Alphonse, jean dujardin
Prime Video

Création de Nicolas Bedos incarnée par Jean Dujardin, cette étude de mœurs sur la filiation et le rapport aux femmes se heurte inévitablement à la froide réalité, celle des accusations d'agressions sexuelles portées à l'encontre de son réalisateur.

Faut-il parler d'Alphonse ? Prime Video sort aujourd'hui en catimini les 3 premiers épisodes (sur 6) de sa toute nouvelle série originale française. Une étude sociale autour d'un pauvre type malheureux, qui revit en couchant, pour de l'argent, avec des femmes riches et âgées. Abandonné par sa mère, élevé par un père libidineux, et écrasé dans un mariage sans passion, Alphonse va retrouver l'envie d'exister à travers son métier de gigolo et ce plaisir qu'il apporte quotidiennement à ses clientes.

Jean Dujardin incarne avec une force étonnante cet anti-héros de l'amour, jamais vraiment charmant, jamais vraiment pathétique, mais souvent émouvant. Un retour au petit écran tout en fissures, qui montre à quel point l'acteur a évolué, 20 ans après son dernier rôle régulier à la télévision (dans Un gars, une fille). Avec une volonté transgressive assumée, voire martelée, Alphonse est un portrait d'homme complexe, nourri par toutes les obsessions de Nicolas Bedos : le poids de l'héritage familial, son rapport au père et à la filiation, et plus spécifiquement son rapport à la sexualité.

Alphonse
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Et c'est là où la série se heurte à un mur. Les affaires judiciaires qui poursuivent actuellement le réalisateur derrière Alphonse empêchent absolument de détacher l'œuvre de son auteur. Nicolas Bedos a été mis en examen en juin dernier pour agression sexuelle sur une femme, en boîte de nuit. Dans la foulée, une autre enquête a été ouverte pour viol et agression sexuelle après que trois autres femmes ont porté plainte à son encontre. Dans ces circonstances, comment prendre de la distance pour regarder une série comme Alphonse, abreuvée de thématiques aussi intimes, en la décorrélant des accusations qui poursuivent son créateur ? Comment accepter son tableau social, suggérant en filigrane le mal-être de l'homme moderne ? Le fait qu'Alphonse soit une bonne ou une mauvaise série n'a finalement plus vraiment de sens et on en vient surtout à se demander si, dès le départ, elle devait être diffusée.

Prime Video justifie dans le journal 20 Minutes avoir décidé de sortir la série, malgré tout, parce que "c'est à la justice d’établir les faits et nous respectons le principe fondamental de présomption d’innocence". Mais le malaise est indéniable - devant et derrière l'écran - et renforcé par cette sortie en catimini sur la plateforme, sans promo ni interview. Dans un contexte différent, Alphonse aurait été, sans aucun doute, l'un des événements streaming de cette fin d'année. Elle restera comme une œuvre infiniment embarrassante jusqu'à sa conclusion, le 2 novembre prochain. Le procès de Nicolas Bedos, lui, aura lieu en février 2024.