Pourquoi Brad Bird est le plus « joueur » des réalisateurs
Pixar

Décryptage des mouvements de caméra phénoménaux du créateur de Ratatouille, à revoir ce soir sur M6.

Ce soir, Ratatouille revient sur M6. L’occasion de se pencher sur le talent incontestable de son réalisateur, Brad Bird, en s’intéressant plus particulièrement à ses mouvements de caméra. Notez que 15 ans après sa sortie en salles, le film d'animation des studios Pixar a toujours autant d'influence sur le cinéma actuel : l'intrigue d'Everything Everywhere All At Once, des Daniels, lui a rendu un drôle d'hommage, cette année.

 


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Que ce soit dans ses films d’animation (Les Indestructibles, Ratatouille…) ou ses blockbusters (Mission : Impossible 4, Tomorrowland), le metteur en scène déborde d’imagination quand il s’agit de donner toutes les clés aux spectateurs en un même plan. Pas besoin de couper à tout va, nous dit le créateur de cette vidéo The Royal Ocean Film Society, mieux vaut, comme Brad Bird, déplacer la caméra au sein de la même séquence. Le résultat sera alors à la fois vif et fun :

« Si je vous dis qu’un réalisateur filme de manière ‘joueuse’, qu’est-ce que ça vous évoque ? Brad Bird consacre toute son énergie à créer des scènes fun et décomplexées. Il brise constamment les lois de l’animation, en filmant comme s’il s’agissait de live. Il met en scène de la même façon ses acteurs et ses réalisations animées. Oui, même dans Tomorrowland (qui n’a pas eu le succès escompté, ndlr), ce qu’il fait est fantastique.

Pour bien comprendre ses compositions, il faut s’arrêter sur ces trois questions : pourquoi, comment et quand organise-t-il ses mouvements de caméra ? Là où ses contemporains enchaînent de longs plans ou au contraire surdécoupent leurs films, Bird est plus classique. Comme Kurosawa et Spielberg, il adore mélanger plusieurs actions en un seul plan. D’où la théorie des trois points. Si vous voulez montrer à quelqu’un un point A puis des points B et C d’égale importance, vous pouvez déplacer la caméra de l’un à l’autre sans forcément faire de coupe. Cela crée un mouvement joyeux et ‘joueur’ justement. 1…2…3… 1…2…3… ».

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Le narrateur prend alors un contre-exemple : une scène de Star Trek Into Darnkess (J. J. Abrams), où le spectateur ne sait pas où fixer son regard, alors que chez Brad Bird, notamment dans Ratatouille, les infos importantes sont toujours explicitement montrées et le personnage principal suivi de près. « Les deux scènes sont fun à regarder, mais celle de Bird est tellement plus claire. Le public reste concentré sur le même personnage tout du long ». Et même quand il filme des personnages qui se chamaillent, il ne coupe pas. « La caméra passe rapidement de l’un à l’autre, et la coupe intervient quand le conflit est fini. Parfois, il utilise deux fois de suite ce procédé et les scènes se répondent entre elles, ce qui ajoute une certaine émotion. »

« Peut-on rire simplement d’un mouvement de caméra ? », demande-t-il alors. Si le narrateur pose la question, c’est qu’il a un bon exemple pour répondre par l’affirmative. « C’est une idée empruntée aux classiques de l’animation. Et c’est une excellente manière d’amuser le spectateur, de le surprendre. Ca marche aussi pendant l’action : Bird nous montre un élément important pendant un court instant, qui va servir de ‘solution’ à la scène. En une fraction de seconde, on voit une image qui sert de base à la scène, puis immédiatement la caméra se détourne et dévoile un élément perturbateur. »

« Souvenez-vous que la caméra est un outil, pas la star du show, conclut-il. Ce qu’on peut faire avec peut être cool et impressionnant, mais ce qui compte, c’est avant tout ce que contient chaque plan. Pas besoin de surdécouper pour que ce soit rythmé. Mais surtout n’oubliez pas : les films sont censés être fun. Le cinéma est un terrain de jeu, fabriqué à l’aide des meilleurs tours de passe-passe. Alors jouez ! Et si vous êtes découragés par le live, revenez à l’animation pour y trouver l’inspiration. Mais arrêtez de dire que c’est un ‘genre’. Le western c’est un ‘genre’, l’animation, c’est une forme artistique. Grâce à laquelle on peut s’attaquer à n’importe quel genre ! ».

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