- Fluctuat
Prenez un jeune couple charmant, Fielding Pierce (Billy Crudup) et Sarah Williams (Jennifer Connelly), plongez-le dans la tourmente de l'ambition et animez-le des bons sentiments de justice et d'amour du prochain qui font qu'on s'y retrouve, au milieu des pulsions, au pays de la liberté. Qu'on se retrouve tous, et naturellement, portés au bien.
Les intentions étant bonnes par principe, imaginez maintenant, un partage moral de l'humanité selon la plus ou moins grande aptitude des gens à la discipline, mieux, à l'autodiscipline. Vous avez alors la toile de fond, le squelette du Fantôme de Sarah Williams.Dernier rejeton du mythe de l'amour impossible pour cause de Raison d'État imaginé par Shakespeare, le film de Keith Gordon brode pendant 1h40 un somptueux linceul à la possibilité du désir et du plaisir pour ses héros. Il dresse devant nos yeux un monde d'adolescent pré-pubère, qui après avoir fait un pas du côté du jardin défendu, après avoir goûté avec délices et sans dommage, au fruit, retourne à l'innocence du corps abstinent pour ne pas être gêné dans l'accomplissement de son ambition supérieure. La boucle est alors bouclée, c'est la victoire des bonnes intentions qui pavent, évidemment, le chemin de cette ambition, et qui font au corps une guerre qui, pour être sourde et muette, n'en n'est pas moins d'une efficacité redoutable.Tout commence donc par une rencontre. C'est magique nous dit-on. Ils sont jeunes, beaux, ils s'aiment et c'est normal parce qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Cela se transforme en séparation. Mais, pas une séparation d'un genre bas, quelque chose de net, de tranché par la mort de Sarah. Puis se termine en apothéose par la réussite de Fielding Pierce qui est élu sénateur. Au cours de tout cela il est dit que la disparition de Sarah, bien qu'elle le laisse inconsolable, était nécessaire à la carrière de Fielding. De même, on comprend que Sarah n'est peut-être pas morte, mais qu'elle a disparu pour pouvoir mieux, elle aussi, se consacrer au sein d'une communauté chrétienne, à l'aide généreuse qu'elle veut apporter à tous les petits Jésus qui trimballent leur souffrance aux quatre coins du monde.Pour un sujet aussi classique et sans autre surprise que celle du rigorisme qui ronronne en sous-main, la mise en scène de Keith Gordon a la platitude requise. Son film, malgré l'éclat des deux acteurs principaux, en particulier celui de Jennifer Connelly, est gris comme un habit de bonne soeur et déjà rance au moment de sa sortie.Le fantôme de Sarah Williams
De Keith Gordon
Avec Avec Billy Crudup, Jennifer Connelly, Molly Parker
EU, 2001, 1h45.
Le Fantome De Sarah Williams