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Gérard Depardieu (Acteur dans Cyrano de Bergerac et dans Bon Voyage)"Truffaut était un littéraire, Pialat était un peintre, Rappeneau, lui, est un musicien. Sur Cyrano il m’avait demander de jouer un personnage "mezzo vocce", c’était ça sa grande directive, son obsession. Et dans le film, TOUT ce qui était écrit dans le script, vous pouvez le retrouver à l’écran à la virgule près. Cette méticulosité c’est la grande qualité de Jean Paul. Il a gardé profondément ancré en lui ce qui l’ émerveillait lorsqu’il était enfant, et avec le temps il a su organiser ça à merveille. Jean-Paul a certainement un âge, mais il a toujours l’âge de l’enfance. De ce point de vue là il me fait penser à Fellini, comme lui, il a bâti une oeuvre sur les sensations, les visions, les émotions liées à sa jeunesse. C’est quelqu’un qui jouit d’une grande cote d’amour dans le métier, parce c’est une personne d’une honnêteté incroyable, quelqu’un qui ne fait jamais semblant. J’avais été stupéfait au moment du tournage de Bon Voyage de voir à quel point il était resté le même que vingt ans plus tôt, avec ce charme juvénile incroyable. Il faut toujours que ça bouge dans tous les coins, que LUI bouge dans tous les coins, qu’il se repeigne sans arrêt les trois poils qu’il lui reste sur le caillou. Comme Renoir, c’est un réalisateur, hors du temps, hors des modes, hors des clans, hors-norme. Jean Paul c’est un poème, c’est une chanson de Trenet." Marlène Jobert (Actrice dans Les Mariés de l’an deux)"J’ai vu Belles familles, c’est un superbe film. Il est resté ce perfectionniste incroyable que j’avais rencontré sur le tournage des Mariés l’An Deux… Et puis quelle finesse dans les dialogues, je n’en revenais pas. Je sais qu’il prend un temps fou pour choisir ses acteurs, et ça se comprend parfaitement, il leur demandé d’accomplir des choses très compliqués et il arrive à tirer d’eux des choses inouïes. Les Mariés de l’an Deux n’était que son second film et j’avais pourtant l’impression d’avoir à faire à un metteur scène extrêmement rodé, conscient de chacun de ses effets, d’une maturité incroyable. J’avais surtout été frappé par son exigence, sa capacité à pouvoir nous faire faire une scène dix-sept fois d’affilé, sans que personne ne rechigne jamais. Il vous emporte dans sa frénésie, il vous fait comprendre son obsession du détail, et vous savez que ça va immanquablement tirer le film vers le haut. Nous étions en plein milieu de la campagne roumaine, dans le froid et la pluie, dans des conditions vraiment difficiles, et pourtant ça reste pour moi un tournage inoubliable…" Pierre Lhomme  (chef opérateur sur tous les films de Rappeneau, jusqu’à Cyrano De Bergerac)"Avec Alain Cavalier nous avons fait notre premier court métrage et notre premier long ensemble - Le combat dans l’île. Alors tout naturellement son ami Jean-Paul Rappeneau a fait appel à moi pour La vie de château; il y avait un début d’ amitié et de confiance. A l’époque, il m’avait dit "écoute Pierre, je veux qu’il y ait du soleil partout". Je me souviens qu’un critique m’avait alors traité "d’opérateur aux mille soleils", Je crois que c’était plutôt péjoratif. Jean-Paul a toujours voulu des comédies lumineuses et ensoleillées. On a établi une relation de confiance et d’estime, même si ça n’a pas toujours été simple. Il faut savoir que Jean-Paul est très inquiet. Il écrit avec une telle précision, il a une telle vision de ses images qu’il a peur d’être trahi au moment du tournage. Cela se traduit par une forme de méfiance qui est parfois difficile à avaler. Mais il ne transige pas. Il ne baisse jamais les bras devant l’adversité. ll ne se soumet pas à cette gymnastique à laquelle se livrent beaucoup de cinéastes et qui consiste à raboter un projet pour le faire entrer dans un budget...  Au fond, je dirais que Jean-Paul ne m’a pas rendu meilleur, mais qu’il a tiré le meilleur de moi. Ce n’est pas la même chose. C’est dans les vraies difficultés qu’on donne le meilleur de soi-même, et c’était le cas sur les films de Rappeneau." Catherine Deneuve (actrice dans La Vie de Chateau et Le Sauvage)"Je me souviens que lorsque je l’ai rencontré au moment de son premier film, La Vie De Château, il m’a fait pensé à un oiseau, très gracieux, expliquant les choses et se reprenant, d’une manière très légère. De ce point de vue là, il est un peu comme Patrick Modiano, avec qui il a travaillé sur Bon Voyage d’ailleurs… A cette époque j’avais peu d’expérience et c’est vrai que ce film a été très important pour moi. J’y ai appris un rythme particulier, le cinéma de Jean-Paul est très musical. Il m’avait dit des choses sur moi qui m’avaient beaucoup plu, il m’avait notamment fait remarquer que je parlais tellement vite qu’il pouvait mettre beaucoup plus de mots dans mes dialogues. Jean-Paul, c’est quelqu’un qui tient au rythme, il écoute beaucoup les acteurs, et pas seulement pour la justesse, mais surtout pour le tempo, la rapidité d’exécution, ce qui est essentiel dans la comédie. Quand je l’ai retrouvé, presque dix ans plus tard, pour Le Sauvage, c’était exactement pareil : il connaissait tous les personnages, tous les rôles, tous les dialogues. Il “est” ses personnages et il vit les scènes au moment où on les joue. Je ne dis pas qu’il faut qu’il nous dirige derrière un paravent, mais parfois il est très présent et c’est troublant. Il