Affiches Films à l'affiche mercredi 13 mars 2024
Universal/ Apollo Films/ Bac Films

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
IL RESTE ENCORE DEMAIN ★★★☆☆

De Paola Cortellesi

L’essentiel

Avec ce film féministe en noir et blanc qui a bouleversé les Italiens, Paola Cortellesi dresse le portrait d’une femme à l’aube d’une révolution.

Ce film s’ouvre par une énorme baffe : celle que se prend Délia, chaque jour au réveil, par son mari autoritaire et violent, avant de vaquer à ses occupations de mère de famille dans l’Italie d’après-guerre. Un geste qui donne d’emblée le ton du récit : dénoncer les violences conjugales par l’absurde, ridiculiser la brutalité pour n’en garder que l’emprise, jusqu’à transformer une scène d’agression en tango à deux. Loin d’être révolutionnaire dans son message, le film surprend cependant par son exécution espiègle. Il reste encore demain joue avec son spectateur, jusqu’à lui faire croire que la perspective d'émancipation de Délia se fera d'une manière bien précise. Pourtant, la fuite tant désirée n’est pas celle soupçonnée et l’issue offre une épatante seconde lecture à l'éveil féministe du personnage. Ce film poignant et actuel résonnera chez chaque femme, qu’importe sa génération.

Lucie Chiquer

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

CHRONIQUES DE TEHERAN ★★★★☆

De Ali Asgari et Alireza Khatami

Un face à face entre neuf hommes et femmes dont nous allons entendre et voir les mésaventures. Neuf, pour autant de sketches, venant traduire la violence des rapports dans la société iranienne d’aujourd’hui où l’administration cherche à contrôler les âmes et les consciences. Une comédie à l’iranienne comme jadis s’écrivait l’italienne où le duo de cinéastes nous place du côté d’un mal que l’on ne voit pas. Le geste est implacable. Dans chacune de ses situations la bestialité s’insinue frontalement. Au pays des mollahs personne ne s’excuse d’être ce qu’il est. Le plus terrible prend la forme d’un entretien d’embauche où une jeune femme subit un exercice de drague dont la lourdeur est malheureusement universelle. A la fin, la ville s’effondre de tant de bêtises. Le cinéma permet ça. Puissantes chroniques.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIME

LES ROIS DE LA PISTE ★★★☆☆

De Thierry Klifa

Habitué à des ambiances plus dramatiques, Thierry Klifa s’aventure ici sur les rivages de la fantaisie, dans les pas d’une drôle de tribu – la mère, ses deux fils et son petit- fils – arnaqueurs façon Pieds Nickelés dont le vol d’un tableau au cours d’un cambriolage interrompu par les forces de l’ordre va bouleverser le fragile équilibre. Le récit joue en permanence avec les faux- semblants tant dans les rapports complexes qui unissent les membres de cette famille que chez la détective privée et son acolyte, lancés à leurs trousses. Klifa signe une œuvre sans cesse en mouvement et pour autant jamais artificiellement agitée, faisant régulièrement surgir sans qu’on s’y attende des moments de trouble et d’émotion entre deux éclats de rire. Et ses comédiens s’emparent avec gourmandise de cette matière fine, légère, joyeuse et profonde à la fois.

Thierry Cheze

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DANS LA PEAU DE BLANCHE HOUELLEBECQ ★★★☆☆

De Guillaume Nicloux

Si Guillaume Nicloux a longtemps observé Michel Houellebecq comme un objet de comédie insoupçonné, capable de saillies démentes (L’Enlèvement de Michel Houellebecq et Thalasso), il le regarde aujourd’hui comme un homme jamais à sa place, inadapté, éteint. Le poids de ses derniers bouquins et de ses déclarations polémiques est passé par là : très conscient de jouer avec de la nitroglycérine, Nicloux lui affuble Blanche Bardin comme garde-chiourme, électron libre qui le remet vertement à sa place avant de filer à un concours de sosies de Michel Houellebecq se déroulant en Guadeloupe. L’idée est assez géniale pour propulser un film forcément bancal mais souvent tordant, où rien n’est tout à fait vrai ni complètement faux. Au-delà de la farce et de l’autopsie de Houellebecq, il s’agit surtout pour Nicloux de s’interroger sur ses contradictions. Et donc les nôtres.

