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Argo For ItAu fond qui a vraiment besoin d’un Oscar ? C’est ce qu’a dû se répéter Ben Affleck pendant toute la soirée des 70ème Golden Globes organisés par l’Hollywood Foreign Press Association. Alors que l’acteur réalisateur a été récemment snobé par l’Académie (ne recevant aucune nomination pour l'Oscar du meilleur réalisateur), les Golden Globes ont fait un triomphe à son thriller 70’s puisque Affleck repart avec le prix du meilleur réalisateur et celui du meilleur film dramatique pour Argo. Face à des pointures comme Steven Spielberg ou le Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, Affleck fut définitivement le roi de la soirée. Rien de plus normal après tout : s’inscrivant dans la tradition du cinéma politique 70’s et inspiré d’une histoire vraie (ou plutôt based on a true declassified story ce qui est encore plus sexy), le thriller d’Affleck est un huis clos étouffant doublé d’une satire irrésistible des artifices du show-business. Bref, un film qui dès le départ sentait bon les statuettes.Même si l’assurance de sa mise en scène est croissante (son troisième film est le meilleur de sa carrière), le triomphe de Ben Affleck sur Steven Spielberg pourra paraître un peu exagéré. Mais c’est surtout sa victoire contre Bigelow, le sacre d’Argo sur Zero Dark Thirty, qui prend une résonnance très forte. En pleine polémique, les membres de la FPA ont finalement préféré une vision plus light et plus divertissante du cinéma politique. Tintin contre La Bataille d'Alger. Face au troublant ZDT, face à un film sombre qui regarde l’histoire (très) contemporaine dans le blanc des yeux et se fait attaquer de tous côtés, Hollywood a salué un cinéma finalement plus divertissant et peut-être plus inoffensif.En CampagneMalgré tout, « c’était une bonne année pour parler politique » comme le déclarait le réalisateur de Game Change, téléfilm produit par HBO qui racontait la campagne présidentielle de 2008 côté républicain et qui a raflé trois prix. De fait, si l’on ajoute le triomphe de la deuxième saison de Homeland (trois prix aussi), la soirée des Golden Globes fut placée sous le signe du politique, et du côté démocrate. Bill Clinton himself, venu présenter Lincoln, a ainsi reçu une standing ovation avant que John Goodman présente le vrai Tony Mendez (joué par Affleck dans Argo), ancien agent de la CIA et petit homme timide, qui récita un speech ressemblant fort à la voix off de la bande-annonce d’Argo. Manière de rappeler que, à Hollywood, toujours, tout le temps, the show must go on…Daniel Day Lewis présidentPas de surprises concernant les prix des acteurs. On les attendait, ils sont tous au rendez-vous. La prestation magistrale de Daniel Day Lewis dans Lincoln a été saluée comme il se doit, tout comme celle de Jessica Chastain qui incarne brillamment un agent de la CIA obsédée par Ben Laden dans Zero Dark Thirty (un Golden Globes chacun). Côté comédie, Hugh Jackman sort gagnant du duel qui l’opposait à Bradley Cooper. Si la prestation de ce dernier (un bipolaire attachant dans Happiness Therapy) a été largement saluée par la critique, tout le monde donnait Wolverine gagnant ce soir. Habitée et chantante, son interprétation de Jean Valjean dans les Misérables est un sommet d’incarnation hollywoodienne. Over The Top, mais impressionnante. Quant à Anne Hathaway, qui a la plus belle scène du film de Tom Hooper, la plus émouvante (la mort de Fantine), elle repart naturellement avec le prix du meilleur second rôle féminin. D'ailleurs, Les Misérables qui remporte le Golden Globe de la meilleure comédie / comédie musicale est l'autre gagnant de la soirée.Weinstein pas intouchable« Harvey, merci d'avoir tué tous ceux que tu devais tuer pour que je puisse être là où je suis ». On doit cette punch line à Jennifer Lawrence qui recevait le prix de la Meilleure actrice dans la catégorie comédie pour Happiness Therapy. Amusant, mais peut-être que Weinstein aurait dû tuer plus de monde alors. Car le film produit par Harvey Weinstein et ses deux autres productions en lice hier soir (The Master et Django Unchained) ne sortent pas gagnants de la compétition. Rien pour l’exigeant The Master (également et bizarrement snobé par les Oscars) et seulement deux trophées pour Django : Waltz bat DiCaprio en Meilleur second rôle dramatique et Tarantino reçoit le prix du Meilleur scénario. Sans parler d'échecs (les films qu'il soutenait ce soir étaient fragiles), Weinstein a un peu failli à sa réputation et les Oscars ne devraient pas changer grand chose à la donne. Si on compare au triomphe de The Artist en 2012, Weinstein a peut-être un peu perdu de sa superbe cette année.... Et ce jusque dans la catégorie du Meilleur Film étranger.Les français snobés !Car l’autre événement de la soirée – en tout cas de ce côté ci de l’Atlantique – c’est évidemment l’absence des Français au palmarès. Les Oscars n’ont pas voulu des frenchy (aucune nomination pour la cérémonie de février prochain) mais on pensait que Intouchables ou De Rouille et d’Os pourraient repartir avec un lot de consolation ce soir… Pas de chance : la Foreign Press Association en a décidé autrement et a une nouvelle fois fait triompher Amour de Michael Haneke face à Audiard et au duo Toledano Nakache. Intouchables était peut-être trop léger, trop "comique" pour remporter un prix dans cette prestigieuse cérémonie, mais Audiard et Cotillard se paient une fois de plus le mur Haneke. Avec son sujet imparable, sa Palme d’Or en bandoulière et ses multiples prix glanés au cours de la saison, ses acteurs inoxydables (pour les américains, Emmanuelle Riva reste une icône de la nouvelle vague et la couronner leur permet de clamer leur amour d'une cinéphilie hardcore), Amour repart avec un Golden Globe qui pourrait avoir valeur de prophétie pour les Oscars...And The Winners Are...Mais les vrais gagnants de la soirée sont à chercher ailleurs. D'abord le duo enflammé des présentatrices, Amy Poehler et Tina Fey. Elles n'ont retenu aucun coups et ont su gérer l'héritage provoc et acide de Ricky Gervais avec une classe et une ironie confondantes. Moment clé de leur show ? "Quand on parle de torture, vous pouvez faire confiance à une femme qui a passé trois ans de mariage aux bras de James Cameron" pour présenter Kathryn Bigelow. Ou encore, pour introduire Robert Downey Jr : "Veuillez accueillir un acteur tellement versatile qu'il a joué Iron Man dans 3 films" L'autre événement de la soirée c'est le discours de Jodie Foster qui recevait le Cecil B. DeMille Award pour l'ensemble de sa carrière. Son speech de remerciement avait le goût d'un adieu ou d'un coming out. Emouvant et engagé, ce fut l'un des highlights de cette cérémonie. Seth McFarlane a du souci à se faire pour les Oscars