On sortait à peine de l'enfance. Nos héros au cinéma s'appelaient Rocky Balboa, John Rambo ou Terminator. Sur les murs de nos chambres de teenagers gavés sans scrupules à une culture américaine enfin débridée, des posters de nos stars : Stallone avec un regard de dément et ses muscles obscènes brandissant une mitrailleuse lourde, Schwarzenegger derrière ses lunettes noirs, les cheveux en brosse, une arme de calibre inconnue au poing. C'était le milieu des années 80, sur lesquelles les deux acteurs règnent en maître, de toute leur stature bodybuildée, redéfinissant le culte d'un homme nouveau, athlétique jusqu'à l'hypertrophie. Une époque des corps solides, des masses stables pour contrebalancer l'incertitude des seventies et ses chairs malades. Le temps des surhommes, des nouveaux gladiateurs dominant le cinéma d'action américain, dont il ne laisse les miettes qu'aux bouffons, aux comiques : Le Flic de Beverly Hills, L'Arme fatale. L'homme machine (Schwarzenegger surtout) séduit, impressionne, c'est un conquérant, son succès est mondial, il faudra attendre Bruce Willis piégé dans le Nakatomi Plaza par John McTiernan pour le détrôner. Il laisse dans l'ombre les vestiges d'une autre époque, Chuck Norris, l'ex champion en arts martiaux que Bruce Lee rencontrait en duel dans le final mémorable de La Fureur de Vaincre, se coltine des sous Rambo (la série Portés disparus) qui n'ont rien compris à l'original en tentant désespérément de sauver la face d'un pays vaincu. Hollywood n'a alors pas encore récupéré Hong-Kong, et le cinéma d'arts martiaux ne s'est jamais remis de la mort de Bruce Lee dont pourtant les teenagers du monde entier ne cessent de se passer les exploits en boucle sur leur magnétoscope VHS flambant neuf. Kung-fu, karaté, wu-xia pian pour les initiés, tout ça n'est plus connu que des rats de vidéoclub (les rayons obscurs et poussiéreux avec ces jaquettes fantasmatiques), au mieux de quelques cinéphiles avertis et peu dogmatiques. Au cinéma, on confine le genre aux dernières salles de quartier passant des copies usées pas renouvelées depuis la fin des seventies. Au mieux quelques Jackie Chan, devenu superstar dans toute l'Asie, débarquent chez nous avec un doublage improbable, mais peu importe ça fait rêver. Hollywood envoie néanmoins régulièrement de ses nouvelles : middle eighties, tandis qu'John G Avildsen tourne le premier Karaté Kid, les producteurs Menahem Golan et Yoran Globus (la fameuse Cannon) inventent la mode du Ninja. Elle se déclinera en une pléthore de série B qui feront les beaux jours de vidéo clubs : la franchise American Ninja sera son fer de lance, Michael Dudikoff et Sho Kosugi ses héros. Fantasme à bas prix d'un exotisme occidentalisé avec un quota martial ridicule. Peu importe, les kids n'y voient que du feu du moment que le costume et les shurikens répondent présent. Les ninjas seront partout, du cinéma au jeu vidéo (Ninja Gaiden, Ninja Warriors, Shinobi...). Le genre conserve alors son image de vestiaire, de poster pour club d'arts martiaux, il ne sent pas très bon, on lui préfère les bulldozers américain, plus propres, plus sains. C'est dans ce paysage que débarque de Bruxelles un jeune immigré bien décidé à faire ses preuves : Jean-Claude Van Damme. Avant de devenir une légende controversée, autant adulée avec une affection sincère par des amateurs respectueux et lucides de son oeuvre, que raillée par les médias qui le traitera comme un bouffon pour ses formules invraisemblables (et certaines, c'est vrai, sont impayables), Jean-Claude passe la première partie de sa vie en Belgique. Ses parents, fleuristes, le poussent à faire des arts martiaux lorsqu'il a douze ans tandis que lui s'intéresse plutôt à la musique classique et la peinture. Tout en prenant également des cours de danse et en se mettant au culturisme, il suit sa formation martiale avec assiduité sous l'égide de Claude Goetz , son entraîneur. Après avoir