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Cinq ans après son premier passage à Paris, West Side Story (re)joue sa fidélité absolue à la production originale de Leonard Bernstein et Jerome Robbins. Décors new-yorkais 60’s, entrechats jazzy et standards spicy (Maria, America, Tonight...) : tout est là. Comme en 57 à Broadway et surtout comme dans le chef d’oeuvre de Robert Wise qui reste sur toutes les rétines et dans toutes les oreilles. Du coup, la question se pose : pourquoi reproduire à l'identique un show enterré par sa transposition cinéma ? Et quel intérêt de monter pour la scène ce qu’un travelling ou un zoom a depuis longtemps imprimé dans l'inconscient collectif et contre quoi aucune production scénique ne saurait rivaliser ? Au bout de cinq minutes, devant cette production irréprochable, la réponse est évidente. Cette « nudité », cette relecture ultra-orthodoxe, donne à voir et à entendre comme jamais le classique Broadway. Au cinéma, la musique n’a jamais claqué comme ça. Le chef Donald Chan met en relief toutes les nuances de la partition de Bernstein. Les riffs subtiles et enjoués, les partitions vénères ou mélos, tout prend un relief qu'on ne connaissait (vraiment) pas. Plus sophistiquée, plus urbaine, plus fine et modulée aussi, la partition renaît et on s’aperçoit que Bernstein (en bon élève de Copland) a imaginé une partition americana moins musicale que symphonique.  Idem pour les textes. On a beau connaître le film par cœur, on n'avait jamais prêté attention aux lyrics (engagés, crus, revendicatifs) qu'on (re)découvre. La pièce prend un tour plus crue ; il est question de sexe et de mort (la scène du viol d'Anita) ce que la version hollywoodienne avait gentiment lifté. Mais ce sont surtout les comédiens qui donnent une nouvelle incarnation à ce show intemporel. Côté mec, Liam Tobin fait un Tony impeccable, mais c’est Pepe Munoz qui remporte la mise. Son Bernardo stylé, violent et passionné vole le show. Et Elena Sancho Pereg, la Maria de la production, a presque du mal à lui tenir tête. Pour trouver le volcan, les vibrations latinas du côté des filles, il faut se tourner vers Yanira Marin, Anita espiègle, dure et décidée, mais qui se révèle progressivement fragile et complexe. Fougue, spontanéité, justesse : le cast est à l’image de cette mise en scène. En tout point remarquable. Gaël Golhen >>Plus d'infos sur le spectacle