Metropolitan FilmExport/20th Century Fox/Gaumont/Carlotta Films

Jake Gyllenhaal est génial en handicapé tentant de se relever dans Stronger.

A l’occasion de la sortie de Stronger, un drame de David Gordon Green porté par Jake Gyllenhaal, phénoménal dans la peau d’un homme qui a perdu ses jambes lors de l’attentat de Boston, Première vous propos un top 10 des meilleurs "films de fauteuil roulant". Le handicap a souvent été abordé avec brio au cinéma, de Voyage au bout de l’enfer à Stronger en passant par Intouchables ou la saga X-Men. La preuve.

Jake Gyllenhaal porte Stronger [Critique]

Voyage au bout de l'enfer
Le film de guerre (et plus particulièrement le film de guerre vietnamien) aime les fauteuils roulants. Il les aime au point d’en avoir fait le point focal d’un nombre impressionnant de films, du Retour de Hal Hashby (Jon Voight en fauteuil) à Né un quatre juillet (Tom Cruise) ou Forrest Gump (Gary Sinise). Mais le meilleur, le plus beau, c’est John Savage dans Voyage au bout de l’enfer, les deux jambes en sang dans un torrent boueux de la jungle asiatique, finalement rapatrié et amputé, traumatisé au point de ne pouvoir décrocher un mot au téléphone quand son pote Michael (De Niro) finit par retrouver sa trace dans un hospice. Déchirant, inoubliable, John Savage n’aurait joué que ça, sa place serait assurée dans l’histoire du cinéma.

X-Men
Le Professeur Charles Xavier reste le personnage qui a su faire du fauteuil roulant un élément iconique au même titre que le bouclier de Captain America, que le marteau de Thor ou que le sabre laser d’Obi-wan Kenobi. Le tout grâce notamment au grand X qui constitue l’armature métallique des roues du fauteuil (très belle trouvaille, ça) et à une scène extraordinaire dans X-Men 2 où, victime d’une illusion, il s’imagine debout à côté de son fauteuil, une larme coulant doucement sur sa joue (scène jumelle de la mort du chien en fauteuil de Babe 2 de George Miller, qui monte au ciel en gambadant à la chasse au papillon). Sinon, le professeur X est l’incarnation la plus littérale du thème de l’esprit qui caracole quand les jambes ne vous portent plus, puisque son pouvoir mutant réside dans sa capacité à se projeter hors de son corps pour lire les pensées d’autrui ou les contrôler à distance.

Fenêtre sur cour
James Stewart s’est fait bobo à la jambe. Plâtré jusqu’au bassin, il trompe son ennui en observant avec le zoom de son appareil photo le voisin de l’autre côté de la cour, qu’il soupçonne d’avoir découpé sa femme en rondelles. Alors que  le protagoniste du cinéma américain se définit classiquement par son dynamisme physique, Alfred Hitchcock explore toutes les possibilités du concept de héros immobile, poussant le vice jusqu’à demander à Grace Kelly de venir se dandiner devant le pauvre Stewart pour lui rappeler ce qu’il loupe en restant bloqué dans son fauteuil. Belle métaphore : le fauteuil, c’est aussi là que s’assied le spectateur de cinéma, un symbole de faiblesse et d’abandon. A ne pas confondre avec la chaise de metteur en scène, signe de toute-puissance et de manipulation.

Le Scaphandre et le papillon
L’envers du précédent : une histoire vraie, là encore, celle d’un homme "prisonnier en lui-même", là encore, mais qui choisit la vie et parvient, avec l’aide de ses infirmières (dont il reste à prouver qu’elles étaient aussi jolies dans la vie que Marie-José Croze et Anne Consigny le sont à l’écran) à écrire un livre, en ne s’exprimant qu’en morse avec sa paupière. L’envers du précédent aussi par son choix filmique de tout tourner en vision subjective, la caméra se substituant à l’oeil valide du malheureux protagoniste. Question : ressent-on le désarroi du tétraplégique plus fortement en caméra subjective ou en caméra objective ?

Intouchables
Ne cherchez pas de fauteuil roulant sur l’affiche d’Intouchables, il n’y en a pas et c’est fait exprès. Il y a Omar Sy, le black dont le grand sourire SAV est là pour faire oublier l’« inquiétante » capuche banlieue. Et il y a François Cluzet, le Dustin Hoffman frenchie, bouille sympa et foulard de soie autour du cou, l’air on ne peut mieux portant. Le fauteuil roulant, la tétraplégie, les moments de détresse, les douleurs fantômes, c’est la surprise du film. Calcul évident : rassurer les spectateurs, insister sur la comédie plutôt que sur la maladie, c’est pour leur bien, au fond, on ne sait jamais, certains pourraient ne pas souhaiter voir Cluzet se faire laver le cul par des « assistants de vie » dans un environnement 100% médicalisé, alors qu’une fois dans la salle, ils y prendront plaisir. Voilà qui reste la grande équation à résoudre pour l’accompagnement marketing du cinéma : si le film est bon, les gens seront contents en sortant de la salle. Encore faut-t-il avoir réussi à les attirer dedans. Sur ce plan-là, Intouchables est donc comme les autres comédies françaises récentes, il biaise, il tourne autour du pot, il « par ici m’sieurs dames » comme un racoleur forain. Heureusement, pour tout le reste, le film de Nakache et Toledano fait le contraire de l’ordinaire comique franchouille. Le film est fin, drôle, juste, touchant, travaillé, précis, irréprochable sur le ton, parfait dans le rythme. Un très bon film en plus d’être un film « bien », comme on peut

