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C’est un premier film assez impressionnant. Venue du militantisme féministe et anti-porno, Ninja Thyberg livre sa vision du monde du X dans un long-métrage hyper documenté. La réalisatrice a bénéficié des témoignages et de la participation de membres de l’industrie, et ça se ressent instantanément. Pleasure raconte le parcours de Bella (Sofia Kappel, impressionnante), jeune Suédoise qui débarque à L.A. avec l’ambition affichée de devenir une porn star. Le film détaille son entrée dans la carrière, de la coloc’ avec les copines/rivales, où se dessinent les contours d’une sororité des prolos du porno, aux auditions plus ou moins humiliantes, aux tournages plus ou moins dégradants. C’est le récit d’une ascension show-biz, oui, mais ce n’est pas A Star is born, ni même Mulholland Drive. Ni un rêve ni un cauchemar, plutôt une succession de scènes très réalistes, très prosaïques, très crues : à quel moment de son parcours Bella doit-elle envisager tourner des scènes de sodomie ? Et de doubles pénétrations ? Quel sens peut avoir le mot « consentement », désormais brandi comme un sésame sur les tournages, quand toute l’équipe vous attend et que vous ne pouvez en réalité plus reculer ? Qu’est-ce votre corps est censé comprendre quand il prend des coups bien réels dans une « fiction » hardcore ou SM ? Pleasure démonte avec précision, sans aucun trémolo ni incartade mélo, les rouages d’un système montré comme patriarcal et ultra-libéral. C’est un film qui tord le bide. Une date dans la représentation à l’écran d’un monde au fond méconnu. Tout sauf une partie de plaisir.