Première
par Stephanie Lamome
Paris Hilton peut aller raccrocher sa mini, la Party Girl de cette année, celle qui va tout déchirer, c’est Angélique Litzenburger. Elle a 60 ans, une voix de gamine, des cheveux en pagaille, du maquillage pour quatre et elle entend toujours plaire et faire la fête till the end of the night. Depuis quarante ans, elle gagne sa vie en buvant du champagne avec des hommes dans un cabaret à la frontière allemande mais aujourd’hui, les clients ne se bousculent plus au portillon. Michel, son plus fidèle habitué, amoureux depuis belle lurette, lui propose de l’épouser. Et si elle essayait de se ranger ? Et si elle essayait d’être une mère « normale » pour ses quatre grands enfants, voire une grand mère ? Samuel Théis, l’un des trois co-réalisateurs et coscénaristes, raconte ici l’histoire de ce phénomène qu’est sa mère, jouée par « la vraie » Angélique, sans jamais la juger, sans mépris ni condescendance ni fausse tendresse amusée. Elle est généreuse et égoïste, libre et irresponsable, romantique et légère, elle a 60 ans et 15 ans tout à la fois. Il aurait pu en faire un documentaire (d’ailleurs, les enfants sont joués par les vrais enfants et le reste du cast est non professionnel – tous formidables) mais la puissance de feu romanesque d’Angélique est telle qu’il en a fait une fiction entre comédie romantique pas tout à fait rose et drame social jamais gris : le sublime portrait d’une vieille petite fille qui a décidé de ne pas être raisonnable.
À 60 ans, Angélique est toujours entraîneuse dans un cabaret à la frontière allemande, par nécessité et par goût même si, avec l’âge, les clients se font plus rares. Quand le plus fidèle d’entre eux la demande en mariage, le ticket de sortie semble idéal. C’est du moins ce que son entourage semble penser. Il y a quelque chose de profondément impudique dans ce portrait de la mère de Samuel Theis, l’un des trois réalisateurs de "Party Girl". D’autant que les rôles principaux sont tenus par les véritables membres de la famille, y compris la petite sœur qui a grandi dans une famille d’accueil. Mais par miracle, de ce matériau autofictionnel au potentiel racoleur, le trio formé à la Fémis parvient à tirer une sève des plus délicates. Pas de condescendance misérabiliste sur les classes populaires en terres lorraines à regretter ici, ni d’apitoiement sur le quotidien a priori sordide d’une d’entraîneuse. On trouve au contraire la palette d’un vibrant mélodrame : des couleurs, d’abord, dès la belle scène d’ouverture dans le monde du strip-tease, dont les teintes tamisées et les corps nimbés d’étincelants lasers verts refusent obstinément d’être glauques ; des rires aussi, qui tutoient parfois le trivial avec légèreté ; et des larmes, notamment lors d’une bouleversante scène de retrouvailles entre Angélique et sa fille, qu’elle n’a pas élevée. Bref, ça déborde de vie, de chaleur et de bienveillance, sans refuser les nuances et les questionnements. Pourquoi Angélique devrait-elle quitter sa joyeuse bande de copines si c’est pour se « ranger » avec un homme attentionné, certes, mais dont elle n’est pas sûre d’être éprise ? Jusqu’au bout, l’héroïne reste libre et imprévisible, à l’instar de ce très poignant premier film.