Tim Burton est un réalisateur américain célèbre pour les films tels que Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d'argent, Ed Wood, Mars Attacks, Sleepy Hollow, Big Fish ou encore Charlie et la Chocolaterie. Il est également connu pour mettre en scène son alter égo Johnny Depp ainsi que sa compagne Helena Bonham Carter avec qui il est resté jusqu'en 2014.
Féériques et lugubres, teintés d'innocence et de lucidité, les films de Tim Burton sont marqués par une ambivalence qui n'appartient qu'à lui. Toujours à la lisière, son cinéma est un gigantesque souvenir, un prisme du passé et de l'ensemble des choses ou des oeuvres qui ont constitué son auteur. Faux ou vrai postmoderniste peu importe, Burton est une mémoire non factuel mais sensible. Il est une anti encyclopédie par excellence, un sentimental ayant bâti son imaginaire sur les films de monstres d'Universal ou de la Hammer. Enfant, ses amis s'appelaient Dracula, Frankenstein ou Godzilla ; ses acteurs préférés se nommaient Lon Chaney ou Vincent Price, à qui plus tard il dédiera un beau et émouvant film hommage. A toutes ces créatures de série B, il leur trouve alors une âme, du coeur, un regard bien plus humain que les humains eux-mêmes. Pour lui, ils sont incompris, des héros solitaires dans un monde inadapté. Burton, le kids de Burbank, banlieue d'Hollywood aseptisée dont plus tard Edward aux mains d'argent donnera une image, n'a jamais complètement délaissé cet ancrage, ce rapport à une enfance et un univers ayant posé les bases psycho esthétiques de son oeuvre, sinon au monde. Chez lui, la fiction et l'imaginaire le plus débridé peuvent être plus réels que la réalité, quand celle-ci est plus fantastique que l'illusion. Les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit, et le mal plus souvent caché derrière une apparence des plus innocentes. Ainsi le conte, avec ses symboliques parfois cruelles, son éternel horizon onirique aux images mouvantes, demeure encore et toujours le motif favori de Burton. Cette douce et à la fois inquiétante imagerie du conte chez Burton se charge aussi bien d'un folklore macabre et gothique pour enfants digne d'Halloween (squelettes, toile d'araignée, monstres en tous genre) que d'un versant plus troublant, qui la complète. D'où la beauté étrange de son oeuvre, son universalité aussi. Gosse de Californie élevé à la télévision et au cinéma n'ayant jamais pris plaisir à la lecture (encore aujourd'hui), Burton s'est construit son univers dans un rapport intertextuel et personnel aux autres. Très vite chez lui l'image s'est imposée, par la réalisation de petits films en Super 8 : The Island of Doctor Agor (un film de savant fou) ou Houdini, qu'il tourna alors qu'il était au collège pour détourner la commande d'une fiche de lecture ; par le dessin aussi, qui le poussa à intégrer la Cal Arts, faculté fondée par Walt Disney. Au sein de cette école servant de pépinière au célèbre studio d'animation, Burton prit conscience qu'il y avait moyen là de gagner sa vie. En signant Stalk of the Celery Monster, l'apprenti cinéaste intégra ainsi la maison mère de Blanche Neige, qui allait alors connaître les heures les plus troubles de son histoire. Toute cette période où Burton travailla pour Disney fût teintée de hauts et de bas. Déprimant comme jamais en participant à la conception de Rox et Rouky, artiste concepteur renié sur Taram et le chaudron magique, il y trouvera toutefois l'opportunité inespéré de réaliser deux courts-métrages inoubliables, Vincent (1982) et Frankenweenie (1984).Dans ces films, dont Disney ne sera alors que faire, Burton posera les fondations de son univers artistique. Ils seront aussi de grande déclaration d'amour à l'animation image par image, révélant un goût pour les conceptions artisanales, les matières, quelque chose de vivant. A la fois mélange d'expressionisme et hommage aux films d'horreur, fantastique, de monstres et autres adaptations d'Edgar Allan Poe ou relecture du Dr Seuss, avec lesquels Burton a grandi, Vincent comme Frankenweenie seront deux oeuvres définitivement personnelles. Nouvelles aussi, par leur ton et rapport à une histoire du cinéma dont pourtant la génération Spielberg, avec Joe Dante, a déjà montré la voie. Elles feront éclore une sensibilité, un rapport affectif pour un monde, des ambiances, une esthétique et des figures jusqu'ici tolérées comme des produits populaires. Burton leur donnera une certaine poétique, un supplément d'âme métissé avec le livre pour enfants et la jouissance propre au matériau créatif - soit manière de le sublimer tout en les désignant. Rétrospectivement, il sera le pionnier d'une certaine réhabilitation de tout un pan que la cinéphilie, dite sérieuse, refusait alors de voir. Si ces courts-métrages ne connurent alors pas un grand succès, ils comptent désormais comme deux pièces maîtresses et matrices dans l'oeuvre de Burton. Qui avec