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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

L’EVENEMENT

Doctor Strange ★★☆☆
De Scott Derrickson

L’essentiel
Marvel Cinematic Universe, Saison 3, épisode 2 : "Doctor Strange". Voilà comment on pourrait appeler le quatorzième opus du MCU et deuxième de la "Phase Trois" initiée par Captain America : Civil War. Doctor Strange incarne à la fois la qualité et le défaut intrinsèque de la méthode Kevin Feige -le tout puissant mastermind du MCU. Dans l'optique de faire des films comme des méga-épisodes de séries, le foirage reste exceptionnel (Iron Man 2) et la routine bien agréable à voir (Ant-Man). Doctor Strange, c'est la routine. (…) Heureusement, il y a l'action. Lorsque Strange est initié aux "arts mystiques", il pénètre dans d'autres dimensions et c'est là où le film -comme son héros- se réveille. Les bastons entre gentils et méchants se déroulent principalement dans une certaine "Dimension Miroir" où ils peuvent librement utiliser leurs pouvoirs, et le décor environnant se tord dans un mélange d’Inception et Matrix, la caméra jouant avec la gravité et la perspective comme dans un kaléidoscope géant. C'est extrêmement impressionnant. Sans pour autant faire oeuvre de syncrétisme total comme le faisait le chef-d'oeuvre des Wachowki en son temps, sans atteindre le niveau de délire de la BD 60s des origines bourrée de couleurs et d'inventions (et paraît-il très appréciée des étudiants américains fumeurs de joints de l'époque), Doctor Strange atteint dans sa deuxième partie une forme d'aboutissement gentiment psychédélique.
Sylvestre Picard

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PREMIERE A AIMÉ

Sing Street ★★★☆
De John Carney

Dans le Dublin des années 80, un lycéen monte un groupe de rock pour attirer l’attention d’une jeune femme qui le fascine et se protéger de la crise conjugale que traversent ses parents. Après Once et New York Melody, John Carney colore cette savoureuse tranche de vie musicale d’une touche plus autobiographique, en dépeignant une adolescence chamboulée par la découverte de la new wave de Duran Duran et The Cure. Avec son héros exalté qui combat l’adversité en créant d’électrisantes chansons, le film dépasse la simple nostalgie d’époque (mâtinée de clins d’oeil à Retour vers le futur) et livre un message universel sur la nécessité de se faire confiance pour mieux gagner celle des autres.
Damien Leblanc

Le Mystère Jérôme Bosch ★★★☆
De José Luis Lopez-Linares

500 après sa réalisation, le Jardin des délices continue de fasciner. Ce triptyque énigmatique est le sujet du Mystère Jérôme Bosch, documentaire dont la traduction française est un peu trompeuse. Car c’est bien le célèbre tableau qui est ici décortiqué, plus que la vie ou les motivations du maître néerlandais, dont on ne sait rien ou presque.
S’entourant de visiteurs VIP (dont Michel Onfray et Salman Rushdie), le réalisateur José Luis Lopez-Linares (qui a notamment travaillé comme chef op pour Carlos Saura) tente donc pendant 1h30 de percer les secrets de cette toile débordant de détails qui représente la création du monde, le jardin d’Eden, la vie terrestre des enfants d'Adam et Eve, puis l'Enfer. Sans livrer de scoop, cette analyse passionnante ravira les amateurs de peinture et d’histoire de l’art, surtout ceux qui ont eu la chance de rester scotcher devant le Jardin des délices, conservé au Prado, à Madrid, depuis 1939. En amateur de cinéma, on aurait bien sûr aimé que le film invite un réalisateur pour évoquer l’influence de Bosch sur le cinéma d’horreur (Hans Ruedi Giger, le "père" d’Alien, était un de ses grands fans), mais c’est un autre sujet qui mériterait son propre documentaire…
Edouard Orozco

PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ

La fille du train ★★☆☆
De Tate Taylor

Impossible de ne pas penser à Gone Girl en voyant La Fille du train. Adaptation d'un roman à succès, La Fille du train est un film découpé en chapitres qui nous plonge dans les vies ennuyeusement bourgeoises de couples CSP+ suburban. Où une femme disparaît, et où l'on découvre que la vie suburban n'est pas ce qu'elle semble être. Le film aurait donc pu s'appeler Gone Girl, ou Les Apparences (le titre français du roman Gone Girl), ce qui n'aurait rien changé. Score ambiant (ici signé Danny Elfman et plutôt réussi), photo brumeuse, violence conjugale, script à tiroirs, twist saignant... La fille du train du titre, c'est Rachel (Emily Blunt), une femme qui prend le train de banlieue matin et soir pour se rendre au boulot. Toujours assise à la même place, elle contemple les demeures cossues qui longent le chemin de fer et va assister à un événement bizarre, peut-être criminel... Nous voilà donc plongé dans la position ludique de spectateur de whodunnit : qui est le coupable ? En fonction de votre culture de fiction policière, vous le découvrirez plus ou moins tôt en procédant par élimination, ce qui suffit à satisfaire notre besoin de divertissement hebdomadaire. Au-delà, le réalisateur Tate Taylor (La Couleur des sentiments) dirige très efficacement son talentueux casting à défaut de faire du cinéma, se contenant de filmer surtout en gros plan le visage de ses actrices. C'est toutefois important, car la plus grande réussite de La Fille du train est d'avoir réuni trois actrices véritablement formidables -Emily Blunt, Rebecca Fergusson et Haley Bennett- chacune transcendant le registre restrictif (l'acoolo ruinée, la bourge prude et la femme libérée) dans lequel le script a tendance à les enfermer.
Sylvestre Picard

Bleeder ★★☆☆
De Nicolas Winding Refn

Amour, ultraviolence et cinéphilie dans la banlieue de Copenhague. Dix-sept ans avant The Neon Demon, douze ans avant Drive, Nicolas Winding Refn tournait dans son Danemark natal ce Bleeder resté inédit dans les salles françaises jusqu’à aujourd’hui. Le style est celui de son hit inaugural Pusher (caméra portée, atmosphère lugubre, sentiment d’urgence), les thématiques maison sont déjà toutes bien en place (la virilité, la peur des femmes), mais l’overdose référentielle (Clerks, Mean Streets, Seul contre tous…) souligne surtout que le cinéaste se cherchait encore à l’époque. À réserver aux fans, donc, cet incunable est par ailleurs le film le plus ouvertement personnel de son auteur, s’envisageant notamment comme une vaste déclaration d’amour à l’actrice Liv Corfi xen (aujourd’hui Madame Refn). Au détour d’une scène, on y aperçoit un petit caïd roulant des mécaniques et admirant son refl et dans un miroir avec, à l’arrière-plan, l’intégrale de Kubrick. Sans doute l’autoportrait le plus fulgurant jamais tourné par NWR.
Frédéric Foubert

Ta’ang, un peuple en exil entre Chine et Birmanie ★★☆☆
De Wang Bing

Wang Bing (À la folie) propose une nouvelle immersion en terre inconnue, celle des Ta’ang, minorité ethnique ballotée entre la Chine et la Birmanie, victime des conflits armés les repoussant d’un côté ou de l’autre de la frontière. Le film, qui s’ouvre sur une scène cruelle (un soldat chinois frappe une mère trop passive à son goût) et se clôt dans l’incertitude (un groupe de femmes isolé avance dans les montagnes), se présente comme un journal de bord dont Wang Bing conserverait moins les moments spectaculaires qu’anecdotiques. Le procédé, s’il prend le risque de lasser l’audience, facilite l’identification avec les protagonistes qui, dans la pire adversité, ont des pulsions de vie universelles.
Christophe Narbonne

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

Moi, Daniel Blake ★☆☆☆
De Ken Loach

Si la Palme d’or accordée au Vent se lève en 2006 avait recueilli un relatif consensus, celle que George Miller et son jury ont attribué à Moi, Daniel Blake ne laisse pas d’interroger cinq mois après les faits. L’aspect formellement pauvre du film n’est même pas en cause : il s’agit tout simplement d’un ratage, un vrai, qui s’inscrit dans la continuité de ce que produit le réalisateur anglais depuis une décennie, à savoir un cinéma militant plus proche du docudrama que de la fiction filmée comme un documentaire, ce qui n’est pas tout à fait pareil.
Christophe Narbonne

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L’attrape-rêves ★☆☆☆
de Claudia Llosa

Dans le Grand Nord, un dresseur de faucons part avec une journaliste à la recherche de sa mère guérisseuse qui l’a abandonné il y a vingt ans. En parallèle de ce voyage, un flash back raconte les raisons dramatiques de cette séparation. Sujet très fort (le road-trip chamanique et son application à la thérapie des drames familiaux), acteurs impeccables (Cillian Murphy, Mélanie Laurent et Jennifer Connelly sont tous les trois sobres et intenses), grands paysages sublimes... Mais cela n’accroche jamais, c’est lourd et pâteux, la faute à une symbolique pesante, une photo aveuglante (qu’est-ce que c’est blanc, bon sang !), à un rythme neurasthénique et à une conclusion absolument frustrante et insuffisante.
Sylvestre Picard

Et aussi
L’orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir
Tamara d’Alexandre Castagnetti
Brussel Texas de Quentin Montant
La Bataille de Florange de Jean-Claude Poirson

Et les reprises de
Missing (porté disparu) de Costa-Gavras
La chasse au lion à l’arc de Jean Rouch