Nagisa Oshima est un cinéaste japonais né le 3 mars 1932 à Kyoto et décédé le 15 janvier 2013. Célèbre pour ses films Nuit et Brouillard au Japon, L'Empire des sens, Furyo, Max mon Amour ou encore Tabou, Oshima a toujours créé le scandale en bousculant la vieille société conservatrice japonaise. Il est l'un des réalisateurs japonais les plus importants du XXème siècle.
Orphelin de père à l'âge de six ans, il passe sa jeunesse à Kyoto, aux côtés de sa mère et de sa sur cadette. Il fait des études de droit et de politique à l'université de Kyoto, d'où il sort diplômé en 1954, année même où il entre aux studios d'Ofuna de la Shochiku. Il y devient assistant réalisateur, notamment avec Yoshitaro Nomura et Masaki Kobayashi et Hideo Oba, jusqu'en 1959. Il écrit alors onze scénarios originaux, publiés dans la revue des assistants de la Shochiku, ainsi que des critiques cinématographiques, axées entre autres sur les films de La Nouvelle Vague.En 1959, la compagnie lui permet de tourner son premier film Une ville d'amour et d'espoir / Le garçon vendeur de colombes, suivi immédiatement de Contes cruels de la jeunesse, et de l'Enterrement du soleil (1960), films au sujet et au style neufs et énergiques qui le désignent comme l'un des chefs de file de la nouvelle vague de la Shochiku, avec Yoshida et Shinoda.Mais son film suivant, Nuit et brouillard au Japon (1960), intitulé ainsi en hommage au film d'Alain Resnais, tourné pratiquement à l'insu de la Shochiku, et traitant d'un sujet politique brûlant puisque lié aux évènements violents de 1960 concernant le renouvellement du traité nippo-américain et ses retombées politiques, cause un scandale. Prétextant l'assassinat du dirigeant socialiste Inejiro Asamura lors de la sortie du film, la compagnie le retire de l'affiche après seulement quatre jours d'exploitation.
Oshima, cinéaste indépendant
Oshima quitte la Shochiku avec fracas et, tout en poursuivant diverses activités littéraires, aborde la production indépendante avec le Piège / Une bête à nourrir, 1961, d'après Kenzaburo Oe. Mais l'échec commercial d'un film produit par la Toei en 1962, Le Révolté, consacré à la révolte des chrétiens au XVII siècle, le réduit au silence pendant trois ans, ce qui lui permet de faire de la télévision (notamment avec Une armée oubliée, 1963) et d'écrire de très nombreux articles.C'est vers 1965 qu'il refait vraiment surface au cinéma, ayant créé sa propre compagnie indépendante, la Sozo-Sha, avec l'aide de sa femme, l'actrice Akiko Koyama, qu'il a entre-temps épousée. Il tourne alors plusieurs films, plus ou moins scandaleux, qui s'attaquent à divers tabous du Japon moderne, en particulier le sexe et le crime, deux de ses thèmes récurrents, tout en renouvelant radicalement le langage cinématographique des films progressistes des années 50 : l'Obsédé en plein jour (1966), A propos des chansons paillardes japonaises (1967), Été japonais : double suicide contraint (id.), et surtout La Pendaison (1968), film traitant d'une façon très personnelle du problème coréen au Japon, en recourant à "l'imaginaire sartrien" (selon son auteur même), et qui révèle son nom en Europe.
Oshima et L'Empire des sens
Poursuivant dans cette voie, Oshima tourne encore Journal d'un voleur de Shinjuku (1968, en hommage à Jean Genet), Le Petit Garçon (1969), Il est mort après la guerre (1970), et surtout La Cérémonie (1971), sorte de film-somme retraçant 25 ans d'histoire du Japon à travers le destin éclaté d'une famille patricienne. Pourtant, le déclin des productions indépendantes à la fin des années 60 se précise, et, après Une petite sœur pour l'été, Oshima dissout sa compagnie et pense alors abandonner le cinéma.C'est paradoxalement grâce à la collaboration d'un producteur français, Anatole Dauman, qu'Oshima peut tourner ce qui deviendra son plus grand succès international, L'Empire des sens (1976), basé sur un fait divers scandaleux de 1936, et dans lequel il s'attaque délibérément au tabou du sexe et aux censeurs, en filmant pour la première fois au Japon des scènes de sexe non simulées. La sortie du film au Japon, en version émasculée (si l'on ose dire), provoque un long procès, gagné en partie par le cinéaste. Il tourne encore L'Empire de la passion (1978, prix de la mise en scène à Cannes), sorte de complément du précédent.
Mentor de Kitano
Dans Furyo (1983), il s’intéresse aux différences entre les cultures britanniques et japonaises en mettant en scène David Bowie en prisonnier de guerre, captif des japonais sur l'île de Java durant la Seconde Guerre mondiale. Mettant également en scène Takeshi Kitano, le film, pour ses références sado-masochistes, créé une nouvelle fois le scandale au pays du Soleil Levant. Trois ans plus tard, avec Max mon amour (1986), il crée une nouvelle fois la polémique en dépeignant une histoire d'amour entre une femme (interprétée par Charlotte Rampling) et un chimpanzé prénommé Max.Il faut ensuite attendre l'année 1999 pour retrouver Nagisa Oshima derrière la caméra, pour son dernier film et dernier chef d'oeuvre : Tabou, qui met une nouvelle fois en scène Takeshi Kitano. Cette fois, il aborde le thème de l'homosexualité dans l'armée japonaise, autant dire que le film créa une nouvelle fois la polémique au Japon.Mais par la suite, Oshima est frappée par la paralysie, ce qui l'éloigne définitivement des plateaux. Le 15 janvier 2013, il succombe à une infection pulmonaire à l'âge de 80 ans.