ai voulu des prises très longues pour autoriser les comédiens à prendre le temps de dire les choses, de vivre les choses, de se regarder. Je me suis donc retrouvé avec beaucoup de rushes mais la matière était passionnante. Assez vite, j’ai voulu une première partie âpre pour l’ancrer dans la réalité quotidienne de Béatrice. Puis je voulais qu’après la cacophonie du cimetière, de la jungle, des aidants… quand on arrive à ce moment où ce couple se regarde vraiment, le silence se fasse. Tout devient alors plus ouaté. Ca a été notre guide pour le montage. A cette aune- là, j’ai dû enlever des choses dingues. Mais il faut savoir faire le deuil de certaines scènes pour garder la cohérence de l’ensemble.
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