"Il est très animal et c’est un film très animaliste", ajoute-t-il
En salles depuis le 27 décembre, Vermines est le tout premier long-métrage de Sébastien Vaniček, après plus d'une décennie à travailler son esthétique choc en réalisant plusieurs courts-métrages et une mini-série. En le rencontrant, nous avons eu à faire à un jeune cinéaste ambitieux et prônant l'importance du plaisir pris dans la fabrication du divertissement. Le film raconte une invasion d'araignées mortelles dans une cité de banlieue parisienne. Pas impossible qu'il y en ait une ou deux qui s'invitent sous votre siège au cinéma !
Première : Avant Vermines, vous avez commencé par réaliser plusieurs courts-métrages et une mini-série, vous avez rencontré des gens qui vous ont connu avec vos premiers films ?
Sébastien Vaniček : C’est plutôt des gens de notre génération qui ont vu ce que je faisais avant, surtout à partir du moment où j’ai travaillé avec Jérôme [Niel]. Il les a partagés sur ses réseaux et ça a été un peu plus vu. Après y a la cinquantaine d’autres courts-métrages que personne ne verra jamais et qui resteront dans mes tiroirs. C’est marrant quand ces gens-là découvrent Vermines, ils me disent “on voit la griffe de tes courts qui est déjà là”. C’est trop flatteur, parce que c’est mon objectif de carrière, qu’on puisse reconnaître mes films par la griffe.
Effectivement vous avez une esthétique forte et affirmée dès les premiers courts, c’est votre formation de cinéma ?
SV : Ouais, carrément ! Et puis c’est comme ça que j’ai aussi constitué mon équipe, J’ai fait les courts avec les mêmes personnes avec qui j’ai bossé sur le long. On a grandi ensemble, on a mûri ensemble, on a chacun évolué dans notre métier. Avant, j’étais pas réalisateur professionnel, je bossais à côté dans des trucs qui n’ont rien à voir. J’étais un peu frustré de bosser à Super U ou Disneyland. Mais j’avais la niaque, on avait ces rendez-vous réguliers pour faire des films ensemble et eux croyaient dur comme fer en moi. Quand j’ai vraiment pu atteindre ce “Graal” qu’est le long-métrage et que je leur ai dit : “les gars on y est”, ils ont percuté qu’au moment de tourner. Ils vont tous être là à l’avant-première ce soir et c’est un véritable accomplissement. C’est quand même extraordinaire et il y a une histoire vraiment belle là-dedans. Je suis trop content.
Ce sont les mêmes personnes, exactement la même équipe qu’à vos débuts ?
SV : Ouais, on est arrivé avec une vingtaine de personnes et on a rajouté des postes qu’il n’y avait pas sur les courts. Par exemple, on n’avait pas de scripte avant. En se rajoutant à l’équipe de départ, ils ont immédiatement épousé l’énergie du groupe. Ils ont vite compris notre façon de tourner. Ça a créé une super ambiance sur le plateau, on a pu faire beaucoup plus que ce qui était prévu, on est allé plus loin et tout le monde s’est investi à fond. Donc c’était vraiment un énorme kiff de bosser avec eux, mais ce sont les mêmes depuis le début, effectivement.
Vous privilégiez beaucoup la dynamique de bande ?
SV : Des gens qui travaillent bien y en a plein, des gens qui sont bons y en a plein. Mais des bons êtres humains y en a pas beaucoup et moi je veux uniquement m'entourer de gens comme ça. J’aime trop ce métier pour m’entourer de gens qui vont me prendre la tête et j’en ai pas besoin surtout. C’est un énorme jeu, on fait le plus beau métier du monde, on est là pour rendre les gens heureux, qu’ils sortent d’une salle en disant “j’ai kiffé, j’ai passé un bête de moment.” Du coup quelle est la meilleure manière de le faire qu’en s’amusant nous-même ? Je vais essayer toute ma vie de poursuivre ce but, je vais faire des erreurs à droite et à gauche mais je vais essayer de maintenir ce modus operandi.