François Léger

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THE SWEET EAST ★★★☆☆

De Sean Price Williams

Profitant d’un voyage scolaire à Washington, Lilian qui s’ennuie dans sa vie de lycéenne se fait la malle de ce quotidien cotonneux en passant de l’autre côté d’un miroir planqué dans les toilettes d’une pizzeria. The Sweet East s’assume d’emblée comme un conte de fées détraqué, où, en chemin, Lilian s’inventera de nouvelles vies en explorant les États-Unis par ses égouts (les complotistes siphonnés et armés, les néo-nazis tendance pédophiles, les islamistes kidnappeurs… ). Sean Price Williams envisage cette coming of age story bizarroïde comme une façon d’ausculter tout ce qui cloche dans son pays. Épuisant, cynique, inconfortable, bordélique, malsain, lumineux, irrévérencieux, le film survit à toutes ses ruptures de ton, grâce à un humour noir féroce et à la performance incroyable de son héroïne : Talia Ryder.

François Léger

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MIS HERMANOS ★★★☆☆

De Claudia Huaiquimilla

Cette fiction s’inspire de faits réels survenus dans un pénitencier chilien pour jeunes après une tentative d’évasion manquée en 2007. Si l’info est donnée en bout de course, cette fin vient presque s’inscrire en porte-à-faux par rapport à ce qui précède. Le film débute ainsi sur un plan de deux jeunes gens – dont on comprendra qu’ils sont frères – assis dans l’herbe, libres donc, avant que la caméra ne dévoile un mur d’enceinte ramenant nos protagonistes à leur sordide condition de prisonniers. Le film joue subtilement avec cette idée de l’apparente relativité de cet enfermement. Si le scénario s’enfonce peu à peu dans ce que l’on attend de lui (figures imposées du film de prison), Claudia Huaiquimilla s’en sort en restant au plus près de ses personnages comme pour les protéger d’un hors-champ réducteur. Ilse dégage une sensualité et une douceur qui n’empêchent bien sûr pas la violence. Fort.

Thomas Baurez

HEUREUX GAGNANTS ★★★☆☆

De Maxime Govare et Romain Choay

Film à sketchs qui gravite autour de l’argent, Heureux gagnants suit le destin de gens qui viennent de gagner au Loto et regarde les conséquences globalement funestes de cet « heureux » hasard. Mijoté dans l’esprit de la défunte comédie italienne, et relevé par une galerie d’acteurs venus de l’humour qui apportent un supplément volcanique. Des quatre segments, on préfèrera le premier, la partie haletante du film avec un Fabrice Eboué hilarant qui se la joue Bruce Willis des calanques et assure la dose d’action de l’ensemble. Le sketch sur les terroristes islamistes est aussi abrasif, foutraque autant que provoc. Il rappelle un peu l’esprit d’un We are four lions, et fonctionne surtout sur l’abattage de ses acteurs. On aura compris que les réalisateurs Maxime Govare et Romain Choay s'inscrivent dans la lignée des Monstres de Risi ou des Nouveaux sauvages de Szifron, deux exercices de style sur le minable de l'âme humaine. C’est Risi qui affirmait : «Je déteste le moralisme et je préférerais toujours être cruel plutôt que de dire la "bonne" parole ou montrer la "bonne" attitude.» Les deux cinéastes sont les héritiers de cette philosophie, avec déluges de sales coups et mesquineries en tout genre. Surtout, ils esquissent un cinéma qui s'insère dans un socle varié : les séries B d’action, les films des années 70 qui flirtaient avec l'underground, l’horreur ou le fantastique, et la comédie trash et politiquement explosive. C’est forcément inégal, mais quand c’est réussi, c’est parfaitement réjouissant.

Pierre Lunn

TIGER STRIPES ★★★☆☆

De Amanda Nell Eu

Le Grand prix de la Semaine de la Critique à Cannes, censuré dans son propre pays ? C’est ce qui s’est produit avec le premier long d’Amanda Nell Eu qui traite d’un sujet encore tabou : les règles. Zaffan est une jeune fille effrontée de 12 ans qui dérange : elle bouge trop vite, parle trop fort. Indomptable et enragée, elle voit son corps se métamorphoser à l’arrivée de la puberté et des premières menstruations. S’opère alors un retour à l’état sauvage, expression d’un besoin vital d’émancipation et de rébellion face aux autres. Porté par une jeune comédienne fougueuse, Tiger stripes dépeint une douleur purement féminine et nous sert un cocktail chargé en coming of age fantastique qui n’est pas sans rappeler le Règne Animal. Mais ici, la mise en scène proche de son sujet (la jeunesse en crise d’ado) et raillant les figures d’autorité dépeint avec précision l’éveil brutal de l’adolescence

