D'Asteroid City à L'été dernier, en passant par The Zone of Interest, Monster ou The Old Oak, on passe en revue tous les candidats au prix suprême.
Cette année encore, le Festival de Cannes nous a concocté une compétition alléchante et éclectique. On y retrouve certes beaucoup d'habitués qui ont leur rond de serviette sur la Croisette (Nanni Morrerri, Ken Loach, Hirokazu Kore-eda, Wim Wenders...), mais aussi des curiosités, avec notamment la première sélection de Jonathan Glazer, qui fait son grand retour dix ans après Under the Skin (2013). Autre signe qu'un certain renouveau est aussi en marche : jamais autant de réalisatrices n'auront été en lice pour la Palme d'Or, avec Alice Rohrwacher, Justine Triet, Catherine Breillat ou encore la surprise Ramata-Toulaye Sy, retenue pour son tout premier long-métrage. Petit bémol : aucune de ces oeuvres ne sortira en même temps au cinéma...
A quelques heures du coup d'envoi de la 76e édition du Festival de Cannes, qui sera donné par Jeanne du Barry de Maïwenn, voici notre guide complet des 21 films en compétition :
Asteroid City de Wes anderson
Ça parle de quoi ?
Officiellement, d’un "programme d’une conférence de jeunes astronomes et cadets de l’espace (organisée pour rassembler des étudiants de tout le pays et leurs parents à l’occasion d’un concours scolaire) va être bousculé par des événements chamboulant le monde". Officieusement, on peut compter sur Wes Anderson pour rendre les choses un peu plus compliquées que ça…
Ça va être bien ?
Le dernier Wes Anderson en date, The French Dispatch, avait divisé (jusque dans la rédac de Première).
Asteroid City devrait suivre le même chemin : il se murmure déjà que le film génère soit un enthousiasme débordant, soit un rejet quasi total. Intrigant, quoi qu’il arrive.
Ça palme ?
Peu de chances. C’est la troisième sélection à Cannes de Wes Anderson (The French Dispatch et Moonrise Kingdom) et le réalisateur a toujours quitté la Croisette les mains vides. Et pas sûr que le raffinement visuel du dandy Anderson soit forcément au goût du président du jury, Ruben Östlund… Mais on n’est jamais à l’abri d’une surprise cannoise. Notons au passage qu’Asteroid City compte un nombre incalculable d’immenses acteurs et actrices à son casting (Scarlett Johansson, Edward Norton, Tom Hanks…), et qu’un prix d’interprétation pour l’un d’eux ne serait pas complètement tiré par les cheveux.
Anatomie d'une chute de Justine Triet
Ça parle de quoi ?
Une femme écrivaine, mère d’un fils malvoyant de 11 ans est accusée du meurtre de son compagnon avec qui elle s’était installée depuis un an, loin de tout, dans un chalet à la montagne. Mais que s’est- il réellement passé ? Homicide ou suicide ? Un procès va déterminer la vérité pendant lequel, au fil des journées d’audience, ce qui se passait à l’intérieur de ce couple est ausculté, disséqué…
Ça va être bien ?
Un titre en clin d’œil à Otto Preminger, une durée imposante de 2h30, une réalisatrice qui s’aventure dans l’univers du film de procès alors que le Saint Omer d’Alice Diop semblait avoir tué le game pour un petit moment. Le fait que Thierry Frémaux ait choisi de le sélectionner en compétition en dépit de ces signaux qui pourraient paraître écrasants à porter et assumer donne confiance en la qualité du film et de la certitude du sélectionneur en chef que Justine Triet a franchi encore un nouveau cap après sa première sélection en compétition avec Sibyl, en 2019. Et la présence d’un duo de comédiens majeurs Sandra Hüller- Swann Arlaud, dans les rôles respectifs de l’autrice et de son avocat plaident en ce sens
Ça palme ?
Entre Cannes et Justine Triet, c’est une histoire d’amour qui dure, tous ses longs métrages sans exception y ayant été présentés depuis 10 ans : La Bataille de Solferino à l’ACID en 2013, Victoria à la Semaine de la Critique en 2016, Sibyl en compétition en 2019. Mais elle en est toujours repartie bredouille. La donne changera t’elle cette année ? On miserait bien une pièce sur Sandra Hüller (qu’elle retrouve après Sibyl), si injustement oubliée au palmarès en 2016 pour Toni Erdmann et qu’on retrouvera aussi en compétition avec The Zone of interest de Jonathan Glazer.
