On a classé les meilleures nouvelles séries de l'année télé qui s'achève. Une année riche en créations marquantes, de Sambre à D'Argent et de sang, en passant par le Esterno Notte de Marco Bellochio, le choc de La Chute de la maison Usher ou l'événement The Last of Us. Laquelle sera numéro 1 de notre top ?
20) One Piece (sur Netflix)
Les fans de Monkey D. Luffy ont eu une bonne surprise à la rentrée : la version live action du célèbre manga d'Eiichirō Oda n'a pas été la catastrophe annoncée. Elle a même plutôt été une réussite. Un excellent divertissement sous la forme d'une comédie d'aventure amusante, capable de quelques jolies prouesses visuelles, tout en respectant l'oeuvre originale. Iñaki Godoy n'est pas pour rien dans cet heureux dénouement. L'acteur mexicain a su s'imprégner de la douce folie contagieuse du jeune pirate perché de One Piece. Suffisamment pour ne pas perdre les fans en route. Suffisamment pour inciter Netflix à remettre des pièces dans la machine.
19) Hijack (Apple TV+ / et aussi sur Canal + en France)
Il n'y a plus de pilote dans l'avion... mais il y a Idris Elba ! Un réjouissant petit thriller aérien, au pitch d'une simplicité redoutablement efficace : un avion volant vers Londres est détourné. Un groupuscule de terroristes, visiblement britannique, a réussi à introduire des flingues à bord. Il a pris en otage les 200 passagers innocents. L'excellent scénariste anglais George Kay (Lupin) a pensé la prise d'otage en temps réel. La bonne idée en plus, qui fait grimper le curseur du stress à mesure que le vol de 7 heures s'approche de la piste d'atterrissage.
18) Acharnés (Netflix)
La série produite par A24 défie toutes les attentes. Après un coup de klaxon énervé, Steven Yeun et Ali Wong se courent après, se font du mal et se rapprochent pour mieux se déchirer dans une comédie noire sur le mal-être du XXIe siècle. Ce qui commence comme une comédie loufoque de vengeance compulsive se transforme lentement en une exploration presque philosophique des tourments humains contemporains. Et Acharnés n'hésite pas à aller loin dans l'introspection.
17) A Spy among Friends (HBO / sur OCS en France)
Une discrète série d'espionnage historique venue d'Angleterre, qui raconte l'histoire vraie de Kim Philby, agent du MI6, qui a joué double jeu pendant des décennies, au nez et à la barbe de ses supérieurs britanniques, avant de s'enfuir en URSS au début des années 1960. Une légende à peine croyable, qui a inspiré nombre de romanciers (dont John le Carré) et qui prend vie ici dans un pas de deux mené avec une classe épatante par Guy Pearce et Damian Lewis.
16) La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé (Canal +)
Xavier Dolan s'essaye au petit écran et fait mouche, encore une fois. Une mystérieuse nuit de 1991, le destin d'une famille est scellé. Trente ans plus tard, Mireille Larouche revient dans sa ville natale dans le seul but d'embaumer sa propre mère récemment décédée. La fratrie se retrouve autour du cadavre, remuant au passage un passé qui cache un lourd secret... Un thriller psychologique à la tension extrême, qui nourrit un récit choral d'une fascinante étrangeté porté par un casting 100 % québécois et ultra talentueux.
15) Cœurs Noirs (Prime Video)
Le réalisateur Ziad Doueiri a voulu une caméra au plus proche de l'action. Un peu comme si un reporter suivait cette troupe des Forces Spéciales françaises coincée en Irak. Une plongée en immersion au cœur des combats contre Daesh, avec l'ambition d'offrir quelque chose de très visuel aux spectateurs. Le résultat est à couper le souffle. Hyper réaliste, Cœurs Noirs est une brillante série française, d'une rare intensité. Une pure série d'action qui se penche moins sur la moralité de la guerre que sur l'angoisse vécue de l'intérieur.
14) Polar Park (Arte)
Bienvenue dans la cité la plus froide de France ! Mouthe, petit village d'un millier d'âmes du Doubs, au fin fond de la Franche-Comté et à quelques encâblures de la Suisse, sert de décor glacé à ce thriller givré pas tout à fait comme les autres. Une nouvelle version du film Poupoupidou (sorti en 2011 au cinéma) toujours portée par Jean-Paul Rouve en duo avec Guillaume Gouix. Leur chasse au serial killer n'est pas une tartufferie grotesque. C'est un polar à l'ambiance surréaliste pleinement assumée, entre thriller sinistre et comédie stylisée. On ne sait jamais trop sur quel pied danser. Un drôle de mixe entre Fargo et Twin Peaks qui fonctionne à merveille.
13) Platonic (Apple TV+ / et aussi sur Canal + en France)
De prime abord, il s'agit d'une énième réflexion autour de cette question existentielle : un homme et une femme peuvent-ils seulement être amis ? Mais Seth Rogen et Rose Byrne - le duo de Nos Pires Voisins - sont en symbiose parfaite dans cette douce comédie adulte, plus platonique que romantique, mais terriblement attachante. L'actrice australienne dévoile des trésors de bouffonnerie qu'on ne lui connaissait guère, tandis que lui joue sa classique partition d'ado attardé drôlement efficace. Avec tendresse et beaucoup de finesse, le cinéaste Nicholas Stoller dresse le portrait de cette puissante amitié sur un fil.