abandonné l'école à 17 ans, il gravit les échelons dans sa discipline, le karaté. Mais si Jean-Claude est alors promis à une belle carrière sportive, sa trouille de la compétition fera qu'il ne remportera aucun championnat, pas un seul titre. Après un voyage à Hong-Kong et quelques allers-retours entre son pays et les Etats-Unis, Van Damme décide d'ouvrir une salle de sport à Bruxelles tout en travaillant pour la boutique familiale. Le temps passe, maussade, gris, insatisfaisant, Jean-Claude rêve d'ailleurs, il rêve de cinéma, il rêve d'Hollywood, de cette Amérique qui l'a tant fasciné. Comme à la belle époque, il décide alors de tout plaquer et de s'envoler pour les Etats-Unis après un bref passage à Paris et une vague figuration dans Rue Barbare (Gilles Béhat, 1984), adaptation à coups de chaîne de vélo d'un roman de David Goodis. JCVD débarque sur la terre promise avec deux mille dollars en poche, ridicule. Il ne parle pas un mot d'anglais, gravir le sommet d'Hollywood promet d'être une tache difficile. Mais il est têtu, tenace, obstiné, ambitieux, rien ne le détournera de son objectif. Il exerce alors de multiple petits boulots : livreur de pizza, gardien de parking, poseur de moquette, chauffeur, et même coach de Chuck Norris, qu'il entraîne sur Porté Disparus (Joseph Zito, 1984), un premier pas timide dans le monde du cinéma. Qu'il prolonge avec Monaco Fever (William A.Levey, Id), un navet de 48 minutes où il joue un invraisemblable karateka gay. Deux ans plus tard, dans l'attente d'un succès et parce qu'il faut bien faire un peu ses preuves, il accepte les rôles de bad guy dans deux série B promises à une carrière en vidéo : Karate Tiger (Corey Yuen, 1986) et Black Eagle, l'Arme absolue (Eric Karson, 1988). Les films ne connaîtront pas un succès dans l'immédiat, personne n'a alors remarqué l'agilité étourdissante et le charisme du jeune belge inconnu. Il faut aussi admettre que les oeuvres sont deux nanars indiscutables, et que Van Damme a un temps de présence à l'écran très limité. Karate Tiger n'aura d'ailleurs droit en France qu'à une sortie tardive, lorsque la machine à succès sera déjà en route. Il faut justement la lancer, cette machine, il manque à JCVD le véhicule idéal, le film qui installera sa légende par la promotion de ses capacités physiques hautement cinégéniques. Après avoir quitté le plateau de Predator (John McTiernan, 1987), parce que le costume de la créature qu'il devait jouer n'était pas à sa taille, Jean-Claude recherche cette opportunité la nuit dans les rues de Los Angeles, à la sortie des boîtes de nuit, des restaurants, où il pourrait croiser la bonne personne, au bon moment. C'est ainsi qu'un soir il croise le producteur israélien Menahem Golan, l'homme qui a lancé les American Ninja, souvenez-vous. Prêt à tout, Van Damme prend l'homme au dépourvu avec une petite démonstration martiale ponctuée de son célèbre coup de pied sauté. Impressionné, le producteur lui tend sa carte. Le lendemain, comme le veut la légende, JCVD vide son sac devant Golan, il lui raconte sa vie, son arrivée aux Etats-Unis, son ambition, ses galères, un vrai mélo. Le producteur lui tend alors un script, Bloodsport, un simili biopic d'un certain Frank Dux dont il sera le héros aux côtés de Forest Whitaker. Van Damme accepte et part quelques mois plus tard pour Hong Kong. Le tournage sera difficile. Son réalisateur, Newt Arnold (66 ans au compteur), d'habitude assistant, est largué. Les capacités martiales des athlètes sont très limitées. Le premier montage est un massacre, Golan pense ne pas le distribuer. Désespéré, Van Damme se propose alors de remonter le film en se concentrant sur l'action. Le résultat va au-delà des espérances du producteur, Bloodsport devient très vite la nouvelle référence du genre.JCVD devient une star instantanément. Plus beau, plus jeune, plus véloce qu'un Chuck Norris vieillissant préférant jouer les réacs dans Walker