Banel & Adama de Ramata-Toulaye Sy
Ça parle de quoi ?
L’histoire d’amour de jeunes Sénégalais ayant toujours vécu dans un petit village aux conventions ultra- traditionnelles qui tolère mal ce type de passion en son sein.
Ça va être bien ?
Images sublimes, ambiance planante avant que très vite les prémices d’un drame surgisse. Le premier teaser de Banel & Adama donne très envie et la lumière créée par Amine Berrada (déjà remarqué pour son travail dans Freda et Le Miracle du Saint- Inconnu) y est pour beaucoup.
Ça palme ?
Réalisatrice du seul premier long métrage de la compétition – qui n’en comptait aucun dans les éditions 2021 et 2022) - cette diplômée de la FEMIS section scénario (où ce projet a commencé à voir le jour il y a 7 ans lors de son ultime année d’études) et co- autrice de plusieurs scripts (Sibel, Notre- Dame du Nil) fait évidemment figure de grosse côte. Mais rien ne paraît pour autant impossible. Dans la même situation, Les Misérables de Ladj Ly avait remporté le Prix du Jury en 2019. Alors pourquoi pas imaginer rejoindre le cercle très fermé des premier longs de fiction palmés d’Or : Delbert Mann (Marty en 1955) , Henri Colpi (Une aussi longue absence en 1961) et Steven Soderbergh (Sexe, mensonges et vidéo en 1989) ?
Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire
Ça parle de quoi ?
Adaptant le livre de Shannon Burke, Jean-Stéphane Sauvaire raconte l'apprentissage douloureux d'un jeune ambulancier dans les quartiers miséreux et les nuits violentes de New York. Avec le rookie Tye Sheridan en tête d'affiche, le vieux routier Sean Penn sur le siège passager, le tout mené "à tombeau ouvert", comme dirait Martin Scorsese.
Ça va être bien ?
On n'avait pas vu venir ce film, absent de la plupart des pronostics cannois (il a d'ailleurs été ajouté à la sélection à la dernière minute) mais, à Première, on se réjouit toujours de voir un film US avec des stars cruisant dans les bas-fonds new-yorkais… D'autant plus que Black Flies est signé par le globe-trotter surdoué Jean-Stéphane Sauvaire, un cinéaste capable de raconter aussi bien l'Afrique des enfants-soldats (Johnny Mad Dog, en 2008) que les combats de muay-thaï dans les prisons thaïlandaises (Une Prière avant l'Aube, 2018).
Ça palme ?
Sauvaire est un habitué de Cannes (Johnny Mad Dog avait été montré à Un Certain Regard, Une Prière avant l'aube hors compétition), mais la sélection de Black Flies en compète signe son intronisation dans la cour des grands. A 26 ans, l'acteur Tye Sheridan est lui aussi déjà un Cannois chevronné – révélé par la Palme The Tree of Life en 2011, de retour l'année d'après avec Mud. Quant à Sean Penn, le voir revenir sur la Croisette en tant que simple comédien, et non plus réalisateur, est un vrai plaisir (qui a dit "soulagement" ?).
Club Zero de Jessica Hausner
Ça parle de quoi ?
D'une jeune enseignante, bouleversant doucement un bahut privé de l'intérieur avec « un cours de nutrition (…) au concept innovant » qu'elle utilise en réalité pour monter un mystérieux club privé... Mais dans quel but ? Mystère et boule de gomme.
Ça va être bien ?
Difficile en lisant le pitch de Club Zero de ne pas penser au précédent film de la réalisatrice, le soporifique et coloré Little Joe, un conte de SF où les vapeurs d'une plante rendent vaguement heureux celles et ceux qui la sniffent. Tout était dans le "vaguement". Pas de choc, pas de changement, peu de mystère... un film "vague", effectivement. On attendra de voir pour juger, attirés par la souvent chouette Mia Wasikowska (et Sidse Babett Knudsen en renfort).
Ça palme ?