12) Salade Grecque (Prime Video)
Xavier (Romain Duris) cède la place aux jeunes. Ou plus exactement, à ses enfants, Mia et Tom, en pleine découverte de la vie à Athènes, prenant de plein fouet la crise migratoire. Mettant de côté Ouzo et Sirtaki, Cédric Klapisch a réussi un joli tour de force : ramener dans la série l'essence de ses films, cette atmosphère fraternelle pétillante, dans un joyeux bordel ambitionné comme un commentaire sur le monde actuel, tout en restant incroyablement pertinent ! Pour parvenir à dresser un nouveau portrait de la jeunesse, 20 plus tard, le réalisateur a eu la lucidité de ne pas essayer de l'analyser seul, du haut de ses 61 ans, mais a fait appel à un pool de scénaristes trentenaires, en phase avec leur époque. Si bien que tout sonne juste. La nouvelle bande d'Européens est irrésistible, charmante et attachante, tandis que les anciens de L'Auberge espagnoles passent une tête pour quelques apparitions jouissives.
11) The English (BBC / sur Canal + en France)
Une lady anglaise (Emily Blunt) débarque au far west en quête de vengeance, avec ses belles robes et sa winchester, et se retrouve à faire équipe avec un indien retiré de l’armée (Chaske Spencer). La nouvelle création d’Hugo Blick nous plonge dans un western baroque et picaresque, à la narration déroutante. Magnifiquement filmée, finement écrite et brillamment interprétée, The English nous tient en haleine pendant six épisodes jusqu’à son dénouement choc. L'un des OVNIS télévisuels de l'année.
10) The Curse (Paramount +)
Si vous devez vous abonner à Paramount+, c’est surtout pour The Curse, l’objet sériel le plus frappadingue de l’année : ce sommet d’étrangeté et d’humour malaisant réunit Emma Stone, Nathan Fielder et Benny Safdie dans une histoire mêlant télé-réalité, gentrification, micropénis, greenwashing et malédiction supposée. Une expérience que les amateurs de curiosités et de vertiges existentiels ne peuvent pas se permettre de louper.
9) Esterno Notte (Arte)
Le grand Marco Bellocchio, auteur notamment du Traitre, ausculte avec cette mini-série de six épisodes les contours de l’enlèvement du leader politique Aldo Moro par les Brigades Rouges en 1978. L’italien avait déjà traité cet épisode traumatique de l’histoire italienne avec son long-métrage Buongiorno Notte (2003). Le format sériel lui permet d’alterner les points de vue et de sonder les enjeux politiques, psychologiques mais surtout intimes de cette tragédie. Portée par une mise en scène aussi limpide que complexe, cet Esterno Notte est d’une intensité fiévreuse.
8) Silo (Apple TV+ / et aussi sur Canal + en France)
10 000 âmes ont investi un réservoir souterrain. Dehors, l'air est irrespirable. Empoisonné. Impossible de sortir dans cette nature post-apocalyptique, sous peine de mort imminente. Alors pour préserver ce qu'il reste de l'Humanité, les habitants du Silo ont appris à accepter cette existence claustro-tragique, depuis des décennies, depuis des générations. Sans même remettre en cause leur réalité, ils survivent dans cette enceinte de béton à la hiérarchie aussi verticale que leur monde... Comme toute bonne chronique SF qui se respecte, Silo interroge notre société en passant par la métaphore dystopique. L'espace fermé et contraint permet de questionner notre rapport à l'ordre établi et en sous-texte, évoque l'interminable lutte des classes. Un combat pour la liberté exacerbé ici par l'atmosphère claustrophobique d'une scénographie survivaliste somptueuse et ses décors massifs à la brutalité spectaculaire. Avec l'excellente Rebecca Ferguson pour mener la réflexion.
7) Tout va bien (Disney +)
Parler de la leucémie chez l'enfant, sans tomber dans l'effroyable et l'insoutenable. C'est le pari réussi de cette chronique familiale écrite avec beaucoup de justesse par Camille de Castelnau et portée par Virginie Efira. La scénariste du Bureau des légendes raconte l'extraordinairement injuste avec une sensibilité saisissante. Malgré l'angoisse, la souffrance, les combats, il faut bien continuer à vivre, à exister, pour ne pas se laisser écraser par une douleur insurmontable. Faisant toujours un pas de côté pour rester dans une émotion à laquelle on peut s'identifier, l'écriture passe magistralement à travers l'évidence du pathos, pour trouver son ton, parfois improbable.