Frankenweenie prenait place pour la seconde fois derrière une caméra : deux ans plus tôt, il héritait en effet d'une adaptation d'Hansel et Gretel (1982, TV), où par l'emploi d'un casting japonais et un mélange entre prise de vues réelles et images par images, il rendait hommage à Godzilla. Ce téléfilm, diffusé en seconde partie de soirée sur Disney Channel, ne marquera alors évidemment pas les esprits.Les débuts du conte de féeConte de fée encore : après avoir quitté Disney, Shelley Duvall propose à Burton de tourner un épisode de la série Faerie Tale Theatre. Le jeune cinéaste hérite ainsi d'une adaptation d'Aladin, avec James Earl Jones et Leonard Nimoy. Le résultat sera inégal, mais toutefois formateur en attendant le tournage de Pee Wee Big Adventure (1985) que la Warner lui propose sans hésiter. Burton n'est alors connu de personne sauf de quelques amateurs ayant vu Frankenweenie ou Vincent. Ce premier long métrage sur les aventures du personnage inventé par Paul Rubens est donc un premier galop d'essai. Le film sera un succès mais recevra un accueil critique catastrophique. Peu importe, le cinéaste imposera déjà sa marque, son imaginaire, son attachement pour l'animation. Il lui permet surtout d'entamer Beetlejuice (1988), comédie horrifique délirante où sa palette se déploie enfin sans limites. A contre courant des balises du genre, le film est un carnaval de visions aux images instables, une oeuvre à l'humour noir, macabre et aux effets spéciaux volontairement désuets (amour des matières toujours). On comprend alors mieux de quel côté se place Burton, définitivement proche de ces bestiaires où l'horreur est toujours source de jouissance, d'amusement ou d'affection. Son succès donne confiance à la Warner qui lui confiera son premier gros budget, une adaptation de Batman (1989). Véritable phénomène à sa sortie, notamment par l'emploi d'une campagne marketing sans précédent, le film délaissera totalement l'ambiance kitsch et pop de la série télé, préférant une esthétique emprunte de gothique (mais étrangement pop la fois), proche de Bob Kane (créateur de Batman) et des relectures par Alan Moore et Frank Miller.S'accaparant l'univers dont il hérite, signant chaque image de son empreinte, le moindre personnage prenant sa voix, Batman devient le premier film de super héros d'auteur. Sa suite, Batman : le défi (1992), montant d'un cran ce parti pris : personne ne sera dupe que Burton se sent plus proche de Catwoman et surtout du Pingouin, grand personnage de monstre tragique pour lequel il éprouve une empathie évidente. Amis des créatures de l'ombre et autres laissés pour compte dont il illumine l'humanité, il signera entre deux Batman son chef d'oeuvre, son film peut-être le plus personnel aux côtés d'Ed Wood (1994) : Edward aux mains d'argent (1990). Tragi-comédie romantique avec en vedette Johnny Depp, son futur acteur fétiche, le film imposera définitivement l'univers burtonien. Relecture de Pinocchio où Gepetto prend les traits, réels, de Vincent Price, il révèlera plus encore ce rapport à une cinéphilie filtrée et sublimée par le souvenir. Propulsé dans une banlieue aux allures de Burbank, son beau personnage, naïf et fragile, capable à la fois de créer et détruire par ses mains où des ciseaux ont remplacé les doigts, est un double de Burton, son alter ego. Il est l'étranger que chacun veut définir par sa bizarrerie, son anormalité, quand ceux qui le jugent ont des traits et un caractère autrement plus monstrueux. Dès lors, naît aussi une certaine vision de l'Amérique et ses valeurs, un certain sens de la caricature également, qui fait naître un peu d'horreur dans la réalité, sinon une forme de misanthropie. Enveloppé dans son écrin de conte, Edward aux mains d'argent est une dédicace à tous ceux qu'on considère à la marge. Burton leur donnant une place, un moyen d'exister et paraître dans toute leur complexité.Après le succès, imprévisible, de L'Etrange Noël de Mr Jack (1993), projet de longue date dont il confie la réalisation à Henry Selick, Burton rend avec Ed Wood ce qui restera son hommage le plus appuyé, mais sincère, au cinéma dont il s'est nourri durant ses premières années. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'en est pas l'instigateur et pendant en temps, il ne doit que le produire. Après coup, la filiation entre les deux cinéastes paraît si évidente, qu'il est difficile d'imaginer un autre que lui pour le tourner. Il en découlera un film profond et sensible, d'une grande maturité, avec un regard en osmose parfaite avec son sujet. Burton sait ce que valent les films d'Ed Wood, considéré selon la légende comme le plus mauvais réalisateur de tous les temps. Mais il comprend mieux que personne l'intégrité de l'homme, son dévouement, sa générosité, cette capacité et cette foi presque aveugle à produire des images. Il y a chez lui un certain sens artisanal dépassant les contingences, une manière de faire naître une esthétique avec rien, et surtout un optimisme délirant, proche du déni de réalité dans lequel Burton se retrouve. Ce sera aussi la seconde et fructueuse collaboration entre l'auteur et Johnny Depp, ici à son sommet. Deux ans plus tard, alors que ses sentiments envers l'Amérique sont de plus en plus mêlés, étranges, jusqu'à le pousser vers des pulsions anarchiques, le scénario de Mars Attacks ! tombe à point nommé. Inspiré d'une série de cartes à jouer et des films de science fiction des 50's, il deviendra un grand et joyeux défouloir cartoonesque où Burton règle ses compte avec acidité. Hélas, comme Ed Wood qui fut un flop à sa sortie, le film sera un échec sur son territoire. Seul le public européen, peut-être mieux à même de saisir l'insolence de ce pastiche de l'Amérique, lui rendra grâce.Bye bye noirceur ?Après avoir retrouvé l'univers gothique qui a fait son succès sur Sleepy Hollow (1999), où plus que jamais ses influences cinéphiles se manifestent au grand jour, Burton prend le public au dépourvu en signant un remake de La planète des singes (2001). Le cinéaste, qui depuis L'étrange noël de Mr Jack a eu un impact définitif sur toute une génération d'apprentis illustrateurs (l'ayant énormément recyclé), semble alors s'éloigner de son imaginaire. On juge qu'il n'est pas à sa place, qu'il s'égare. Certains attendant visiblement qu'il se répète quand ils lui auraient reproché si tel avait été le cas. Pourtant La planète des signes, avec ses allures de blockbuster calibré, sans référence au conte ni féérie baroque, demeure un film de Tim Burton. Loin de tout folklore macabre et en respectant son récit, le cinéaste reste fidèle à lui-même. Dans ce monde inversé, il s'intéresse comme toujours à la perception de l'autre, à qui est le monstre de qui. Mais ne restera qu'un sentiment mitigé, l'impression que l'auteur se cherche. Ce que ne démentira pas Big Fish (2003), malgré un accueil beaucoup plus chaleureux. Le film, personnel, miracle d'équilibre mélangeant comme jamais la simplicité au prodige, baigne en effet dans un optimisme candide, parfois mièvre qui ne plaira pas à tout le monde. C'est que le cinéma de Burton change, sa vie personnelle aussi depuis son concubinage avec l'actrice Helena Bonham Carter. Une certaine noirceur paraît alors s'éloigner de son oeuvre, soudainement plus polie, lumineuse. Mais ce virage ne sera que provisoire et déjà Charlie et la Chocolaterie (2005), derrière ses apparences de film pour enfants, cachera un regard emprunt d'une vraie méchanceté.Un peu engoncé dans l'illustration de l'univers visuel qu'il a imposé avec Les Noces funèbres (Id), film d'animation dans l'esprit de L'étrange Noël, Burton bouclera la décennie en tournant une adaptation de Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street (2007), comédie musicale macabre et gore dont il confie à nouveau le rôle à son ami Johnny Depp. Quoiqu'inégal, maladroit ou terne dans sa mise en scène, le film impressionne par sa vision, sombre, ambiguë et d'une misanthropie poussée à son paroxysme. Burton a rarement été aussi loin dans la noirceur, jamais ses obsessions n'ont été à la fois si nettes et contrastées, ambivalentes. Si l'auteur montre alors ses limites de concepteur visuel, qui certes s'autodétruit lorsqu'on lui retire ses décors (l'espace du film est restreint, presque épuré) ou son folklore pop macabre, il gagne toutefois en profondeur, en complexité narrative. Paradoxalement prix au piège de son imaginaire et libéré, Burton témoigne ici des contraintes propres à son univers tout en les élargissant de l'intérieur. S'il approfondit ainsi le coeur de son cinéma, il en délimite également les contours : par la difficulté aussi à se renouveler ou explorer de véritables nouvelles pistes, sans doute trop tenté par un éternel et rassurant retour au conte avec Alice au Pays des merveilles (2010), ne semble pas déroger. Bien au contraire, en signant pour Disney cette adaptation de Lewis Caroll, Burton prend le risque de définitivement s'enfermer. A moins qu'il ne trouve l'essence même de son oeuvre. Celle que le festival de Cannes a décidé de saluer en 2010 en lui offrant les honneurs de présider la compétition officielle. Le gamin solitaire rêvant de série Z a fait son chemin.Tim Burton affaibli ?Il réalise ensuite Dark Shadows avec Johnny Depp, un film qui manque cruellement de force avant de revenir à ses débuts en réalisant le long-métrage d'animation Frankenweenie. Le film est nommé à l'Oscar du meilleur film d'animation.En 2014, il revient à la prise de vue réelle avec Big Eyes, un film sur l'artiste Margaret Keane porté par Amy Adams et Christoph Waltz. C'est fin décembre de cette année qu'on apprend également que le réalisateur se sépare de sa compagne depuis 13 ans, Helena Bonham Carter. Ensemble, ils ont deux enfants : un fils, Billy et une fille, Nell.