Longtemps abonnée à la sélection Un certain regard (trois de ses longs y ont été), Hausner débarquait en compétition pour la Palme en 2019 avec son Little Joe - clairement pas le film le plus marquant de l'année où Parasite a fait son strike. Son film est revenu bredouille mais le badge cannois d'Hausner est désormais validé pour une compétition systématique. A moins d'une énorme surprise, Club Zero n'a pas l'air de faire partie des favoris du palmarès. On se contentera de dire que le film est « vaguement » intriguant, alors. des artefacts étrusques, tout en essayant de lutter contre la mémoire de son amour italien perdu.
Jeunesse de Wang Bing
Ça parle de quoi ?
Une plongée dans Zhili, la cité entièrement dédiée à la confection textile, située à 150 kilomètres de Shanghai, où des jeunes garçons et filles viennent travailler jour et nuit sans relâche dans le but de s’acheter une maison, de monter leur propre atelier ou simplement d’avoir l’argent nécessaire pour fonder une famille.
Ça va être bien ?
L’inverse serait une vraie surprise ! Le chinois Wang Bing est une des figures majeures du documentaire. Des Trois sœurs du Yunnan aux Âmes mortes (présenté hors-compétition sur la Croisette en 2018), il est passé maître dans l’art des films-fleuve qui auscultent son pays. Les 3h30 de Jeunesse promettent donc beaucoup
Ça palme ?
Primé à Locarno et aux Trois Continents de Nantes, Wang Bing n’a encore jamais été consacré dans un des trois festivals majeurs, Cannes, Venise et Berlin. Et pour sa première en compétition sur la Croisette, il n’est pas impossible qu’il rejoigne le cercle fermé des documentaires Palmés d’Or : Le Monde du silence du Commandant Cousteau et Louis Malle en 1956 et Fahrenheit 9/11 de Michael Moore en 2004. Un documentaire qui triomphe des fictions ? Ce serait un parfait remake de la dernière Mostra avec le Lion d’Or de Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras.
La Chimère d'Alice Rohrwacher
Ça parle de quoi ?
Des aventures d'Arthur, un pilleur de trésors archéologiques dans la Toscane des années 80. Capable de ressentir le vide - aussi bien physique que moral - il aide une bande de voleurs à trouver des artefacts étrusques, tout en essayant de lutter contre la mémoire de son amour italien perdu.
Ça va être bien ?
Le sujet est intriguant, le titre très beau... Et surtout, le rôle principal est tenu par l'impeccable Josh O'Connor ? Découvert en fermier gay et ultra sexy dans Seule la terre de Francis Lee, il a fait flamber les serveurs de Netflix en jouant le Prince Charles dans les saisons 3 et 4 de The Crown. Ah, il y a aussi Isabella Rossellini, tant qu'on y est, et ça, c'est toujours cool.
Ça palme ?
Qu'il pleuve ou qu'il vente, chaque film d'Alice Rohrwacher est en compétition à Cannes depuis 2011. La Chimère ne fait donc pas exception, mais est-ce qu'avoir gagné un Grand prix (Les Merveilles en 2014) puis un prix du scénario (Heureux comme Lazzaro en 2018) garantit une nouvelle place au palmarès pendant le conseil de classe ?
La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung
Ça parle de quoi ?
Inspirée par La Vie et la passion de Dodin Bouffant de Marcel Rouff (publié en 1924 et qui avait déjà été adapté en BD à Mathieu Burniat en 2014), une histoire d’amour et de mets savoureux à la fin du 19ème siècle entre Dodin, fin gastronome et sa cuisinière hors pair, Eugénie.
Ça va être bien ?
Ce film avait constitué l’invité surprise de la liste des films français en lice pour la compétition. Le fait qu’il ait été préféré à des cinéastes placés en haut des pronostics comme Campillo, Bonello ou Dumont et plus encore qu’il replace le lauréat de la Caméra d’Or 1993 avec L’Odeur de la papaye verte au centre de la cinéphilie mondiale après deux décennies de films oubliables (Je viens avec la pluie, La Ballade de l’impossible et Eternité) laisse donc augurer d’un projet puissant, tranchant avec l’apparent classicisme du projet. On ne demande qu’à être (de nouveau !) surpris
Ça palme ?