Cette ambiance de bande, elle se ressent beaucoup dans le jeu des acteurs…
SV : Quand ils sont arrivés et que je les ai castés, je voulais les meilleures personnes pour épouser l’énergie de mon groupe, tout en choisissant des bons acteurs bien entendu. C’est ma bande avec qui je fais ces films et c’est hors de question d’avoir un acteur qui fasse la star et que ça sape l’énergie parce que ça donnera pas un bon résultat. On a eu de la chance de créer ce groupe et je voulais faire un film universel qui parle à toute une génération, du coup il fallait des gens qui soient le plus représentatif. Heureusement ça a très bien matché entre eux, avec moi et du coup on a créé cette bande qui se sent à l’image.
Effectivement vous filmez Jérôme Niel, acteur et humoriste qui vient de YouTube et qui est représentatif d’une génération. Vous avez pensé tout de suite à son rôle pour Vermines ?
SV : Ouais, on le connaît très bien avec Flo [Florent Bernard, le scénariste], c’était le seul qui avait un rôle déjà écrit pour lui. J’avais envie de montrer une facette pas connue de Jérôme. On le connaît ultra nerveux, ultra dynamique et survolté et on voulait montrer sa douceur, sa discrétion, parce que dans le privé, c’est pas le même. C’est le seul qui n’a pas d’arc, son personnage n’évolue pas. Il est déjà héroïque au début, mais son drame c’est de ne pas être écouté et pris au sérieux par les gens qui l’entourent. Il aura son moment de gloire et c’était super touchant de donner ça à Jérôme qui est quelqu’un qui soigne les gens par le rire. Il fait beaucoup de bien à beaucoup de monde en les faisant rire. Donner ça dans le film de manière un peu plus douce et plus discrète je trouvais ça cool, au milieu d’un film qui lui, est survolté.
Et pour les autres acteurs vous aviez déjà vu leur travail avant ?
SV : Théo [Christine] c’était la chair de Vermines, il allait représenter physiquement le film. Il est très animal et c’est un film très animaliste. C’était important qu’il soit lui-même ce corps. Finn [Finnegan Oldfield] il avait passé les castings pour le rôle de Kaleb (joué par Théo Christine) et au bout de cinq minutes je me suis dit que c’était Jordi ! Je réfléchis beaucoup en fonction du physique en fait, j’aime filmer des corps, donc je regarde son déplacement, sa façon de tendre son cou, de bouger sa bouche… Et je me dis “ça pue le Jordi en fait”. Il a une espèce de gestuelle maladroite où il n’arrive pas à se placer et il est constamment en train de faire semblant d’être sûr de lui alors qu’il ne l’est pas. Très vite je lui ai dit “no offense t’es un putain d’acteur mais qu’est-ce que tu penses du rôle de Jordi ?” Par chance il avait très envie de faire le film et il a accepté alors que d’autres acteurs auraient pu dire “non merci” parce que c’est pas le premier rôle. Pour les filles c’était différent parce que c’était le premier film de Lisa [Nyarko] et concernant Sofia [Lesaffre] elle a une carrière discrète avec des seconds rôles qui sont extraordinaires. Elles ont fait des essais de malade, c’était indescriptible en fait. T’as envie de les filmer, elles incarnent quelque chose, ça te touche, ça te fait rire et en même temps elles sont dans le drame à 100%.
Vous avez fait des répétitions avec les acteurs ? Vous les avez mis en situation ?