6) La Chute de la maison Usher (Netflix)
Le créateur de Hill House signe une nouvelle série fracassante sur Netflix. Une tragédie grecque aux allures de jeu de massacre, dans une adaptation moderne et maline d'Edgar Allan Poe. Prenant pour cible une entreprise pharmaceutique ayant fait son succès sur un anti-douleur responsable de millions de morts, la série se transforme en pamphlet cinglant contre la famille Sackler (déjà épinglés violemment dans Dopesick et Painkiller), créateurs de l'OxyContin et responsables de la crise des opiacés en Amérique. Chaque épisode tue avec fracas l'un des enfants Usher, tout en s'emparant d'une nouvelle de Poe. C'est sanglant, souvent effrayant et parfaitement jubilatoire. La variante horreur de Succession qui nous manquait.
5) Gen V (Prime Video)
The Boys réussit son entrée à la fac ! Conservant l'esprit fun et trash, son ton scabreux (ce pénis géant...) et une passion certaine pour l’hémoglobine, Gen V n'est pas seulement un calque ado de l’originale. L’idée est ici de raconter un pur récit d’apprentissage et dans cette Université des Supes, les super-pouvoirs sont autant de paraboles des troubles adolescents : Marie doit se mutiler avec un objet tranchant pour utiliser le sien ; Jordan est capable de changer de genre instantanément, ce qui dérange ses parents ; Emma doit payer de sa personne pour parvenir à rétrécir… Tout ça devrait en théorie être parfaitement lourdaud, mais le casting et l’écriture beaucoup plus pointue qu’elle n’en a l’air permettent à Gen V de dépasser le cadre du teen drama de base, en rendant très visuels des problèmes et des questionnements purement psychologiques. Et en plus on se marre !
4) Sambre (France 2)
Adaptée d’une (sidérante) enquête signée de la journaliste Alice Géraud, cette mini-série signée Jean-Xavier de Lestrade (Laëtitia) est un true crime qui a choisi de fictionnaliser la traque d’un violeur en série au début des années 80 dans le Nord de la France. A la fois puzzle judiciaire, péan pour les victimes et description minutieuse d’une société pas si lointaine où les femmes n’étaient jamais entendues ni écoutées, Sambre est une nouvelle déflagration qui impose un peu plus de Lestrade comme l’un des grands auteurs de la fiction judiciaire française.
3) Tapie (Netflix)
Laurent Lafitte est bluffant sous la perruque. 7 épisodes qui refont le mythe, rejouent l'histoire et déconstruisent la légende avec de la distance, du respect et une évidente fascination. Le parcours extraordinaire de ce fils d'artisan issu du monde prolétaire, qui a forcé au pied de biche son entrée dans la bourgeoisie, est juste incroyable. Au sens littéral. Tellement dingue, qu'on a du mal à imaginer que tout ça ait vraiment eu lieu. Et pourtant. D'aspirant chanteur de variétés à patron de l'OM à ministre de Mitterrand, en passant par entrepreneur aux idées loufoques ou capitaine d'industrie à succès, l'histoire de Bernard Tapie est une success story qu'il fallait raconter... jusqu'à sa chute, un soir de 1993, dans le bureau du procureur de Valenciennes. Un final en apothéose pour une grande série française.
2) The Last of Us (HBO / sur Prime Video en France)
Tout simplement la meilleure adaptation de jeu vidéo jamais produite. Certes, la concurrence n'était pas folle, mais cette version sérielle du jeu vidéo a réussi à s'imposer comme une grande fable post-apocalyptique sur le sens moral, faisant passer Pedro Pascal au rang de superstar. Craig Mazin (Chernobyl) et Neil Druckmann (réalisateur et scénariste du jeu) ont parfaitement réussi à rendre l'esprit du matériel d'origine tout en sachant l'ajuster aux codes télévisuels. Le résultat est à la hauteur des (énormes) attentes générées par le projet. Un western moderne, qui se vit comme une histoire de survie dans la veine de La Route (le roman de Cormac McCarty) et qui jongle admirablement entre le blockbuster post-apo ultra addictif et le drame humain poignant. Et au détour d'une histoire d'amour absolument bouleversante, celle de Bill et Frank, The Last of Us a réussi à nous offrir l'un des plus beaux épisodes de série qu'on ait vu depuis longtemps.
1) D'argent et de sang (Canal +)
L'arnaque du siècle et la série de l'année ! Xavier Giannoli s'empare du scandale lié à la taxe carbone, cette fraude à la TVA qui a coûté des milliards d'euros. Le cinéaste des Illusions perdues signe un polar financier captivant qui oscille entre comédie humaine et casse du siècle. Face à un Ramzy habité en délinquant de Belleville qui veut prendre sa revanche sur les beaux quartiers - et prendre un paquet de pognon au passage - il y a Vincent Lindon, insondable enquêteur de l'ombre, redresseur de torts jusqu'au-boutiste, prêt à aller au bout du monde pour stopper la magouille et sauver l'Etat français, malgré lui. Un récit exaltant, d'une puissance sociologique épatante. Sans jamais chercher à sur-expliquer la technique financière derrière la combine (on croit qu'on comprend un peu, mais en fait....), Giannoli vise le thriller rutilant qui explore la folie d’un capitalisme vorace, à la fois somptueusement lyrique et froidement réaliste.
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