Pour son entrée en compétition, le nouveau Tranh Anh Hung (23 ans après sa dernière présence cannoise avec A la verticale de l’été à Un Certain Regard) fait penser au Festin de Babette qui, découvert à Cannes à Un Certain Regard, avait été consacré Oscar du film étranger. Et si c’était là le vrai destin de Dodin Bouffant pour son côté « qualité France » aux yeux des votants US ? A moins que ses interprètes Juliette Binoche et Benoît Magimel (pour leurs retrouvailles 24 ans après Les Enfants du siècle) ne s’invitent au palmarès. Ce serait une première pour la première et une deuxième pour le second (22 ans après Le Pianiste), si incompréhensiblement absent du palmarès du jury de Vincent Lindon l’an passé pour Pacifiction.
L'Enlèvement de Marco Bellocchio
Ça parle de quoi ?
De l’affaire Mortara qui dans l’Italie du dix-neuvième siècle vit un enfant juif de six ans, enlevé par les autorités papales pour être éduqué au sein de la religion catholique. En effet, le petit Edgardo avait été baptisé en secret par sa nourrisse. Ses parents vont se battre pour le récupérer.
Ça va être bien ?
Outre la puissance dramatique évidente de cette histoire qui eut à l’époque un retentissement international, elle permet surtout à Marco Bellocchio de poursuivre sa formidable exploration de la psyché de la société italienne et des liens étroits entre religion et politique qui la régisse.
Ça Palme ?
Le palmarès à titre personnel de l’auteur de Vincere ou du Traitre est pour l’heure totalement vierge, ce qui est une véritable aberration cinéphile. Bellocchio porté par le récent succès de sa puissante série Esterno Notte est dans une forme artistique et intellectuelle exceptionnelle. Une Palme sinon rien.
L'Eté dernier de Catherine Breillat
Ça parle de quoi ?
Une histoire de passion impossible entre une avocate renommée, qui se laisse prendre dans une liaison brûlante avec le fils adolescent de son compagnon, un garçon de 17 ans, qui va rapidement se montrer jaloux...
Ça va être bien ?
Dix ans après Abus de faiblesse, qui réunissait un duo improbable (Isabelle Huppert et Kool Shen), la réalisatrice d'Anatomie de l'enfer (ce film avec Rocco Siffredi) est de retour avec ce remake d'un film danois, Dronningen
(2019), porté par Léa Drucker dans l'un de ses rôles les plus troublants, posant la question des frontières de l'amour, sans s'occuper de bonne morale.
Ça palme ?
Est-ce qu'une histoire d'amour aussi politiquement incorrecte, entre une quadragénaire et son beau-fils, jouant avec les tabous et les contours de l'inceste, peut-être sacrée à sur la Croisette ? On aurait envie de dire non dans le contexte actuel, mais le Président Östlund n'est pas du genre à fermer les yeux devant le cinéma transgressif. Alors une pourquoi pas une palme provoc', qui choquerait l'ordre établi et ferait jaser à coup sûr ?
Les Feuilles mortes d'Aki Kaurismaki
Ça parle de quoi ?
De deux âmes solitaires qui rêvent plus ou moins secrètement de s’unir dans un monde qui leur met des bâtons dans les roues. Tout se passe dans une Helsinki éclairée aux néons où bars glauques, cinémas de quartiers, petits meublés et usines, dessinent un territoire mélancolique.
Ça va être bien ?
Le cinéma du finlandais ne semble avoir jamais connu de grandes révolutions aussi bien stylistiques que dramatiques, formant un continuum romantique propre à désarmer le plus revêches des cinéphiles.
Ça Palme ?
A l’heure où la durée exponentielle des films se veut proportionnelle à leur importance supposée, l’heure vingt proposée par Kaurismaki pour évoquer "les souvenirs et les regrets aussi, dans la nuit froide de l’oubli", pourrait paradoxalement plaider en sa faveur. Pour que vive la poésie déglinguée et les égos en sourdine !
Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania
Ça parle de quoi ?
Olfa, mère de famille tunisienne, a quatre filles, dont les deux aînées ont disparu. La réalisatrice Kaouther Ben Hania va lever le voile sur ce qui leur est arrivé et plus largement sur la vie mouvementée de cette famille dans un geste de documentariste singulier
Ça va être bien ?
