Avec quelle(s) récompense(s) le film de Jacques Audiard peut-il repartir le 26 février ? Analyse, décryptage, pronostics.
Toutes les émotions des César 2016 avec BNP Paribas
La liste complète des nominations aux César
Ça raconte quoi ? L’odyssée cauchemardesque de réfugiés Tamouls qui fuient la guerre civile au Sri Lanka pour ne trouver qu’un nouveau théâtre de guerre : la banlieue française.
C’est avec qui ? Trois acteurs sri-lankais totalement inconnus du public, Antonythasan Jesuthasan, comédien non professionnel, ancien combattant Tamoul qui incarne avec une puissance insensée le Dheepan du titre, et Kalieaswari Srinivasan et Claudine Vinasithamby, ses femme et fille de circonstance (qu’il a embarquées dans sa fuite pour être éligible à l’exil). On croise aussi Vincent Rottiers en chef de gang de la cité dans laquelle les réfugiés sont parqués.
Pourquoi fallait le voir ? Que l’on aime ou pas son cinéma, difficile de nier qu’aujourd’hui, Jacques Audiard fait partie des plus grands cinéastes français, qui a la chance de rencontrer généralement un public : Un Prophète et De rouille et d’os attiraient entre 1,3 et 1,9 millions de spectateurs dans les salles. Avec Dheepan, ce fut plus compliqué : le sujet anxiogène, le casting d’inconnus, la langue dans laquelle il est majoritairement tourné – le Tamoul – ont perdu une partie de son public (le film fait 660 000 entrées) que la Palme d’or n’a pas suffi à rallier. La critique, partagée, ne l’aura pas toujours rassuré ; bien que couronné par le jury du festival, Audiard a été attaqué pour le sous-texte politique de son film – notamment dans son épilogue – et la vision de la France qu’il véhicule. Le réalisateur s’en est assez bien défendu en se replaçant toujours sur le seul terrain qui l’intéresse, le cinéma. Dans Dheepan, il passe par différents genres avec une égale maîtrise et fait exploser son talent de metteur en scène quasiment dans chaque plan, pour construire un récit qui tient plus de la fable et du fantasme que du réalisme. Il fait aussi naître un acteur qu’on ne reverra peut-être pas mais qui a donné à jamais un corps (et un passé, des désirs, une âme…) au vendeur de roses qui déambule dans nos villes.
Nominations ? 9. Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur acteur dans un second rôle, meilleur scénario original, meilleure photo, meilleurs décors, meilleur montage, meilleur son.
Ça repart avec quoi ? On lui donnerait le César du meilleur réalisateur les yeux fermés, mais Arnaud Despléchin est un autre candidat sérieux à la statuette. Idem pour Antonythasan Jesuthasan, dont la présence à l’écran est éblouissante – mais le Vincent Lindon chômeur battant de La loi du marché, Prix d’interprétation à Cannes, ne devrait pas laisser beaucoup de chances à ses concurrents. Vincent Rottiers n’a aucune chance face à Michel Fau, le professeur de chant atterré par le manque de talent de Marguerite, et la photo et les décors sont également presque acquis au tableau Années folles du film de Xavier Giannoli. En revanche, Audiard et ses co-scénaristes Noé Debré et Thomas Bidegain peuvent éventuellement repartir avec le César du meilleur scénario original.
Les César dans l'ombre de Cannes
Et le film alors ? Malgré ses qualités presque écrasantes, on parie qu’il n’aura pas le César, et on le prouve mathématiquement :
Explications : Audiard a déjà été roi d'une nuit des César, c'était en 2010 et Un Prophète avait tout raflé (9 César sur 13 nominations). Dheepan a eu la Palme d'or à Cannes, comme Amour et Le Pianiste, également César du meilleur film dans la foulée. MAIS : comme La Vie d'Adèle, qui a eu la Palme mais pas le César, attribué à Les Garçons et Guillaume... cette année-là (2013), Dheepan est un film coup de poing et politiquement incorrect qui pourrait heurter la bien-pensance de l'académie. Qui ne souhaitera sans doute pas couronner une oeuvre qui dépeint la France comme un théâtre de guerre pour symboliser l'année 2015...
Rendez-vous le 26 février prochain.
Commentaires