Le réalisateur de Juste la fin du monde se confie sur son film, sa façon de tourner et l’utilisation de la musique dans son cinéma.
Juste la fin du monde sera proposé ce soir sur Arte. A sa sortie, en 2016, Première avait rencontré son réalisateur. flashback.
Interview du 21 septembre 2016 : Il y a quelques jours, alors que Xavier Dolan était lancé dans un long tour de la France pour présenter Juste la fin du monde au public, Première l’a rencontré lors de son étape nantaise. Devant de nombreux journalistes, le réalisateur canadien est revenu sur le tournage de son dernier film, mais également le douloureux processus de montage et son absence de culture cinématographique, qu’il avoue sans détour.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan est une déflagration
Les personnages et les acteurs de Juste la fin du monde
"Juste la fin du monde est une sorte d’explosion de mots, de cris, de reproches, de frustrations… Qui ne sont pas exprimés de façon discrète. Ce sont des personnages maladroits et criards, mais à travers la parole ils dissimulent leur douleur et leur souffrance. C’était extrêmement difficile de réunir les acteurs à cause de leurs projets respectifs. Ils étaient éparpillés sur la planète ! On s’est adapté. Ils n’ont été ensemble que six jours sur le plateau. Mais ils sont bien sûr revenus tourner leurs scènes individuelles un à un. La première fois que je les ai vus tous ensemble, c’était énormément de bonheur et de fébrilité. Mais comme on avait très peu de temps, il s’est installé une forme d’urgence euphorique, inspirée. Une espèce de transe…"
Sa façon de filmer
"Pour réduire le rapport du théâtre au cinéma dans Juste la fin du monde, il fallait réduire l’écart de distance entre la caméra et les personnages. Ça s’est imposé après deux ou trois jours de tournage. En étant trop éloigné, on avait l’impression d’être dans une sorte de télé-théâtre. Finalement, dans la langue de Lagarce, il y a une dichotomie très humble car elle remet en question sa propre écriture, tellement verbeuse. Des mots, des mots, des mots… Pour mieux contourner l’essentiel, les choses simples qu’on pourrait se dire pour éviter tant de circonvolutions, de douleurs et de cris. C’est comme si Lagarce remettait en cause l’usage de la parole dans une époque où finalement il n’y a plus que nos regards et nos corps qui communiquent, alors que notre parole est déphasée par rapport à ce qu’on ressent. Aller au plus près des visages avec ce film était une façon de dire au spectateur que les mots ont une importance secondaire, que les visages et la façon dont les gens se tournent le dos en a beaucoup plus. Ce qui compte, c’est ce qui est sous les mots et entre les mots".
La musique
"Les chansons jouent par le film, pas au-dessus du film. Plus j’avance, plus j’essaie d’utiliser les chansons de façon diégétique. Justement pour qu’elles aient quelque chose de plus narratif, qu’elles s’inscrivent dans le quotidien de ces personnages. Qu’elles correspondent d’avantage à leurs choix qu’aux miens. À chaque moment sa musique ou ses silences. La musique s’inscrit dans nos vies de façon aléatoire à travers la radio, dans des cafés… Ce sont soit nos goûts, soit les goûts des autres. Il faut que je me demande aussi ce que les personnages écoutent, ce qui leur convient. Ce n’est pas toujours ma playlist à moi, même si ce sont des chansons que je connais, évidemment. Il y a un moment, une personne et un timing pour chaque sorte de musique".
Xavier Dolan en cinq décrochages musicaux, de J’ai tué ma mère à Juste la fin du monde
Le montage
"Jusqu’ici j’ai toujours tourné et monté en même temps. Et puis curieusement, pour le film américain dont je viens de terminer la première moitié du tournage cet été (NDLR : The Death and Life of John F. Donovan), quelqu’un d’autre que moi montait. C’est dur le montage, parfois. C’est un moment de solitude assez important, assez long. Et je suis content d’avoir un ami pour le faire avec moi. Comme pour la plupart des réalisateurs, beaucoup de choses se reconstruisent au montage. C’est une réécriture du film, que ce soit pour réparer les erreurs commises sur le plateau ou combler les manques qui existaient déjà au scénario. Il y a une reconstruction, une réparation. Parfois on décide finalement de commencer avec une scène avec laquelle on pensait terminer. Parce qu’on pense pouvoir manipuler l’intérêt, l’attention et l’émotion".
Son absence de culture cinématographique
"Je sais peu de choses sur beaucoup de choses. Je le dis depuis huit ans mais je crois que les gens ne le comprennent toujours pas : je n’ai pas de culture cinématographique. J’ai vu peu de films, et les bons films ou vieux films que j’ai vu, c’est souvent par pur hasard. Mais les gens ne l’entendent pas et continuent de voir dans mes films des références à des cinéastes que je n’ai pas le plaisir de connaître !"
Bande-annonce de Juste la fin du monde :
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