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Evidemment, avec son titre risqué (Sommeil d’hiver) et sa durée hors norme (3H16), le dernier film de Nuri Bilge Ceylan ne risque pas de faire de l’ombre aux blockbusters qui sortiront en même temps au mois d’août. A Cannes, l’organisation n’a rien fait pour encourager la vaillance des chroniqueurs. Sur place, dans les espaces pourtant réservés, les portiers avaient reçu des consignes confuses et contradictoires dont ils n’avaient retenu qu’une chose: pas d’entrée pour les badges presse. Si bien que la formation rapide d’un important bouchon de journalistes énervés a fini par décider une responsable à aller consulter sa hiérarchie avant de diriger la presse sur les bords extérieurs de la mezzanine, c’est-à-dire aux plus mauvaises places. Une fois de plus, merci. Le film alors? Il y a beaucoup de dialogues et relativement peu d’action dans Sommeil d’hiver, mais l’essentiel est dans le non-dit. Pourtant, c’est l’un des films les plus ambitieux de la compétition, et il pourrait remporter un Grand Prix ou un Prix de la mise en scène. L’histoire tourne autour d’Aydin, propriétaire d’un hôtel bien situé dans une région touristique reculée, mais fournie en formations rocheuses bizarres comme il y en a en Cappadoce. Acteur à la retraite et propriétaire terrien, c’est un érudit qui écrit des livres et des articles, tout en entretenant sa soeur, récemment divorcée, et sa très belle femme qui s’ennuie ferme et essaie de s’occuper maladroitement en donnant la charité. Comme le médecin d’Il était une fois en Anatolie, notre acteur-hôtelier est un homme qui ne comprend pas le monde autour de lui, et à qui il faut expliquer les choses de différentes façons. C’est pourquoi les mots et le langage sont importants chez Ceylan, même s’ils représentent une forme de communication imparfaite et le plus souvent inadéquate. La durée du film se justifie pour décrire le tissu complexe de relations qui s’établissent autour d’Aydin, provoquant les tensions et les conflits. A un moment, il est tenté de fuir, un peu comme on imagine qu’il l’a fait jusqu’à présent en esquivant la réalité. Elle finit par se révéler à lui, et à nous en même temps, libérant un flot d’émotions puissantes. C’est un grand et beau film, à tous les points de vue.
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Aydin tient un hôtel en Anatolie avec sa jeune épouse Nihal et sa sœur Necla. Il gère également quelques bâtisses léguées par son père, dont l’une est au centre d’une bataille procédurière avec un locataire récalcitrant. Le jet d’une pierre par le fils de ce dernier sur la voiture d’Aydin va être à l’origine d’une lente remise en cause.
Qualifié de « cinéaste de festival » (comprenez : chiant et élitiste), le Turc Nuri Bilge Ceylan ne va sans doute pas beaucoup changer de statut malgré la Palme d’or attribuée à son dernier film, dont la sortie en pleine torpeur
estivale est, au choix, un suicide ou une contre-programmation exemplaire. L’avenir nous le dira. En attendant, il faut se préparer à vivre une expérience peu commune, de l’ordre de celle qu’ont vécu les spectateurs courageux d’Il était une fois en Anatolie, le précédent et lancinant voyage au cœur de l’intime proposé par cet auteur singulier. Ce coup-ci, pas de plan-séquence interminable d’automobile fendant la route dans la nuit mais un enchaînement d’affrontements feutrés dans les différentes pièces d’un hôtel transformé en prétoire où sont rendus toutes sortes de jugements concernant : le mariage déliquescent d’Aydin et de Nihal, la présence encombrante de Necla, le mépris rampant et la suffisance affichés par Aydin, sa gestion dénuée d’empathie de « l’affaire de la pierre »... Tel un vieux maître (on pense bien sûr au Bergman de Scènes de la vie conjugale), Ceylan, 55 ans, se laisse aller à de grandes considérations sur la condition humaine tout en se livrant au petit jeu de l’autoportrait grinçant. Film à la lenteur justifiée (on ne regarde pas un homme, un monde, tomber en 1 h 30), Winter Sleep est de ces œuvres qui vous font penser la vie autrement. Rien que ça.
Toutes les critiques de Winter Sleep
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Son œuvre est un choc qui force l’admiration et o re trois longues heures de bonheur.
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Nous approuvons pleinement le choix de Jane Campion et de son jury d’accorder la récompense suprême du dernier Festival de Cannes à ce film turc de plus de trois heures. Ni sa durée ni sa nationalité ne doivent en effet effrayer le spectateur .
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Une nouvelle et magnifique fresque anatolienne du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan.
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le film admirable ne Nuri Bilge Ceylan est un choc esthétique, moral et cinématographique. Le cinéaste a assommé de son talent le Festivalde Cannes.
