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Que vaut vraiment le film coup de poing de Diastème ?

L’itinéraire d’un paumé. Un Français pourrait se résumer comme ça. D’un paumé qui traverse la vie sans jamais vraiment rien décider, qui ne se trouve même pas, mais qui se détache, presque insensiblement, de la haine qu’il porte en lui. Ce Français est d’abord un petit délinquant, pur produit de la misère sociale, qui casse des gueules de Noirs et d’Arabes non pas vraiment par conviction, mais parce que c’est dans cet environnement là qu’il vit et que, comme beaucoup de jeunes de son milieu, il a la haine. Nous sommes au milieu des années 1980, c'est la crise, les tensions sociales et raciales sont à leur comble, le Front national devient un parti important et on se crache des slogans (« Touche pas à mon pote » contre « Touche pas à mon peuple ») à la gueule. Les skinheads font du bruit et cherchent leur camp – certains entrent au parti d’extrême droite. Marco, le Français de Diastème, est de ceux-là, mais il n’est pas le plus virulent ni le plus déterminé de la bande. Il ne suivra pas jusqu’au bout le plus politisé de ses copains, celui dont on entendra les discours dans des salles communales ou au JT de 20h. Et qui sera le seul vrai méchant du film, celui qui est là pour rappeler ce que le cinéaste redit en interview, que le Front national a été créé par des nazis français et qu’il a du sang sur les mains. 

Mais tout ça, ce n’est qu’une toile de fond.

La trame, la vraie, est individuelle. Intime. La caméra de Diastème reste accrochée à Marco (excellent Alban Lenoir) pendant une trentaine d’années, d’abord en mouvement, collée à sa nuque, à ses yeux pleins de haine et sa mâchoire serrée, derrière ses talons quand il course une proie et sur son poing quand il donne des coups. Puis le temps passe et la caméra se pose ; il ne comprend plus toujours ses amis, trouve qu’ils vont trop loin, prend ses distances. Et fait une rencontre déterminante. Pas celle de la fille, car il en rencontre une qui est encore plus extrême que lui, mais celle d’un pharmacien qui va faire évoluer son regard sur les gens et la vie. Sans discours ni leçon, sans même une épiphanie. Marco ne renonce pas à la haine et la violence suite à une grande révélation, elles l’abandonnent presque malgré lui. Une évolution anti-spectaculaire qui ne transporte pas le héros du gouffre jusqu’au sommet : il en est presque au même point à l’arrivée. La seule chose qui a disparu, c’est sa haine. Manière d’en souligner l’absurdité, de ne pas la condamner (il a toutes sortes de circonstances atténuantes) ni bien sûr la glorifier (certaines scènes de violence sont quasi insoutenables) et, surtout, de ne pas donner de leçon. 

Un Français fait peur aux exploitants

Evidemment Diastème a choisi le parcours d’un skinhead, ancre son film dans les époques et leur contexte politique (Un Français s’ouvre à peu près autour de la création de SOS Racisme et se ferme sur les Manifs pour tous). Il évoque l’ultranationalisme et l’extrême droite et ces sujets ne sont pas anodins aujourd’hui – ils sont bien sûr la source de la polémique qui a conduit Mars Films à diffuser un communiqué de presse dans lequel le distributeur salue le courage des exploitants qui effectueront « un acte militant » en diffusant ce « film nécessaire ». Mais Un Français n’est pas le grand film sur le Front national que le cinéma français n’a pas encore su produire, et ne veut d’ailleurs surtout pas l’être. Un Français est, 20 ans après Kassovitz, un grand film sur la haine.

Vanina Arrighi de Casanova

Un Français de Diastème avec Alban Lenoir, Samuel JouyPaul Hamy est sorti dans les salles.