Le réalisateur hong-kongais nous jure qu'il n'y connaît rien en jeux vidéo... On a du mal à y croire, tant son film est une borne d'arcade en live action !
Le réalisateur HK devenu incontournable avec le stupéfiant Limbo l'an dernier est déjà de retour avec City of Darkness, un film de baston comme on n'en fait presque plus. Rencontré sur une terrasse (très venteuse) du Festival de Cannes, Soi Cheang nous a parlé de ce qui anime son cinéma. Et donné des nouvelles des genoux de Sammo Hung.
City of darkness: Baston d'enfer ! [critique]City of Darkness fait penser aux jeux vidéo beat them all des années 80 comme Final Fight ou Double Dragon. Ça vous inspire ?
Pas du tout, ahah ! Je ne connais rien du tout aux jeux vidéo, désolé. Ceci dit, j'ai adoré regarder mes potes jouer à des jeux vidéo comme ceux dont vous parlez. Ça a sûrement joué dans la vision que je donne de la bagarre dans City of Darkness.
Et dans les années 80, les salles d'arcade pouvaient avoir mauvaise réputation : c'était vu comme des endroits de perdition, un peu comme la Kowloon de votre film...
Je faisais plutôt partie des mauvais garçons qui les fréquentaient !
Vous avez déjà adapté un manga avec Coq de combat en 2007...
Oui, et ce n'était pas une expérience satisfaisante pour moi. J'étais très jeune et je ne savais pas quelle était la bonne façon de passer d'un manga à un film. J'ai essayé d'être fidèle visuellement et ça ne marchait pas. Je le regrette, maintenant. Là, je suis plus mature et je crois que je sais ce que j'ai fait : garder les personnages, leurs relations, et respecter le cœur et l'esprit de la BD. L'histoire a été pas mal modifiée. Le décor aussi.
La BD d'origine est très... exubérante et colorée, disons. Pleine de jeunes gens très beaux. Ce n'est pas vraiment le cas dans votre film.
Oui, mais si l'on copie les looks des personnages tels quels dans le film, ça devient ridicule, risible ! C'est du cosplay (rires). Un film doit être plausible visuellement, et se connecter au public. Comme la BD d'origine n'était pas située temporellement, placer le film dans les années 80 est le choix artistique le plus important, à mon avis.
Pourquoi ?
Parce que c'est vraiment à ce moment que le destin d'Hong Kong s'est joué, avant la rétrocession de 1997. Ce destin se mêle à celui des personnages, et à celui de la « cité emmurée ». Le lieu de l'action et les protagonistes sont indissociables.
Justement, le personnage principal est un sans papiers -et les réfugiés jouaient un rôle crucial dans Limbo...
Oui ! Je suis moi-même un étranger à Hong Kong, j'ai pu vivre les difficultés que les immigrants et les outsiders pouvaient vivre. Leur volonté de s'intégrer, les luttes de pouvoir entre natifs et extérieurs... Epouser le point de vue d'un étranger qui cherche à s'intégrer à la « cité emmurée » est ainsi un bon moyen pour que le public s'identifie au scénario.
Si l'on cherche une connexion entre Limbo et City of Darkness, c'est le décor : la poubelle géante-purgatoire de Limbo, et Kowlonn la « cité emmurée ». de City of Darkness. Vous êtes d'accord ?
Ça remonte peut-être à l'enfance, en fait. J'avais onze ans quand je suis arrivé à Hong Kong. La première impression que j'ai eue de la ville, c'est celle d'un endroit extrêmement sale. Chaotique. Très, très bruyante. Trop de bruits, partout ! Je crois peut-être que je veux reproduire cette première impression de Hong Kong dans mes films. En tous cas depuis Limbo.
Comment avez-vous fait pour engager le légendaire Sammo Hung ?
Ce n'était pas si dur, en fait. Notre budget était très limité mais le projet lui a beaucoup plu. On a tout fait pour ne pas lui prendre trop de temps... Même avec son expérience, et sa maîtrise des arts martiaux, il a scrupuleusement suivi les directives des cascades de l'action director Kenji Tanigaki. Il n'était pas très en forme : il a des problèmes aux genoux, donc il nous a quand même demandé de ne faire que des chorégraphies d'action avec les mains.
Désolé pour ses genoux, mais ça donne une super idée de cinéma : Sammo Hung qui passe son temps assis...
(Il éclate de rire) Mais c'est naturel pour lui de rester assis ! C'était un très grand honneur de tourner avec lui. Je suis fan de lui depuis que je suis tout petit. Son film Carry On Pickpocket (1982) est un vrai chef-d'oeuvre d'action comedy, il fait référence au Chaplin de La Ruée vers l'or dedans. Si vous ne l'avez pas vu, foncez.
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