Dès l’origine, The Cut est un film qui ne sait pas très bien où il habite. Porté par l’importance de son sujet (le calvaire du peuple arménien en 1915), Fatih Akin vise ouvertement la fresque morale, le mélo pour tous, susceptible de tirer des larmes « utiles » sans honte ni intellectualisme déplacé. Mais les festivals et les circuits d’exploitation, eux, aiment les cases bien cochées et les étiquettes bien scotchées. Pour Fatih Akin, l’étiquette c’est « auteur » et la case, « art et essai ». En dévier, c’est prendre le risque de s’égarer en route.Plus embêtant, The Cut est un film qui a perdu la parole. Obsédé par sa quête d’universalité, le réalisateur, également producteur, fait dès le début un choix qui se révélera désastreux : toutes les nationalités du film s’expriment dans leur langue (turc, arabe, espagnol, etc.), sauf les Arméniens, que le cinéaste prend le parti de faire parler en anglais, de manière à toucher le plus large public possible. Dans un film conçu pour « faire entendre » la souffrance des Arméniens, la décision de leur couper symboliquement la langue ressemble à un acte manqué. Un acte manqué à 20 millions de dollars de budget.Cette erreur va peser sur toute la carrière du film. Zappé à Cannes en 2014, il est descendu à la Mostra de Venise par les snipers de la critique anglo-saxonne, scandalisés par ce qu’ils interprètent comme une forme d’« impérialisme linguistique ». Avant la sortie en France, Pyramide, qui a coproduit le film, tente de rattraper le coup avec un doublage en arménien. Las, les labiales coïncident si mal que l’épopée de Fatih Akin prend des airs de série Z pour cinéma de quartier.Le choix de FaithLe flop est terrible. Perte de repères, perte de parole, le destin du film se met à ressembler tristement à celui du peuple auquel il est dédié, en dépit des meilleures intentions du cinéaste, décidé à assumer la responsabilité historique du génocide au nom des Turcs. Cette édition DVD met un point final à l’histoire. La « VO sous-titrée » qu’elle propose est bien celle avec les acteurs doublés (en arménien). La vraie VO, en anglais, n’aura donc jamais été exploitée en France, seul pays au monde dans ce cas. Pour tenter de corriger l’erreur de Fatih Akin, ses copro- ducteurs se sont entêtés dans la leur, empêchant le film de « parler » correctement à qui que ce soit. À moins de choisir la VF, version où tout le monde est logé à la même enseigne : atrocement mal doublé, sans distinction de culture ni de nationalité.Guillaume BonnetThe cut en DVD le 20 maiBandes-annonce :
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The Cut de Fatih Akin : comment un geste courageux s'est transformé en faux pas
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