La promesse est ici immense. Sur la forme avec la mise en place d’un dispositif singulier où la fiction vient régulièrement percuter le documentaire en faisant appel à deux actrices pour incarner les deux grandes sœurs disparues ainsi qu’à Hend Sabri (Noura rêve) pour interpréter Olfa lors de certaines reconstitutions qui pourraient être lourdes émotionnellement pour elle. Comme sur le fond car l’histoire de cette famille embrasse celle d’un pays tout entier passant de la dictature de Ben Ali au printemps Arabe et ses promesses de liberté, loin d’avoir été toutes tenues.
Ça palme ?
Après l’ACID (Le Challat de Tunis, son premier long en 2014) et Un Certain Regard (La Belle et la meute, prix de la meilleure création sonore en 2017), celle qui avait été nommée à l’Oscar du film étranger 2021 avec L’homme qui a vendu sa peau fait son entrée en compétition en se plaçant parmi les outsiders solides dans la conquête d’un prix si son mélange des genres audacieux se révèle à la hauteur de son ambition.
Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan
Ça parle de quoi ?
D’un jeune enseignant vivant dans un village reculé d’Anatolie, à mille milles d’Istanbul, qui se désespère d’être enfin muté à la capitale. Et puis voilà l’amour qui surgit au milieu de ce vaste nulle-part.
Ça va être bien ?
Nuri Bilge Ceylan c’est John Ford pour sa capacité à sacraliser les grands espaces et Ingmar Bergman pour sa façon de sonder les territoires secrets de l’âme humaine. Une fois que l’on a dit ça, ne reste plus qu’à juger sur pièce et sur place l’amplitude tellurique de ce nouvel opus qui intrigue aussi par la juvénilité de ses deux protagonistes.
Ça Palme ?
Les films de Ceylan, blocs imposants d’intelligence revendiquée posés en évidence sur le buffet croisette, sont faits pour ça. Du haut de ses trois heures dix de projection, il y en aura pour tout le monde. Bête à concours, Ceylan a déjà une Palme au compteur, pour Winter Sleep en 2014.
Le jeu de la reine de Karim Aïnouz
Ça parle de quoi ?
Un portrait dans l’Angleterre du 16ème siècle, de de Catherine Parr, la sixième et dernière épouse d’Henry VIII, roi tyrannique qui fit exécuter tant ses opposants que ses femmes et qui fut la seule à lui avoir survécu.
Ça va être bien ?
Quiconque a eu le bonheur de voir La Vie invisible d’Euridice Gusmao, le précédent long de ce réalisateur brésilien, sublime mélo féministe au récit courant sur plus de 50 ans ne peut qu’attendre qu’avec excitation sa première sélection en compétition. La présence au générique du duo Alicia Vikander- Jude Law et à la lumière d’une des plus grandes chefs opératrices actuelles, la française Hélène Louvart (qui a aussi signé la lumière de La Chimère lui aussi en compétition) ne fait que renforcer cette envie
Ça palme ?
Présent à Cannes en 2002 dès son premier long Madame Sata, à Un Certain Regard, il a remporté en 2019 le Prix Un Certain Regard en 2019 avec La Vie invisible d’Euridice Gusmao. Seul avant lui Apichatpong Weerasethakul (Blissfully yours/ Oncle Boonmee) a réussi à cumuler ce trophée et une Palme. Pas forcément situé parmi les favoris au départ, Aïnouz le rejoindra t’il ?
Le Retour de Catherine Corsini
Ça parle de quoi ?
D'une bonne au service de Parisiens friqués, chargé de s'occuper de leurs gamins le temps d'un été en Corse. Khédidja va en profiter pour amener ses filles sur l'Ile de Beauté, qu'elles ont quitté dans des circonstances dramatiques quinze ans plus tôt.
Ça va être bien ?
A la fois un teenage movie sur fond de premières fois en vacances, et récit des origines sur fond de drame de l'immigration/émigration... Ce double sujet est plutôt intriguant, même si le principal atout est a priori son actrice principale, Aissatou Diallo Sagna, boule d'énergie frappante révélée par La Fracture (le précédent long de Corsini), qui lui a valu le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2022. La rédac de Première ayant un a priori très positif sur les teen movies cannois ensoleillés (une grosse pensée pour American Honey), on se permet d'espérer.