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Ce sommeil d'hiver n'a rien d'une hibernation, il est traversé de rêves brisés et de frissons de fièvre, strié d'éclairs de beauté sidérants, qui viennent illuminer de longs moments de souffrance.
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un théâtre de la cruauté habile et prenant, sachant faire émerger l’émotion tout en étant touché par une étrange drôlerie.
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Ce film superbe, dont on ne sort pas indemne, qu'on emporte avec soi pour ne le quitter jamais, provoque, en nous, de la peur et de la mélancolie : angoisse totale à l'idée d'être liés, même de loin, à tous ces personnages en perte d'eux-mêmes. Et tristesse infinie de savoir qu'un jour ou l'autre, on ne leur ressemblera que trop.
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Inspiré de trois nouvelles de Tchekhov et ancré dans des paysages d'une beauté inouïe, ce drame intense, brillamment dialogué et joué, porte un regard lucide et aigu sur les rapports humains. Palme d'or au dernier Festival de Cannes.
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Avec Sommeil d’hiver, Nuri Bilge Ceylan lutte contre son propre sommeil d’artiste, contre cet hiver existentiel, ce gel de la pensée, ce givre des affects qui nous menacent tous. Le combat est splendide et plein de panache.
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Magnifique et somptueux drame psychologique constitué de dialogues intenses, riches, d’une grande qualité littéraire. Un pur moment de cinéma.
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C’est un piège que tend Nuri Bilge Ceylan, magnifique en termes d’esthétique et de perfection du mécanisme. Une fois l’œil accroché par ce concentré de comédie humaine, c’est l’esprit tout entier qui passe dans la machine à désosser les faux-semblants et les désillusions
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Nuri Bilge Ceylan ne nous ménage pas, mais s’impose un peu plus en génie du 7ème art.
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"Winter Sleep", palme d'or 2014, est un immense film. De ces oeuvres fascinantes, hénaurmes, d'une beauté formelle exceptionnelle, avançant d'un trait sans faiblir jusqu'à atteindre le coeur du sujet au point exact où tout s'éclaire. (...) C'est un voyage intime et romanesque, où le bruit feutré des mots écorche les murs, où la fureur des gestes envahit soudain le paysage pour réveiller un hiver endormi.
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Attention, cinéma d'auteur et de hauteur. (...) Méditatif, épuré, Winter Sleep est aussi, sûrement, le film le plus bavard de son auteur, qui prend manifestement beaucoup de plaisir à radiographier des discussions sans fin, des affrontements sans issue. (...) Par petites touches, insidieusement, Bilge Ceylan raconte tout cela avec une force incroyable et l'intelligence vissée à l'écran. D'où une Palme d'or attendue mais logique. Car le film respire le cinéma de la première à la dernière image.
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C'est long, mais d'une acuité et d'une cruauté implacables.
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Sommeil d'hiver aurait sans doute gagné à s'évader de l'atmosphère saturée de conflits de ces quatre murs pour aller humer le grand air des steppes sauvages environnantes.
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Nuri Bilge Ceylan signe un huis clos rural, austère et puissant. La longueur ? On l’oublierait presque.
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par La rédaction de Gala
La beauté des paysages, la finesse des dialogues et la mise en scène magistrale font oublier les longueurs et l'austérité du propos.
WINTER SLEEP et ses 3h16 de longs débats sans fin, manque cruellement de cinéma. Un reproche que l’on n’aurait jamais cru pouvoir faire au cinéaste turc. Ceylan ancre son film dans une esthétique passe-partout et une mise en scène adepte de champs / contre-champs guère inspirés. Et ce ne sont pas les rares plans splendides du film – un cheval sauvage essoufflé, le museau dans le sable mouillé ; un cimetière sous la brume –, qui sauvent WINTER SLEEP de sa sagesse stylistique à la limite de la paresse et de son absence totale d’intrigue.
Comme souvent chez Ceylan, un thème plus dramatique, comme une intrigue, s'installe pour réveiller le spectateur et synthétiser l'ensemble. Ici, le don d'une grosse somme d'argent à une famille en difficulté. Mais le flot verbal persiste et saoule encore et toujours. Certains sont décidément plus résistants que d'autres...
Une palme d'or anodine. Pour aller vite, "Winter sleep" ressemble à un film de Bergman où tout serait joué d’avance, toiletté à l’extrême, et désespérément anodin.
Comme souvent chez Ceylan, un thème plus dramatique, comme une intrigue, s'installe pour réveiller le spectateur et synthétiser l'ensemble. Ici, le don d'une grosse somme d'argent à une famille en difficulté. Mais le flot verbal persiste et saoule encore et toujours. Certains sont décidément plus résistants que d'autres..