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"Je t'aime !"

"J'ai rencontré John Travolta à Deaville, dans la piscine de Claude Lelouch, en 1977 pour la projection de Grease". Ainsi raconte Lionel Chouchan, co-fondateur du Festival du film américain de Deauville, en rendant hommage à Travolta vendredi soir (après Cate Blanchett, Nicolas Cage, la productrice Gale Anne Hurd et Larry Clark. Chouchan définit l'acteur quelque part entre "Fred Astaire et Robert Mitchum", rappelant ses onze brevets de pilotage et le résuma ainsi "mi-ange mi-démon, sidérant dans ses films et sidéral dans sa vie". La grande salle du Festival était pleine à craquer : lorsque le traditionnel montage vidéo reprenant les grands moments de la carrière de l'acteur fut diffusé, le public devint hystérique en voyant les scènes tirées de La Fièvre du samedi soir (1978). Mais le montage ne réduisait pas Travolta à ses meilleurs rôles : toujours reconnaissable malgré (à cause de ?) ses déguisements pas toujours heureux (Opération Espadon, Primary Colors), Travolta semble être -à l'instar de Nicolas Cage- l'acteur destiné à tout explorer, se détruire en permanence pour toujours se réinventer. Puis, au son de la musique de Broken Arrow, Travolta s'avance sur scène, costume noir et taille mince, et sa mâchoire inoubliable s'anime pour tenter de parler français. Sa première phrase : "je t'aime." Tout court. Il remercie en français, les phrases son dures à dire mais il s'applique à remercier quand même dans notre langue. Avant d'esquisser quelques pas de danses et de s'esquiver, il parle une dernière fois : "bonne nuit, je t'aime".

Une saison en enfer

Et Killing Season, son dernier film, commençait. Il y avait quelque chose de réjouissant à voir cette bisserie -production Millenium/Nu Image (Expendables) réalisée par Mark Steven Johnson (Daredevil, Ghost Rider)- projetée en avant-première de luxe face à un public mêlant VIP et accros à Deauville. Killing Season raconte le duel à l'arc dans la forêt entre un ancien criminel de guerre serbe (Travolta) et un militaire américain retraité (De Niro). Pour l'anecdote, Killing Season s'intitulait à l'origine Shrapnel et devait réunir devant la caméra de John McTiernan John Travolta et Nicolas Cage, pour un nouveau round de baston après Volte/Face en 1997. En oubliant les "et si...", Killing Season fonctionne globalement comme un divertissement très correct -un peu comme une copie très bis du génial Traqué (2005) de William Friedkin- avec quelques scènes qui ont un peu choqué le public, comme le moment où De Niro urine sur une de ses blessures à la jambe ou lorsque Travolta se fait waterboarder au jus de citron salé (des gens ont quitté la salle). Si De Niro n'en a globalement pas grand-chose à faire et ça se voit, reste Travolta. Barbe en collier, accent pseudo-serbe WTF, envolées lyriques sur la symbolique de la chasse et de la confession catholique, jeu massif et souple : John est toujours là tout entier, avec ses défauts et ses qualités. Et renseignement pris, il s'agit de sa vraie barbe.

Sylvestre Picard

Bande-annonce de Killing Season, qui n'a pas encore de date de sortie française :