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La comédienne d’Hiroshima mon amour, de Léon Morin prêtre et de Amour est décédée

Née dans les Vosges en 1927, l'actrice Emmanuelle Riva s'est éteinte hier à Paris à l'âge de 89 ans.

Riva, ce fut d'abord une voix. Les mots de Duras et ces dialogues cultes... « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Emmanuelle Riva est née non pas à Chéniménil, mais à Hiroshima, à Nevers, en tout cas sur l'écran, sous le regard d’Alain Resnais dans Hiroshima mon amour, chef d’œuvre hypnotique, chef d’œuvre brut, brutal et brutaliste, où elle incarnait cette française qui tombait amoureuse d’un japonais. Elle (Riva) s’était fait tondre à la Libération et Lui vivait encore sur ce terrain traumatisé, radioactif. Trauma contre trauma. Pour Resnais, Riva avait (était ?) la voix de la mémoire, la beauté lisse du souvenir et du temps qui passe. Un visage de cendre, une allure diaphane, immarcescible… Ce qu'elle a conservé jusqu'à la fin de ses jours.

Après Hiroshima, les camps. Elle obtint le rôle de Terese dans Kapo, le film de Gilles Pontecorvo qui racontait l’histoire d’une jeune juive déportée réussissant à échapper à son destin, changeant d’identité et finissant kapo… Le film difficile à voir aujourd’hui reste surtout célèbre pour le plan où l’héroïne se suicide en se jetant sur les barbelés et la polémique qu’il créa. Critiqué par Rivette dans les Cahiers, ce plan devint le symbole d’une mise en scène immorale et un cliché de la critique littéraire : le fameux « travelling de Kapo ». On s'éloigne, mais pas tant que ça. La beauté particulière, son engagement et son refus de toute compromission amenèrent Riva à travailler avec des cinéastes radicaux. Figure essentielle du cinéma moderne tel qu’il apparut dans les années 60, elle collabora avec Resnais et Pontecorvo, mais aussi Melville (elle fut Barny, la jeune communiste qui tombait sous le charme de Leon Morin Prêtre, se convertissait et se consumait pour Dieu et/ou son pasteur…), Franju (dans Thérèse Desqueyroux pour lequel elle reçut un prix d’interprétation à Venise), Arrabal, Cayatte (Les Risques du métier), Garrel, Kieslowski, Aline Isserman…  

Malgré ce CV impressionnant, elle fut paradoxalement assez rare à l’écran. Comme elle l’expliquait à nos confrères de Liberation : «Dans ma vie, j’ai surtout dit non. La liste de mes refus est aussi vaste que celles de mes consentements. Je n’ai pas aimé être un objet convoité pour sa rentabilité.» Cette rareté faisait le prix de cette comédienne et c’est ce que Michael Haneke avait bien compris. Amour, son huis clos mortifère (ou la longue agonie d’Emmanuelle Riva) était un film qui regardait se fâner un couple et deux icônes vieillissantes. Un film beckettien qui écoutait leurs voix. On entendait les modulations infinies de Trintignant (la nuance ironique, énervée ou triste de ses dialogues et sa voix grave et nasillarde). Et en retour le timbre de Riva, qui s’éteignait progressivement.

Aujourd’hui cette (grande) voix s’est définitivement tue.