Ça palme ?
Le Retour fait d'abord partie des films sélectionné en compétition sur fond de scandale -on a accusé la production de tourner des scènes osées avec des ados sans avoir les autorisations nécessaires. Reste à savoir si le film sera suffisamment fort pour le faire oublier.
May December de Todd Haynes
Ça parle de quoi ?
"Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt." Voilà pour le pitch officiel de ce film qui s'inspire de l'histoire de Mary Kay Letourneau, qui avait été arrêtée au début des années 90 pour avoir eu des relations sexuelles avec l'un de ses élèves âgé de 13 ans – avant de fonder une famille avec lui. L'actrice qui joue l'actrice, c'est Natalie Portman, pour sa première collaboration avec Todd Haynes, et la femme qui a fait la une des tabloïds, c'est Julianne Moore, muse du cinéaste, qui le retrouve pour la quatrième fois après Safe, Loin du paradis et Le Musée des merveilles.
Ça va être bien ?
Le double portrait de femmes (comme dans Carol), le rapport entre médias, mythe et vérité (comme dans Velvet Goldmine et I'm Not There), l'espace domestique menacé d'implosion (comme dans Safe et Loin du paradis)… Todd Haynes est a priori ici au cœur de ses obsessions. Prêt à signer son chef-d'œuvre ?
Ça palme ?
Forcément, c'est d'abord au prix d'interprétation féminine qu'on pense – mais pour qui alors, Moore ou Portman ? En 2015, c'est Rooney Mara qui avait gagné le "match" Carol face à Cate Blanchett… Todd Haynes peut également prétendre à une récompense importante, longtemps après avoir obtenu un mystérieux "prix de la contribution artistique" pour Velvet Goldmine en 1998 – personne ne sait ce que c'est mais on imagine que ça fait quand même plaisir.
Monster de Hirokazu Kore-Eda
Ça parle de quoi ?
D’un gamin, Minato, dont le comportement devient de plus en plus préoccupant. Sa mère qui l’élève seul décide de confronter l’équipe éducative de l’école, et tous les problèmes de Minato semblent pointer vers l’un de ses professeurs… Mais la vérité est bien plus nuancée, comme on le découvrira à travers les yeux de la mère, du prof et de l’enfant. Lors de la conférence de presse de Cannes, Thierry Frémaux avait comparé le film à Rashōmon, chef-d’oeuvre intemporel d’Akira Kurosawa.
Ça va être bien ?
Ben oui, c’est Kore-eda. D’autant que le réalisateur semble sortir ici de sa zone de confort, en injectant des éléments de thriller à son cinéma. Qui n’aurait pas envie de voir ça, franchement ?
Ça palme ?
Évidemment, Monster est un gros challenger pour la Palme d’or. Kore-eda l’a déjà remportée en 2018 pour Une Affaire de famille, et il était reparti avec le Prix du jury en 2013 avec Tel père, tel fils. Habitué de la Croisette (c’est sa neuvième fois à Cannes : il était encore là l’année dernière avec Les Bonnes Étoiles, qui a valu à Song Kang-Ho le prix d’interprétation) et toujours favorablement accueilli par l’internationale cinéphile, Kore-eda coche toutes les cases pour prétendre au prix suprême.
Perfect Days (Wim Wenders)
Ça parle de quoi ?
A Tokyo, un homme obéit chaque matin au même rituel : il se lève, range sa chambre, glisse une cassette de rock dans son autoradio et part nettoyer les toilettes publiques de la métropole, un sourire aux lèvres…
Ça va être bien ?
Si Wim Wenders peut encore décocher à l'occasion un documentaire estomaquant (son portrait 3D de Pina Bausch en 2011, par exemple), on n'attend plus grand chose de lui rayon fiction depuis longtemps. Mais ce come-back inattendu en compétition, et la manière énamourée dont a parlé Thierry Frémaux du film lors de l'annonce de la sélection, font renaître l'espoir… D'autant plus que Perfect Days convoque beaucoup de fétiches wendersiens (le rock, la route, le Japon) qui indiquent qu'on pourrait avoir affaire à un grand film récapitulatif.
