Vendredi dernier, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension du visa d'exploitation de Nymphomaniac Volume 1 "en tant qu'il n'interdit pas la diffusion du film aux mineurs de 16 ans" et la suspension du visa d'exploitation de Nymphomaniac Volume 2 "en tant qu'il n'interdit pas la diffusion du film aux mineurs de 18 ans". En clair, les deux volets du film de Lars Von Trier ont vu leur classification durcie, de -12 à -16 pour le premier, et de -16 à -18 pour le second. Le tribunal a donc donné raison à l'association Promouvoir (qui a pour objet "la promotion des valeurs judéo-chrétiennes"), qui demandait la révision du visa d'exploitation. Nous nous sommes procuré les ordonnances du juge, qui sont motivées avec force détails (le magistrat a dû visionner les deux volumes du film), et dont voici l'essentiel.Volume 1 : le sexe réaliste dans un climat sombre "Considérant qu'il résulte de l'instruction que le film Nymphomaniac Volume 1, actuellement distribué dans les salles, comporte, selon l'avis même de la commission de classification, "des scènes de sexe (...) montrées avec un certain réalisme" et "se déroule dans un climat d'ensemble assez sombre" ; que le film en cause comporte (...) la présentation de scènes et d'images particulièrement crues relatant l'addiction sexuelle d'une jeune femme ; qu'à plusieurs reprises, le film présente à cet effet des scènes de sexe entre la jeune femme et divers partenaires dans un contexte particulièrement sombre ; que la circonstances que les scènes de sexe ont été réalisées par le recours à des acteurs spécialisés dans le cinéma pornographique n'est pas de nature à établir qu'il ne s'agirait pas de scènes de sexe non simulées ; que si l'oeuvre cinématographique réalisée par Lars Von Trier évoque, selon les termes du ministre de la culture, "le parcours érotique d'une femme de sa petite enfance à 50 ans", les nombreuses scènes de sexe que comporte le film Nymphomaniac Volume 1, si elles sont brèves pour la plupart, ne sauraient, contrairement à l'appréciation d'un membre de la commission de classification à laquelle fait référence la ministre de la culture et de la communication, présenter un caractère "pédagogique" ; que, par suite, le film Nymphomaniac Volume 1 ne peut être visionné par un jeune spectateur, sans culture cinématographique avertie (...)"Volume 2 : le sexe non simulé et l'extrême violence"Considérant que le film Nymphomaniac Volume 2, actuellement distribué dans les salles, présente, selon l'avis même de la commission de classification, "des scènes à caractère sadomasochiste, et, de façon générale, l'utilisation de la sexualité à des fins de manipulation" ; qu'il résulte de l'instruction (...) que le film en cause comporte la présentation de scènes et d'images particulièrement crues relatant l'addiction sexuelle et l'évolution psychique d'une femme jusqu'à ses 50 ans ; que, notamment, le film comporte une scène de fellation non simulée pratiquée par l'héroïne sur un homme ligoté contre sa volonté, plusieurs scènes sadomasochistes montrant de façon insistante et particulièrement réaliste les blessures subies par l'héroïne, notamment sur ses parties intimes, et une scène dans laquelle elle est victime de coups extrêmement violents au visage et au corps avant de se faire uriner dessus par l'une des protagonistes du film avec laquelle elle a entretenu une relation affective ; que le film comporte en outre plusieurs scènes de masturbation du personnage principal, dont l'une révèle de façon particulièrement crue les lésions physiques de l'héroïne sur ses parties intimes ; qu'enfin, le film présente de nombreux gros plans de sexes féminins et masculins, à l'état flaccide et en érection, notamment dans une scène évoquant la pédophilie pour l'une et le triolisme pour l'autre ; (...) que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la ministre de la culture et de la communication a commis une erreur d'appréciation en tant qu'elle n'a pas assorti le visa d'exploitation du film Nymphomaniac Volume 2 d'une interdiction aux mineurs de 18 ans, doit être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision".Au-delà des tribunaux français, le premier volume du film de Lars Von Trier a été présenté à Berlin dans sa version uncut. Qui ne devrait pas adoucir la position du juge si on lui soumettait.Voir aussi :Notre review de Nymphomaniac Volume 1