L'alchimie entre les deux stars ne prend jamais. Pas plus que les blagues éculées ou les scènes d'action en CGI... Décidément, cette "comédie de Noël" n'a rien de magique.
"La natalophobie désigne une tendance à ressentir des sentiments négatifs à l'approche des fêtes de Noël. Il peut s'agir d'anxiété, de déprime, de tristesse ou de nostalgie."
Peut-être en souffrez-vous sans le savoir ? Red One, qui sort aujourd'hui en France, en streaming sur Prime Video, pourrait bien être le déclencheur qui vous en fera prendre conscience, tant ce blockbuster supposément familial illustre à la perfection l'angoisse qu'on peut ressentir à l'approche des fêtes de fin d'année. Transposer ce ressenti on ne peut plus désagréable aux films de Noël, d'ordinaire conçus comme des douceurs "feel good" pour les spectateurs, c'est un comble... et pourtant, Red One réussit cet exploit.
Dwayne Johnson est-il une diva ? Le budget de Red One aurait explosé à cause de ses retards répétésTout commence dans un centre commercial américain bondé, à quelques heures du réveillon. Face à une queue interminable d'enfants et leurs parents tentant de rencontrer Nick le Père-Noël, (J.K. Simmons, qui fait de la muscu et voyage en SUV, oubliez immédiatement l'image de Saint Nicolas débonnaire), Callum (Dwayne Johnson, qui prend tout cela incroyablement au sérieux) comprend après plusieurs siècles de bons et loyaux services en tant que chef des gardes du corps de Santa, qu'il "ne voit plus l'enfant" en chaque humain. Non, il ne perçoit à présent que leurs défauts, voyant grimper en flèche le pourcentage de gens "pas sages" au fil des ans.
En rentrant au royaume du Père-Noël -sorte d'Asgard tout en numérique, qui évoque davantage les hangars sans fin d'Amazon et ses employés débordés qu'un monde magique rempli de Lutins fabriquant avec joie des jouets destinés à amuser les enfants du monde entier-, Callum est donc bien décidé à poser sa démission. Mais c'était sans compter sur l'intrusion de méchants aux ordres de la vilaine sorcière Gryla, incarnée par Kiernan "Sabrina" Shipka, pale copie de la Scarlet Witch de Marvel dont on ne comprend jamais vraiment les ambitions. Bien décidée à gâcher Noël en kidnappant Nick, elle est aidée, malgré lui, par Jack, un hacker qui parvient à décrypter les coordonnées du royaume (Chris Evans, caution comique du film et "mauvais garçon de niveau 4", selon les données du chef de la sécurité). Ca tombe bien, il aurait fort besoin d'une virée père-fils pour redécouvrir les "vraies valeurs" de Noël.
Ce pitch vous épuise ? Ce n'est rien par rapport à sa mise en images tellement affreuse qu'on se demande dès cette longue introduction si une seule scène de Red One a été tournée dans de véritables décors, avec des cascadeurs en chair et en os. Tout sonne faux ici, sans vie. Des poursuites anti-spectaculaires à la neige artificielle, l'abus du numérique est absolument partout. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir investi dans ce film. Jake Kasdan a obtenu pour Red One un budget énorme de la part d'Amazon-MGM : plus de 200 millions de dollars. Et on sait qu'il est capable d'offrir un divertissement familial correct au public : ses récents Jumanji, déjà avec The Rock, étaient très différents du film d'aventure original avec Robin Williams, certes, mais ils trouvaient le bon équilibre entre humour, aventure et grand spectacle, tout en proposant quelques nouveautés.
On ne retrouve pas sa mise en scène ludique ici, et ce n'est pas franchement mieux du côté des blagues, toutes déjà vues : coucou les vannes meta de chez Marvel -piquées jusque dans Ant-Man, pourtant pas le plus populaire auprès des fans- salut mauvais esprit de Ryan Reynolds (la star de Deadpool n'était visiblement pas dispo pour rejouer sa partition de Free Guy à la place d'Evans ?)...
Les règles ont (trop ?) changé dans Jumanji 2 [critique]Le film se réveille un peu à l'arrivée de Krampus, demi-frère maléfique de Santa Claus. Flamboyant, Kristofer Hivju (Tormund Fléau-d'Ogres dans Game of Thrones) met un joyeux bordel le temps d'une scène, seul comédien ayant l'air de vraiment s'amuser ici, et dont le maquillage bestial est convaincant entre deux VFX palots, des bonhommes de neige tueurs au design douteux à un ours blanc dénué de toute once de personnalité. A moins qu'arrivé au milieu du film, on ne soit déjà tellement épuisé par cette avalanche de clichés qu'on lui pardonne sa moindre tentative de fun ?
Que le temps où Chris Evans tournait dans de bons films semble loin devant ce Red One générique au possible, qui finit de nous achever par une bonne dose de cynisme. Plus Callum, Jake et Nick parlent d'"esprit de Noël", plus on a conscience que ce divertissement de saison a été conçu pour de mauvaises raisons, sans autre ambition que gagner un maximum d'argent avec un minimum d'effort, en misant tout sur la popularité de ses acteurs... qui voient tous leur talent gâché, au mieux fades, au pire déjà oubliés à peine le film terminé. Lucy Liu et Bonnie Hunt n'ont par exemple absolument rien de consistant à jouer.
La sortie française directement en streaming n'arrange rien : sa traduction est remplie de coquilles. Quand les sous-titres font dire à Chris "C'est déconné" en lieu et place d'"It's bullshit", on tient la preuve qu'à tous les niveaux, personne sur ce film n'en avait franchement quelque chose à carrer. Alors pourquoi nous, spectateurs, devrait-on faire l'effort de s'y intéresser ? Non, vraiment, on se serait bien passés d'un tel "cadeau de Noël"...
Petit score pour Dwayne Johnson et Red One au box-office US
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