Western moderne, inspiré du grand classique de Sergio Corbucci (1966), la nouvelle création originale Canal + est d'abord une vaste co-production européenne ambitieuse. Nathalie Perus, directrice générale chez Atlantique Production, nous raconte les coulisses du tournage.
PREMIÈRE : Qu'est-ce qui a motivé cette nouvelle série dérivée du personnage de Sergio Corbucci ?
Nathalie Perus : A l'époque, mon prédécesseur chez Atlantique Productions, Olivier Bibas - aujourd'hui chez Canal + - avait très envie de faire un western et de réinventer le western, en donnant une perspective européenne, en s'inspirant de cette tradition européenne du western spaghetti. Un truc un peu boueux dans lequel on parle en sous-texte de la société et des problèmes entre communautés. Et il a fallu ensuite négocier les droits de Django avec la famille de Corbucci.
Il faut préciser que c'est un Django qui n'a pas grand chose à voir avec celui que le grand public connaît, à savoir la version de Quentin Tarantino (2012)...
Bien sûr. Tarantino a repris le titre de Django mais pour le coup, il n'a absolument pas négocié les droits... Cela a donné une grande notoriété au titre, mais notre série est clairement plus inspirée de Corbucci que ne l'était son film. Même si on ne raconte pas exactement la même histoire que dans l'original de 1966. Il y a un conflit similaire, mais à base de clashs raciaux, tandis que le film de Corbucci parlait surtout de clashs de frontières et de territoires. Nous, on a voulu des thématiques plus proches d'aujourd'hui. Comment est-ce qu'on apprend à vivre ensemble ? Comment, à l'intérieur d'une même communauté, on dépasse des problématiques de clans ? Comment arrive-t-on à évacuer la haine entre les peuples ?
Quelle place a tenu Atlantique Productions dans ce grand projet européen ?
Atlantique Productions était à l'initiative du projet et puis Canal +, dans la foulée, a eu très envie d'en être. Et comme on voulait s'inspirer du western italien, naturellement, on s'est associé avec une société italienne, Cattleya, qui venait de faire Gomorra. Faire une co-production avec les Italiens, ça tombait sous le sens. Et donc on a fait venir des scénaristes et des réalisateurs italiens. La plupart avait d'ailleurs travaillé sur Gomorra. On voulait qu'ils apportent cette vision. Ils ont ce savoir-faire particulier.
Quels sont les challenges quand on se lance dans une co-production européenne comme Django ?
Ce sont des projets intrinsèquement compliqués, mais on les choisit pour l'ambition. L'expertise d'Atlantique, comme celle de Cattleya, c'est justement cette capacité à s'emparer des challenges d'une co-production, pour mettre en place toutes les équipes et la coordination, afin de dépasser les complexités. Du coup, la complexité est même recherchée finalement : on veut agréger toutes les pratiques et les savoir-faire, en trouvant des partenaires financiers qui ont l'habitude de travailler ensemble. Après, il y a des challenges d'ordre artistique. Il faut partager une vision commune. Avoir envie de dire la même chose. Et puis ensuite, il y a les challenges de production à proprement parler : en l'occurrence, pour Django, il a fallu reconstituer le Texas du XIXe siècle en Roumanie ! Reconstituer une ville entière, dans un cratère, et y faire venir une variété de talents, des comédiens ou de la technique, et les convaincre de rester sur place pendant 7 mois...
« Il y avait dans le Far West une forme d'utopie, l'espoir de réussir à créer une société du vivre-ensemble, avec ses différences. Et c'est ça que Django veut raconter »
Pourquoi vous-êtes vous installés en Roumanie pour tourner ?
Il y avait les paysages que l'on recherchait. Il fallait une nature complètement vierge. Il fallait cette terre rouge, des pluies battantes et un soleil écrasant. On a cherché dans toute l'Europe et c'est là-bas qu'on a trouvé ce qu'il nous fallait exactement. On a quand même reconstitué une ville entière dans un cratère, avec des maisons en bois, totalement écologiques... C'est une première.
Comment se partagent les investissements dans une co-production comme Django ?
Les chaînes comme Canal + et Sky ont des budgets annuels plus ou moins standards, pour ce genre de co-productions internationales. Après, ils ajustent en fonction du casting et du niveau de production souhaité. Ils font des arbitrages en fonction des différentes séries qu'ils produisent et mettent plus ou moins d'argent. On n'est pas en train de tout négocier. Maintenant, c'est aussi notre métier en tant que producteurs, chez Atlantique, de chercher à trouver toujours plus de moyens pour pouvoir financer plus d'explosions, plus de batailles, de pouvoir tout mettre à l'écran. Mais bon, c'est plutôt dans le sens inverse que ça se joue : on adapte plus souvent la production en fonction du budget dont on dispose... Sur Django, les moyens ont vraiment été à la hauteur et les partenaires ont tout fait pour que la production soit la plus belle et la plus ambitieuse possible. Ça se voit à l'écran. Je crois qu'on a réussi à faire ce qui se fait de mieux en matière de production européenne.
Le casting de Django réunit des acteurs d'origine belge, allemande, anglaise, suédoise... mais pas d'Américains. Alors que pourtant, c'est un western dans le Far West !
C'était complètement assumé et souhaité. Notre volonté était clairement de faire un western avec une perspective intégralement européenne. Cela permet aussi de refléter la réalité de l'époque, puisque tous les gens qui arrivaient ainsi dans le Far West étaient des Européens ! Ils étaient tous des immigrés, qui venaient pour trouver une vie meilleure et qui, une fois sur place, devaient construire une nouvelle société et apprendre à vivre ensemble. On y trouvait des Français, des Allemands, des Anglais... Il y avait dans le Far West une forme d'utopie, l'espoir de réussir à créer une société du vivre-ensemble, avec ses différences. Et c'est ça que Django veut raconter. Du coup, on a tout tourné en Anglais. À partir du moment où on réunit tous ces immigrés dans une même ville, ils n'ont d'autre choix que de partager une langue commune, en l'occurrence l'Anglais.
Django - saison 1 en 6 épisodes - à voir sur Canal + dès le 13 février 2023
Commentaires