Jadis reines des cinémas de métropole, elles feraient face à une vague de désabonnements qui, si elle se confirme, enfoncera d’un cran toute l’industrie.
« Le sujet est tabou, je vous rappelle demain matin » ; « C’est le secret le mieux gardé de la profession… » Enquêter sur l’effondrement supposé des abonnements illimités donne un peu l’impression de faire tomber la Cosa nostra – toutes proportions gardées, quand le capo di tutti capi s’appelle UGC ou Pathé. Mais l’omerta est la même : les principaux intéressés (les réseaux émetteurs des cartes) se refusent froidement à tout commentaire, et leurs vassaux (les cinémas partenaires) sont contractuellement empêchés d’en fournir. Ce que l’on sait, c’est que la part des cartes illimitées dans le volume global de billets achetés en France est tombée d’un peu plus d’un cinquième entre 2020 et 2021, selon une enquête du CNC : de 8,7 % en 2020 à 6,9 % en 2021. Même si les chiffres de 2020 sont anormalement dopés par la pandémie (les cinéphiles, donc les encartés, sont les premiers à être revenus au cinéma), la baisse demeure si l’on compare aux années pré-Covid, qui stagnaient autour de 8 %. Elle serait surtout en train de s’intensifier en 2022, selon des témoignages d’exploitants constatant la fuite à même le tiroir-caisse ; mais aussi selon le CNC, qui a laissé circuler le chiffre alarmant de « - 30 % » et qui, contacté, le maintient en précisant tout de même qu’il s’agit d’une estimation de crise.
Coup dur
Le public jeune est soupçonné d’être celui qui a le plus jeté sa carte. « On a bien vu ces dernières années que les réseaux luttaient pour séduire les jeunes, avec des promos éphémères qui sont devenues permanentes », explique un programmateur anonyme (omerta, on vous dit…). Avec une explosion des abonnements au streaming, une stagnation (restons polis) des budgets étudiants, et une attractivité des cartes forcément très dégradée par les mois de fermetures de 2020 et 2021, l’équation est tragiquement simple. Ce sont ses conséquences à long terme qui sont compliquées : « Forcément, la fréquentation va en prendre un nouveau coup. » Un de plus.
Théo Ribeton
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