SV : Avec Lisa et Sofia je leur ai fait faire des essais dans une douche, et il y avait une araignée sur la poignée de douche. Elles ne peuvent pas sortir et elles doivent me jouer l’appel à une copine pour qu’elle vienne l’aider. La personne qui jouait la copine était dans une autre pièce et je lui disais qu’elle devait répondre au téléphone mais jouer celle qu’avait pas le temps, elle est avec des copines au grec d’en bas, elle est en train de rigoler, et des fois elle l’écoute même pas pour faire péter un câble à celle bloquée dans la douche. Ça les mettait dans des tensions tellement extrêmes ! J’étais mort de rire derrière la caméra mais elles, c’était 100% du drame, ça chialait, ça se tirait les cheveux. Ces deux actrices étaient l’énergie de Vermines.
Vous avez coécrit le film avec Florent Bernard qui vient lui aussi de YouTube. Vous l’avez rencontré grâce à Jérôme ?
SV : Ouais c’est ça ! J’avais fait mes courts-métrages et j’admirais la façon qu’il avait d’écrire les personnages. On sait qu’il est drôle, il a écrit La Flamme et Bloqués. Mais ce qu’on sait moins c’est à quel point il crée des personnages sensibles, avec des arcs très intéressants. Quand je l’ai rencontré via Jérôme, Flo avait vu mes courts et il avait adoré donc on s’est compris très vite. Je lui ai dit que j'avais des failles dans l’écriture des personnages. Tout ce qui est tension, action, trois actes, je l’ai, ce qui me manque c’est un peu plus de profondeur, un peu plus de sensibilité. J’ai besoin de quelqu’un pour m’accompagner là-dedans. Et lui il m’a dit “bah moi ce qui me manque c’est la tension, etc…” du coup on s’est dit “gars, on est fait pour bosser ensemble”. On parlait ce matin des pièges à éviter dans les films d’horreur, et notamment le survival, c’est le côté personnage “fonction”. Les personnages qu’on élimine et qui permettent d’avoir des scènes cools et des morts un peu marrantes et après on enchaîne. Au contraire, il fallait qu’on ait peur pour chaque personnage quand je dirigeais les acteurs, c’est un peu ce que je leur disais, c’est-à-dire : "on oublie les araignées, on oublie l’horreur, vous êtes juste entre potes, vous devez survivre et personne ne doit être laissé en arrière." C’est là qu’on chope des choses vraies. On ne savait pas si le film aboutirait et finalement il s’est fait. Maintenant on se lâche pas avec Flo, on continue à faire des trucs ensemble.
Donc la collaboration va se poursuivre…
SV : Vermines 2, avec des serpents ! (rires)
Alors, c’est que le début de Sébastien Vaniček ?
SV : C’était Harry [Tordjman, le producteur] qui me demandait pourquoi je fais du cinéma et en fait le seul moment où tu ne peux pas mentir c’est en termes d’émotions. Tu peux dire “j’ai pas ressenti ça, je suis pas triste, etc…” mais ce que t’as vécu à l’intérieur tu peux pas te le cacher et si t’es triste tu le ressentiras. C’est uniquement devant une œuvre d'art, que ce soit un tableau, une œuvre littéraire ou un film, qu’on ressent des choses vraies. Et faire ressentir des émotions, c'est vraiment mon objectif principal de vie. Et plus le public sera large et enfermé dans une salle où je pourrais le faire réagir à travers les sens, l’image, le son, faire vibrer leur corps aussi, et c’est ce qui me rend heureux !
Comment vous vous sentez à l’approche de la sortie ? Est-ce que vous avez des appréhensions ? Des attentes particulières ?
SV : Ouais ça commence à monter un petit peu, ça y est le film on l’a fait, il est là. On a eu l’adoubement de la profession, celui des critiques et celui des festivals. Le grand public, c’est complètement autre chose. Moi je l’ai fait en pensant à eux, dans le sens où je suis le grand public, je vais mater des films de grand public, des films qui sont des événements et qui sont là pour me divertir. La question reste : "est-ce que j’ai réussi à en faire un ?" Il n’y a qu'eux qui pourront y répondre. Donc je suis un peu… J’attends ça avec impatience, c’est sûr.
Vermines: Un sommet d'horreur made in France [critique]
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