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Truisme : adapter un livre au cinéma est un exercice casse-gueule. Surtout lorsque le sujet l’est aussi. En l’occurrence, Le dernier pour la route raconte l’histoire d’Hervé Chabalier, patron de l’agence de presse Capa, alcoolisé jusqu’à l’os mais conscient de l’être. Le roman commence le jour où il décide d’en finir et de partir quelque part en Suisse, dans un centre de désintox. On ne va pas tourner autour du pot, le passage de la page à l’écran est un demi succès. La belle réussite du film, c’est de bien retranscrire le scepticisme d’Hervé à son arrivée. Comme lui, on a du mal à croire aux bienfaits de la thérapie de groupe. Tout le monde semble beau, gentil, et surtout pas tellement malade. Tout semble se faire avec une facilité déconcertante. Puis arrivent les médecins armés de leurs statistiques et de leur certitude arrogante. Si ce côté « campagne contre l’alcoolisme » fonctionne bien dans le livre, il crée dans le film une légère distance et donne un côté lisse et sans débordement au projet. Comme si les émotions, même avec modération, étaient comme le verre de vin, interdites de séjour. Et puis qui dit adaptation, dit liberté prise avec l’œuvre de départ. Le réalisateur Philippe Godeau, dont c’est le premier film, traite l’histoire vraie comme un docu et met de la fiction là où il n’y en avait pas. Il fait naître entre Hervé et Magali, autre curiste écorchée vive, une relation forte et dangereuse qui, en plus de sonner faux, n’ajoute rien à l’histoire. Pire, là où Chabalier, le vrai, nous livrait tous ses malheurs, François Cluzet, tout en sobriété, observe plus qu’il ne parle. Comme s’il venait faire une reportage sur le centre. Dommage, parce que le sujet est fort et le parcours d’Hervé courageux, émouvant et difficile. C’est cela qui manque à la version ciné, qui devient une version aseptisée du papier. Caroline Vasserot Le dernier pour la route, chez Robert Laffont, depuis octobre 2004, 306 pages, environ 20 €.