Ça palme ?
Wim Wenders fait partie des cinq cinéastes en compétition cette année (avec Moretti, Kore-eda, Nuri Bilge Ceylan et Ken Loach) qui ont déjà remporté la Palme – lui, c'était en 1984, pour le mythique Paris, Texas. A 77 ans, ce chouchou cannois éternel peut-il prétendre rejoindre le club des doubles palmés ? On placera aussi quelques billets auprès de nos amis bookmakers sur l'acteur Kôji Yakusho, vu notamment chez Kyoshi Kurosawa (Cure, Charisma…) et Shohei Imamura (L'Anguille).
The Old Oak de Ken Loach
Ça parle de quoi ?
Le dernier pub d'un village d’anciens mineurs de charbon est menacé de fermeture. Alors que les habitants sont partis chercher du travail ailleurs, la communauté restante voit arriver des réfugiés syriens, attirés par les logements bon marché. Vont-ils être rejetés ou donner une seconde vie à ce village en perdition ?
Ça va être bien ?
Quatre après Sorry We Missed You, relativement passé sous les radars (et reparti bredouille de Cannes), Ken Loach est de retour avec un film évoquant, encore, les oubliés de la société britannique, confrontés cette fois, de plein fouet, aux conséquences de la crise migratoire. À 86 ans, le réalisateur veut rester dans l'ère du temps et s'attaque au vivre-ensemble à sa manière, en questionnant de front le comportement humain et son rapport à la différence. La promesse d'une fable moderne inspirante.
Ça palme ?
Il faut toujours compter avec Ken Loach, lorsque son cinéma social à la dramaturgie exacerbée investit la Croisette. Avec Le Vent se lève (en 2006) puis Moi, Daniel Blake (en 2016), le réalisateur anglais est l'un des neuf cinéastes doublement palmés de l'histoire cannoise (auxquels on peut ajouter trois Prix du jury !). Le Président du Jury Ruben Östlund, qui rêve d'être le premier à en remporter trois, a promis avec humour qu'il serait prêt à lui remettre la Palme, "si son film est le meilleur..."
The Zone of Interest (Jonathan Glazer)
De quoi ça parle ?
"Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp". D'après un roman de Martin Amis, une comédie noire sur les camps de la mort.
Ça va être bien ?
C'est l'une des plus grosses attentes de cette 76ème édition. Le quatrième film du génial, rare et inclassable Jonathan Glazer, auteur du superbe Birth et de la sidération SF Under the skin. Chacun des films de cet ancien clippeur des années 90 est un événement.
Ça palme ?
C'est la première fois en compétition cannoise pour l'Anglais Glazer, qui concourt ici sous pavillon A24, la société de production superstar responsable du hit oscarisé Everything Everywhere All At Once (qui présente aussi cette année à Cannes le premier épisode de la série sexy-scandaleuse The Idol et un docu monstre de quatre heures de Steve McQueen). Une Palme d'or leur permettrait d'asseoir définitivement leur suprématie sur le cinéma d'auteur contemporain.
Vers un avenir radieux de Nanni Moretti
Ça parle de quoi ?
D’un cinéaste italien de renom qui s’apprête à tourner son nouveau long-métrage et va devoir batailler contre plusieurs fronts : ses problèmes familiaux, son producteur sur la brèche, les affres de son inspiration…
Ça va être bien ?
Nanni Moretti a toujours défendu le même évangile fait d’introspections lucides et amusées. Chez lui, le cinéma, l’amour et la politique s’interpénètrent constamment. A l’heure où l’écosystème du septième art est bouleversé par les nouveaux visages de son économie et l’oblige à une profonde remise en question, la parole d’un Moretti parait plus que salutaire.
Ça Palme ?
L’humour cérébral d’un Nanni Moretti est-il soluble dans le cynisme et le nihilisme décomplexés du président Ostlünd ? On a envie de croire que l’esprit du suédois vaut mieux que celui qui se dégage de ses films. Vers un avenir à la fois radieux donc ! Ce serait la deuxième Palme de l’Italien après La chambre du fils en 2001.
Jeanne du Barry : que vaut le film d'ouverture de Cannes 2023 ? [critique]
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