Texas Ranger, il fait le pont entre l'Asie et Hollywood tout en ringardisant d'un seul coup les bagarres encore pépères d'un Richard Donner. Ses capacités martiales, impressionnantes, ridiculisent les Ninja d'opérette que produisent pourtant aussi Golan et Globus, avec qui Van Damme est sous contrat pour ses films suivants (peu de temps avant leur banqueroute) : Kickboxer (Mark DiSalle et David Worth, 1989), un film de tournoi sympathique dans la lignée de Bloodsport ; et Cyborg (Albert Pyun, Id), un nuke movie crados plus inspiré du manga et animé Hokuto no Ken que de Mad Max. Une réussite du genre. Suivront des films à concept ou univers : Full Contact (Sheldon Lettich, 1990) pour le fantasme des combats clandestins ; Coups pour Coups (Deran Sarafian, Id) revisitant le film de prison version musclée ; Double Impact (Sheldon Lettich, 1991) et la figure du jumeau que JCVD reprendra plus tard dans Risque maximum et Replicant (Ringo Lam, 1996-2001) ; Universal soldier (Roland Emmerich, 1992) où dans un univers SF d'habitude plutôt réservé à Schwarzenegger il se bastonne avec Dolph Lungren ; Cavale sans issue (Robert Harmon, 1993), tentative de sortir des canons balisés du film d'action qu'il a installé en privilégiant l'intrigue et l'émotion tout en convoquant Rosanna Arquette au casting. En 1993 Van Damme est une star incontournable. Ses films n'explosent pas les box-office mais remportent des succès non négligeables. On commence alors à entendre parler d'un certain John Woo, un prodige hongkongais qui aurait révolutionné le cinéma d'action avec des films comme The Killer (1989) et A toute épreuve (1992), dont la sortie française fût un électrochoc. Après lui plus rien ne sera comme avant. Ça tombe bien, toujours à la recherche d'un rebond artistique et du réalisateur qui donnera une crédibilité à son travail, JCVD profite du flux migratoire des cinéastes hongkongais en partance pour Hollywood (intimidés aussi par la rétrocession de 1997) pour devenir la star du premier film américain de John Woo : Hard Target (Chasse à l'homme, 1993). Double véhicule promotionnel, le film se présente comme une carte de visite baroque et outrancière aux allures de western dégénéré. John Woo use de ses effets de style à l'excès, à la limite de la parodie, les admirateurs de sa période hongkongaise sont sceptiques, ceux de JCVD hésitent. Après avoir rebasculé dans la SF avec Timecop (1994), du très inégal Peter Hyams (Outland, 2010) qu'il retrouvera sur Mort subite (1995), et avoir osé l'adaptation calamiteuse du jeu vidéo éponyme Street Fighter (Steven E de Souza, 1994), Van Damme tente à nouveau de s'imposer par l'intermédiaire de ces cinéastes hongkongais qu'il admire. Avec Ringo Lam, si on met de côté le médiocre Risque maximum, l'acteur trouve parmi ses plus beaux rôles et un réalisateur avec qui il noue une solide amitié : In Hell (2003) et surtout Replicant, série B quasi métaphysique explosant les limites du Van Damme Movie, comptent parmi les oeuvres les plus réussies du cinéastes hongkongais. Avec Tsui Hark, l'entente est moins évidente, le cinéaste est plus difficile, plus chinois aussi, il quittera vite Hollywood. Dans Double Team (1997), leur premier film en commun, Tsui Hark est visiblement dépassé par les conditions de tournage, son casting, et un projet invraisemblable qu'il transforme en météorite hybride et indigeste. Par esprit de vengeance il ramène JCVD sur ses terres dans leur seconde et dernière collaboration, Piège à Hong-Kong (1998), où en plus d'offrir au comédien un rôle hilarant (ridiculisé il se plie à toutes les humiliations), Tsui Hark signe son dernier chef d'oeuvre, un manifeste de pulvérisation cinématographique. Mais les succès d'estime que seuls quelques critiques ou cinéphiles lui accordent ne suffisent pas. JCVD va progressivement tomber dans le ghetto du cinéma d'action dont il avait réussi à sortir dix ans plus tôt. Après une première