Près de 50 ans après sa mort, l’influence d’Agatha Christie sur la fiction ne se dément pas.
Quand Agatha Christie écrit La Mystérieuse Affaire de Styles, en 1917, premier roman à mettre en scène Hercule Poirot, elle n’imagine sans doute pas qu’il sera encore, un siècle plus tard, un personnage incontournable de la fiction. Sous les traits de Kenneth Branagh, le célèbre détective belge à l’impeccable moustache en croc, est actuellement à l’affiche au cinéma dans Mystère à Venise, une de ses dernières aventures littéraires. Une longévité exceptionnelle, à l’image de la carrière de sa créatrice.
33 romans et 51 nouvelles, publiés entre 1920 et 1975 : Agatha Christie est indissociable des enquêtes d’Hercule Poirot. Il a fait d’elle une légende, la romancière la plus lue de tous les temps selon le Guinness Book des records, avec plus de deux milliards de livres vendus à travers le monde. Un succès qui lui a même permis d’accéder au titre de Lady Agatha, en 1971, quand la reine Elisabeth II la fit Dame commandeur de l'ordre de l'Empire britannique. Quelques années plus tard, elle fera d’ailleurs sa dernière apparition publique au côté de la souveraine, lors de la première du Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet.
On garde souvent d’Agatha Christie cette image de vieille dame sympathique, championne de la littérature adorée de tous. Pourtant, elle était moins sage qu’il n’y parait. Née en 1890 à Torquay, dans le sud de l’Angleterre, Agatha Christie a traversé deux guerres mondiales et connu une vie trépidante. Archéologue, pianiste, chanteuse et bien sûr écrivaine, elle fut mariée deux fois et vécut comme une femme résolument moderne pour son époque.
En 1926, la romancière défraye même la chronique. Quelques jours après le décès de sa mère, elle disparaît alors que son époux est parti rejoindre sa maitresse. On retrouve sa voiture abandonnée près d’un étang, et la presse britannique s’emballe. Suicide, meurtre, mise en scène visant à booster la vente de ses livres ? Tout le pays est en haleine. 15 000 bénévoles assistent la police dans ses recherches, et Agatha Christie est retrouvée onze jours plus tard dans un hôtel où elle résidait sous le nom de "Mrs Teresa Neele", celui de la maîtresse de son mari.
Elle affirme souffrir d’amnésie, on la soupçonne d’avoir voulu se venger de son époux volage. Elle ne s’expliquera jamais publiquement sur cette affaire rocambolesque qui semble avoir inspiré la romancière Gillian Flynn dans Gone Girl, adapté au cinéma par David Fincher. Dans le film, Rosamund Pike disparait elle aussi pour faire accuser Ben Affleck de son meurtre… En 1928, Agatha Christie divorce finalement et, deux ans plus tard, rencontre l’archéologue Sir Max Mallowan, de 14 ans son cadet, lors d’une croisière au Moyen-Orient. Au côté de son second époux, elle parcourt le monde et connait la période la plus faste de sa carrière, enchaînant des classiques comme Le Crime de l'Orient-Express (1934), A.B.C. contre Poirot (1935), Mort sur le Nil (1937) ou Les Dix Petits Nègres (1939).
En parallèle, elle s’essaye au roman "classique" sous le pseudonyme de Mary Westmacott, pour écrire sans pression, mais finit pas être démasquée par un critique américain. Duchesse de la mort, maitresse du mystère, reine du crime, Agatha Christie reste avant tout l’icône du roman policier. Et plus particulièrement du mystère en chambre close, un genre qu’elle a fait sien. "Mariée" à Poirot, l’écrivaine s’est parfois sentie enfermée dans ce genre, écrasée par le poids de sa notoriété et étouffée par son encombrant détective. « C'est un petit vieux égocentrique et détestable », dira-t-elle à la fin de sa vie.
Consciente de son statut, elle s’amusera à donner une dimension meta à son œuvre, à travers le personnage d’Ariadne Oliver. Une autrice de romans policiers dont l’enquêteur principal est un détective finlandais… Une manière de s’auto-parodier et de jouer avec le lecteur, tout en se moquant accessoirement de Poirot. Dans Mystère à Venise, Ariadne Oliver apparaît sous les traits de Tina Fey et taquine son ami détective en lui expliquant qu’elle l’a rendu célèbre.
Mystère à Venise : comment Kenneth Branagh a réinventé Hercule PoirotGrâce à Poirot et son talent, l’œuvre d’Agatha Christie semble en tout cas perméable à la ringardisation. Ses livres sont toujours lus, et le whodunit se porte comme un charme sur le petit et le grand écran (Only Murders in the Building, À couteaux tirés…). "Agatha Christie possède cette faculté – qui transcende les époques – à imaginer des situations, souvent périlleuses ou criminelles, qui mettent en valeur l’humanité des personnages", résume Kenneth Branagh, qui a réalisé trois films adaptés de ses romans (Le Crime de l’Orient-Express, Mort sur le Nil et Mystère à Venise). "Nous sommes très sensibles à ses archétypes et à son point de vue extrêmement nuancé sur le comportement humain. Son regard sur l’humanité est à la fois universel et intime".
Découvrez le film Mystère à Venise, actuellement au cinéma, inspiré de l’œuvre Le Crime d’Halloween d’Agatha Christie.
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