Murderball
Une petite place pour un documentaire, qui est aussi un film exceptionnel. De vrais paraplégiques ne crachant pas sur une bonne partie de picole ou un petit joint deviennent des super cracks de rugby en fauteuil. Le film peut se voir comme l’envers parfait des fictions métaphoriques où le handicapé parvient à dépasser sa condition en explorant son imaginaire ou en développant son intellect. Murderball montre au contraire des types plus que jamais déterminés à repousser leurs limites physiques pour participer aux jeux olympiques handisports, des types qui ne s’en remettent pas à leur esprit mais à la puissance d’un mental en acier trempé. Et pas que le mental, d’ailleurs.

Avatar
Eh ben ouais, on l’oublie parfois pour cause de Ptérodactyles, de vols planés et de vols planants dans un monde à la nature luxuriante et hallucinogène, mais la mère de tous les succès filmiques est une fable en fauteuil roulant. Le Marine casse-cou qui remplace son jumeau scientifique pour cause d’ADN identique se fait transporter sur Pandora dans un fauteuil, littéralement, et ce bien avant de prendre trente centimètres, de perdre un doigt à chaque main et de devenir tout bleu. Le coup du fauteuil est loin d’être un simple gimmick : Avatar marche entièrement sur la notion surréaliste d’un monde de l’esprit (du rêve) qui échappe aux lois physiques qui nous clouent au sol, exactement comme l’un de ses modèles Peter Ibbetson, où le héros finissait tétraplégique mais retrouvait sa dulcinée dans ses rêves. A travers les avatars humains en forme de Na’vi, Cameron affirme que le cinéma du futur (la performance capture) sera un monde de fantasme pur, d’une totale liberté, en contraste vertigineux avec les jambes inertes et atrophiées du soldat incarné par Sam Worthington dans les séquences en prises de vue réelles.

Johnny s'en va-t-en guerre
Alors là chapeau. Il est venu avant tout le monde, et il a tout fait en un seul film : le pouvoir de l’esprit, la caméra subjective, la caméra objective, la mutilation de guerre (même si c’était la première guerre mondiale et pas le Vietnam), l’infirmière bonasse (incroyable scène de sexe), le morse, l’envie de vivre, le besoin de mourir. Seule réalisation du scénariste Dalton Trumbo, une plongée psycho-philosophique dans le cerveau d’un homme tronc, considéré comme « végétatif » par les scientifiques mais en réalité pleinement conscient de sa condition. A vieilli, comme tous les films un peu expérimentaux de son époque, mais a conservé son pouvoir de choc et de fascination.

Mar Adentro
Le (très) grand public a découvert Javier Bardem avec sa coupe au bol dans No Country for Old Men, son cancer de Biutiful et son portrait de peintre latin lover dans Vicky Cristina Barcelona. Mais pour tous ceux qui l’ont vu, son visage est définitivement cadré en plan très serré dans le Mar Adentro de Alejandro Amenabar, l’histoire (vraie) d’un tétraplégique qui, n’ayant pas Omar Sy pour égayer son quotidien, organisa son suicide assisté, après avoir échoué à obtenir légalement le droit de mettre fin à ses souffrances. Un tour de force esthét(h)ique, qui parvient à faire tenir le monde dans les gros plans de visage d’un homme auquel la vie intérieure ne saurait suffire s’il n’a pas la faculté d’y mettre un terme, expression ultime de la liberté.

Le dernier des immobiles
Le Dernier des immobiles. Un beau titre pour un film unique à tous les sens du terme, dû au talent d’un jeune type du nom de Nicola Sornaga et à sa rencontre avec un pur monde de poésie. C’est l’histoire mi-documentaire mi-fiction, mi-figue mi-raison d’une sorte de poète du nom de Matthieu Messagier, cloué à son fauteuil mais vivant de l’esprit et du goût, on devrait même dire bon vivant de l’esprit et du goût, laissant partout où il séjourne des mini-poèmes splendides griffonnés sur des coins de tables, presque des haiku, et le souvenir de soirées bien arrosées et de délicieux havanes. Magie du terroir, des bons mots et de l’arôme fruité d’une bonne bouteille, un drôle de film pas facile à voir, encore moins à oublier.

Stronger vient de sortir au cinéma. Bande-annonce :


5 films à voir avant Stronger : Million Dollar Baby, Happiness Therapy, Patients...