réalisation très mitigée, Le Grand tournoi (1996), où il commence à avoir le nez un peu trop dans la poudre, les navets estivaux vont s'enchaîner : Légionnaire (Peter MacDonald, 1998), Universal Soldier: le combat absolu (Mic Rodgers, Id), Inferno (John G. Avildsen, 1999), The Order (Sheldon Lettich, 2001)...Au début des années 2000 sa côte de popularité (artistique et au box office) s'effondre, il rejoint vite son cousin Steven Seagal sur les rayonnages des vidéo club. Seuls quelques geeks bouffeurs de DVD osent encore regarder ses films, par ironie ou réelle sympathie pour un acteur en plein déclin. Van Damme est alors rentré dans la zone rouge qu'il avait jusqu'ici toujours frôlé, celle du direct-to-video avec ses éternels tâcherons aux commandes, ses moyens ridicules, ses tournages dans les pays de l'Est où des mafieux font des figurants très crédibles. Bref, du cinéma à la limite du blanchiment d'argent pour actionner au rabais, la pire des voies de garage. A cette même époque, Jean-Claude devient le guignol préféré des médias qui n'en finissent pas de se bidonner de ses aphorismes plus mystiques et mystérieux que la Cabale juive. Son « aware » rentrera dans le langage courant, son vocabulaire même fera l'objet d'un livre. Revers de la médaille : cette popularité n'en fini pas d'enterrer sa crédibilité artistique, déjà au fond du trou. Ses films sont désormais rarement distribués en salles (The Hard Corps, 2006- ou Trafic Mortel, 2008- , entre autres, sortent directement en vidéo), et leur qualité n'en finit pas de baisser, déjà qu'elle n'était pas au top. Pourtant Van Damme ne cesse d'être lucide sur sa carrière, ses échecs, et de le répéter sans que jamais personne ne l'écoute. Tout ce qu'il dit est désormais déformé, c'est un bouffon. Pris au piège d'un cercle vicieux auquel il se plie parfois en doloriste, il poussera la perversité du système jusqu'à entretenir cette image de l'intérieur en devenant sa propre caricature : une apparition dans son propre rôle dans le nullissime Narco (Tristan Aurouet et Gilles Lellouche, 2004), ou encore une série de publicités pour un opérateur de téléphone mobile où il s'auto parodie. Bref, Van Damme est victime de sa propre légende, de son personnage, de ses excès, qu'il entretient avec un certain sens de l'amour propre très particulier. Pourtant, si on creuse, on trouve une certaine cohérence dans ce destin plus tragique que pathétique. Après L'Empreinte de la mort (Philippe Martinez, 2004), où pour la première fois la critique saluait son interprétation dramatique (preuve d'un certain malentendu, on attend qu'il fasse du médiocre actor studio pour l'applaudir), il aura fallu attendre le drôle de projet deMabrouk El Mechri, JCVD (2008) pour qu'enfin l'acteur trouve un film et un réalisateur pleinement conscient de ce qu'il représente. Un film entre le portrait et l'essai réflexif où l'acteur joue son propre rôle, bien loin de ses films d'action et plus proche du cinéma américain des années soixante-dix. Sans doute le plus grand hommage qu'on pouvait lui faire et le rôle de sa vie, en attendant la suite.
Nom de naissance | Jean-Claude Van Damme |
---|---|
Naissance |
(64 ans) Berchem-Sainte-Agathe, Brussels, Belgium |
Genre | Homme |
Profession(s) | Acteur, Interprète, Voix Off VF |
Avis |
Biographie
Filmographie Cinéma
Année | Titre | Métier | Rôle | Avis Spectateurs |
---|---|---|---|---|
2018 | Lukas | Acteur | Lukas | |
2015 | Universal Soldier : Le Jour du Jugement | Acteur | Andrew Scott | |
2015 | Full Love | Réalisateur | - | |
2015 | Trafic Mortel | Acteur | Jack Robideaux | |
2012 | Expendables 2 : unité spéciale | Acteur | Jean Vilain |
Filmographie Série
Année | Titre | Métier | Rôle | Avis Spectateurs |
---|---|---|---|---|
2016 | Jean-Claude Van Johnson | Acteur | - | |
2015 | Point d'impact | Acteur | - | |
2015 | In Hell | Acteur | - |
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