Rebecca Hall réussit d’emballants premiers pas de cinéaste avec cette variation passionnante d’ambiguïtés autour des questions de l’identité et du racisme.
En ces temps où la question de l’identité divise autant et les accusations d’appropriation culturelle se multiplient, le geste de Rebecca Hall de s’emparer d’un tel sujet pour son premier film a quelque chose de chevaleresque. Pour autant, cette envie naît d’un long processus, entamé voilà 15 ans par la découverte du roman de Nella Larsen publié en 1929, Passing (le titre en VO du film, désignant la capacité d’une personne à être considérée comme membre d’un autre groupe social que le sien) dans lequel Clare, une femme métisse au teint clair se fait passer pour blanche auprès de son mari raciste qui n’y voit que du feu. Ce livre trouvant un écho dans l’histoire familiale de son grand- père, sa légitimité à s’emparer de ce récit, combinée à son envie donne naissance à un film audacieux car loin de toute facilité manichéenne. Clair-obscur raconte donc comment Irene, Afro-américaine et amie d’enfance de Clare tombe des nues en découvrant son passing et comment Clare va dès lors prendre conscience des conséquences d’un geste vécu jusque là dans une totale désinvolture. Une passionnante histoire d’amitié où chacune envie l’autre pour ce qu’elle n’est pas, tout en tentant de le masquer. Ruth Negga et Tessa Thompson excellent à jouer l’ambiguïté de ces personnages. Et choisissant un traitement en noir et blanc (sublime composition de Eduard Grau, le chef opérateur d’A single man) et le format 1/33, Rebecca Hall ancre le film dans son époque sans se départir d’une modernité dans sa mise en scène, dont un travail sur le son qui crée une ambiance aussi enveloppante que malaisante. Une oeuvre d’une grande maîtrise.
De Rebecca Hall Avec Ruth Negga, Tessa Thompson, Andre Holland… Durée 1 h 38. Disponible le 10 novembre 2021
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