Lucie Chiquer

LA NOUVELLE FEMME ★★★☆☆

De Léa Todorov

Saviez-vous que la méthode Montessori était née pour aider les enfants en situation de handicap ? A travers un puissant portrait de femme(s), Léa Todorov redonne une vie, un corps, à ces petits « déficients », comme ils étaient appelés au début du XXe siècle. Notamment via la jeune Tina, que sa mère Lili (Leïla Bekhti) essaye de cacher par honte, et qui va se nourrir des enseignements de Maria Montessori. Jasmine Trinca incarne avec conviction cette pédagogue qui souffre de ne pas pouvoir élever son fils, né hors mariage, comme elle l'aimerait. Et voulant briser toute idée de biopic « classique », la réalisatrice lui oppose un personnage de fiction, femme libre d'apparence qui, elle aussi donc vit dans le secret et apparaît le contrepoids idéal pour illustrer les idées révolutionnaires de Maria et rappeler que ces problématiques d'éducation et d'émancipation féminine restent très actuelles.

Elodie Bardinet

LA BEAUTE DU GESTE- DANSE ET ETERNITE ★★★☆☆

De Xavier de Lauzanne

Une thématique traverse l’essentiel des documentaires mis en scène par Xavier de Lauzanne : le long chemin de la reconstruction des sociétés marquées dans leur chair et traumatisées par les guerres. Après avoir traité de la Syrie (9 jours à Raqqa, son meilleur film) et de l’Irak (En toute liberté), il s’intéresse cette fois- ci au Cambodge par un prisme singulier : le ballet royal du Cambodge qui ayant traversé l’histoire mouvementée du pays sans jamais être démantelé ou mis en sommeil, est considéré comme un véritable socle identitaire immuables pour ses habitants. En mêlant témoignages et captations de spectacle, le cinéaste signe un hymne à la danse en particulier et à l’art en général, entre grâce des créations et tragédie des épreuves de l’Histoire.

Thierry Cheze

NOME ★★★☆☆

De Sana Na N’Hada

En plein cœur de la Guinée- Bissau en 1969, la guerre pour l’indépendance fait rage. Nome est un u jeune homme qui quitte son village pour s’engager dans la guérilla et repousser les colons portugais. Il laisse derrière lui sa mère et Nambu, son amante, enceinte de lui. Alternant la narration au présent et des flashbacks lors de la cérémonie d’initiation de Nome lorsqu’il était enfant, le réalisateur Sana Na N’Hada met en perspective sa fiction et de vraies images d’archives de la révolution qu’il a lui- même vécu en tant que soldat puis comme documentariste. Nome raconte la perte des idéaux et l’amertume qui ronge les cœurs après la guerre, même si l’on en ressort victorieux. A la fois contemplatif et tranchant, Nome nous éclaire sur un conflit méconnu et traite du sujet universel des opprimés et de leur impuissance face au chaos du monde.

Elias Zabalia

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PREMIÈRE N’A PAS AIME

SCANDALEUSEMENT VÔTRE ★☆☆☆☆

De Thea Sharrock

Un bled d’Angleterre profonde de l’après-guerre (celle de 14) est bouleversé par une série de lettres anonymes très insultantes visant une vieille fille bigote (Olivia Colman). On soupçonne la scandaleuse locale, mère célibataire irlandaise grande gueule (Jessie Buckley). L’affaire prend des proportions énormes, et une jeune femme flic (Anjana Vasan, vue dans Killing Eve) mène l’enquête. Scandaleusement vôtre fait beaucoup d’efforts pour être une charge menée tambour battant pour dénoncer l’hypocrisie de la bonne société. Mais ça ne marche pas : le trait est tellement forcé que le film ressemble plus à un épisode de Mr Fowler, brigadier chef (une série 90s oubliée où Rowan Atkinson gère un commissariat de branques) qu’à une comédie tout simplement marrante. Le trio d’actrices de tête, très pro, mérite mieux que ça

Sylvestre Picard

 

Et aussi

Diogenes, de Leonardo Barbuy

La France à vélo, de Jean- Pierre Duval

Suzanne jour après jour, de Stéphane Manchematin et Serge Steyer

The Mercy tree, de Michele Salimbeni

Reprises

Dersou Ouzala, de Akira Kurosawa

El Bola, de Achero Manas

Le Voyeur, de Michael Powell