Adaptation d'une nouvelle de l'auteur de Morse, Border nous a mis une belle claque.
Il y a un adjectif qui revient sans cesse dans les versions françaises des textes d'H.P. Lovecraft, ce grand écrivain de l'indicible et de la trouille cosmique : "blasphématoire". Un mot fourre-tout qui n'est jamais bien défini, mais qui recouvre sous la plume d'HPL des pratiques pas franchement réjouissantes pour l'esprit humain. Et si on se mettait à braquer un coup de projecteur sur le blasphématoire ? Si on montrait un peu frontalement les monstruosités que ce puritain de Lovecraft jouait à dissimuler sous ses métaphores ? C'est un peu ce qui anime le réjouissant Border, film venu de Suède et projeté à Cannes à Un certain regard. Un réjouissant film fantastique, réjouissant parce que justement blasphématoire. Le cinéaste Ali Abbasi nous fait regarder sous le tapis en nous faisant découvrir un univers jamais vu sur grand écran. Border est adapté d'une nouvelle de John Ajvide Lindqvist, l'auteur de Laisse-moi entrer, adapté au cinéma par Tomas Alfredson sous le titre français Morse en 2009. Morse replaçait magistralement le thème du vampire autour des amours d'enfance, des brimades et de la violence scolaire ; Border se situe dans le même univers (la monstruosité dans la belle Suède) et traite donc de Tina -Eva Melander, absolument géniale sous son maqullage-, une jeune femme au physique disgracieux et primitif (imaginez Jim Morrisson en fin de vie), agent des douanes douée d'un flair littéralement surnaturel pour repérer les fraudeurs. Elle va faire un jour une drôle de rencontre, et... Et c'est tout, parce qu'on ne va pas vous en dire plus tant Border carbure en bon film à twist à la surprise et au suspense (il y a même une intrigue policière, et particulièrement crade, d'ailleurs). Mais sachez que Border s'envisage en fait comme un mélange profondément choquant mais profondément cohérent d'X-Files, de Freaks, de mythologie profonde et de X-Men (mais oui), tout en restant foncièrement radical et original. Un film-frontière puissamment fantastique (sur la lisière entre le monde réel et un autre monde fantôme), absolument blasphématoire mais d'une logique, et d'une beauté, implacables. Un choc de cinéma. Un vrai.
Présenté au Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard, Border n'a pas encore de date de sortie mais a un distributeur français.
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