bouge tout le temps, il est incapable de rester en place, il mime toutes les situations, toujours en mouvement...J’adore Le Sauvage. Dans son genre, c’est un bijou, une comédie indémodable, comme les grandes comédies américaines. Et puis il y a la mélancolie du film. Mais cet aspect là on ne l’a perçu qu’après. Quand on fait une comédie, on s’acharne tellement sur le jeu qu’on n’analyse pas ce que raconte le film. C’est d’abord physique et ça prend le dessus. Je me souviens quand même de quelques séquences dont je pressentais qu’elles emmèneraient le film ailleurs, comme cette scène sur l’île où Montand me demande de partir et que je l’implore de rester… J’avais trouvé ça très émouvant, déchirant. On sent bien qu’à ce moment là, mon personnage est sincère et au bout du rouleau… C’est vrai que j’ai rarement été aussi belle que sur ces deux films que j’ai fait avec Jean-Paul, rarement été aussi bien filmé surtout. Jean-Paul aime beaucoup les grandes comédies américaines qui sont extraordinairement bien tournées. C’était sa référence et ça faisait partie du projet. Il fallait que ses films soient beaux.Le Sauvage était très rayonnant. La lumière, le soleil, tout le charme et le dépaysement du film… Tout ça, c’est très flatteur pour le physique des actrices.Je n’ai pas encore vue Belles Familles, mais je vais voir systématiquement tous les films de Jean-Paul. C’est quelqu’un que je connais depuis ses débuts et qui n’a jamais change; il est incroyable. Je regrette qu’il ait fait si peu de films. Il aurait dû tourner davantage. Jean-Paul est un cinéaste qui a besoin de temps, plus que quiconque. Il le regrette. Il aimerait tourner plus, mais il ne peut pas. Il NE PEUT PAS. Il s’est aussi attaqué à des projets qu’il a développé et qu’il n’a pas pu concrétiser, notamment un dans lequel je devais jouer et qui s’appelait Chic. Je devais y interpréter une rédactrice de mode don’t le quotidien était chamboulée par une fille qui débarquait dans les bureaux et prenait toute la place – ça devait être Isabelle Adjani. L’ennui, c’est que les films sont chers. Les films de Jean-Paul particulièrement, qui sont longs, mouvementés, détaillés, et demandent beaucoup de jours de tournage. Sur Chic, il ne voyait pas comment développer le coté mode. Il ne connaissait pas bien le milieu et l’atmosphère de la couture, il ne savait pas comment le faire… Mais qu’est ce que j’aurais aimé tourner avec Isabelle Adjani…" Isabelle Adjani (Actrice dans Tout feu tout flamme et Bon voyage)"J’avais adoré Le Sauvage, et mon agent avait fait en sorte de m’organiser une rencontre avec Jean-Paul - qui avait bien compris la dimension stratégique ce de rendez vous, mais avait tout de même accepté. J’ai découvert pendant ce dîner un personnage charismatique avec ce mélange de réserve et de fougue qui le caractérise si bien. Il a fini par me proposer peu de temps après le rôle de Pauline dans Tout Feu Tout Flamme, et sur le plateau j’ai découvert la dimension burlesque de Jean Paul - dont il n’a d’ailleurs pas toujours conscience. Il peut se mettre hors de lui et piétiner son chapeau de rage, et dans ces cas-là, je ne peux pas faire autre chose qu’éclater de rire. On en revient à cette fougue forcément. Il faut savoir que c’est quelqu’un de très poli, d’incroyablement courtois, mais derrière ses bonnes manières il est capable de renverser la table, passer par la fenêtre et sauter en courant sur un cheval lancé au galop (rires) C’est pour ça qu’il fait du cinéma, c’est une nature de personnage de cinéma. On regrette tous qu’il n’ait pas fait plus de films, mais il y a quelque chose de très beau et de très excitant dans le fait qu’il soit si rare : pour moi attendre un film de Jean-Paul Rappeneau, c’est comme attendre Noël lorsqu’on est enfant."Jean-Claude Carrière (coscénariste sur Cyrano de Bergerac et Le Hussard Sur Le Toit)"Je l’ai connu à l’époque de La Nouvelle Vague, on est de la même génération. A l'intérieur du foisonnement de cette époque, il y avait un groupe qui comprenait Louis Malle, Alain Cavalier, Volker Schlondorff, Philippe Colin qui se réunissaient pour parler. C'est là que je l'ai rencontré par Louis Malle dont il a été le scénariste. On a beaucoup sympathisé, et puis à un moment j'ai pris le rôle du coscénariste qu'il tenait auprès de Louis.  C'est quelqu'un qui cache une vraie violence. Une violence intime qu'il contrôle. Il contrôle beaucoup de chose, d’ailleurs, même son rire - Jean-Paul aime beaucoup rire. Et le rire est une forme de violence. Ca se voit quand il tourne : il incarne la nervosité de ses films, littéralement. Sur un plateau, il est derrière la caméra et fait tous les gestes, toutes les attitudes de ses personnages, comme s'il voulait mettre un coup de poing ou un coup d'épée. Même quand il raconte une histoire calme, il le fait avec vivacité. C'est ce qui caractérise son style. Ce qu'il a aussi en lui et qui est instinctif, c'est le sens du rythme. La moindre longueur, il la sent immédiatement. Il peut hésiter entre "toutefois" et "cependant" pendant 10 minutes, selon la place du mot dans la rythmique de la phrase, et selon la manière de le jouer. C'est une question de jeu, de sonorité et ça, ça le préoccupe beaucoup." Recueillis par François Grelet, Christophe Narbonne, Gaël GolhenBelles Familles de Jean-Paul Rappeneau avec Mathieu Amalric, Marine VacthGilles Lellouche sort en salles le 14 octobre.