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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

L’ÉVÉNEMENT

YOUR NAME ★★★★★

De Makoto Shinkai

L’essentiel
Le plus gros carton de 2016 au Japon est du cinéma total, transgenre et transcendantal.

D’emblée, Your Name choisit la voie du rêve. De la vision pure. Certains matins, deux adolescents échangent leurs corps. L’un est un citadin cool, l’autre une campagnarde héritière de traditions ancestrales. Il ne faudrait pas aller au-delà de ce  résumé pour laisser à Your Name toute la fraîcheur surprenante de sa narration. Le film tient toutes les promesses de ce pitch,  et bien au-delà.
Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A AIMÉ

DIAMOND ISLAND ★★★★☆
De Davy Chou

Sur la presqu’île de Koh Pich, qui prolonge Phnom Penh, doit s’ériger Diamond Island, un quartier de luxe pour riches touristes en goguette. Venue de la campagne pour l’essentiel, une jeunesse cambodgienne désargentée trime jour et nuit pour donner vie au rêve des promoteurs chinois. Des amitiés se nouent, des amours naissent. Le jeune Bora retrouve son frère aîné, Solei, disparu cinq ans auparavant sans explications. Il lui fait toucher du doigt l’espoir d’un avenir meilleur mais à quel prix ? Le spleen post-ado sur fond de néons violets et de musique electro. Il y a du Spring Breakers dans cette chronique mélancolique de la jeunesse qui convoque aussi le fantôme de Rusty James (le grand frère charismatique et taiseux ; l’ennui comme figure esthétique ; les conflits oedipiens). Des références écrasantes, peut-être inconscientes, dont Davy Chou livre une vision plus poétique que désespérée ou nihiliste. Cela n’empêche pas la lucidité : les néons et les sourires des filles sont d’éternels et de redoutables cache-misère.
Christophe Narbonne

FAIS DE BEAUX RÊVES ★★★★☆
De Marco Bellocchio

Alors que la filmo de Marco Bellocchio est célébrée en ce moment même à la Cinémathèque française (rétrospective jusqu’au 9 janvier), et que son tout premier film (Les Poings dans les poches, 1963), vient d’être édité en DVD, le maître italien, 77 ans, sort en toute discrétion, presque sur la pointe des pieds, l’un des très beaux films de cette fin d’année. Une adaptation d’un best-seller italien (Fais de beaux rêves, mon enfant, de Massimo Gramellini) racontant la longue enquête psychanalytique d’un journaliste traumatisé par la mort mystérieuse et brutale de sa maman alors qu’il était encore en culottes courtes, dans le Turin des années soixante. Entremêlant les époques, Bellocchio encapsule ici un demi-siècle d’histoire ritale (le foot, les curés, la corruption politique, la télé en bruit de fond) sans jamais hausser le ton, composant plutôt une mosaïque de vignettes spleenétiques et sépia, qui laissent les yeux embués et le cœur gros. C’est parfois un peu trop ouvertement sentimental, mais le regard triste du beau Valerio Mastandrea, héros hagard ressassant des souvenirs d’enfance mal digérés (géniales citations de Belphégor), excuse beaucoup de choses. Fais de beaux rêves est une ode envapée à l’amour maternel, quelque chose comme un opéra intime, qui permet de finir 2016 dans un cocon mélancolique et cotonneux. Et sur une conclusion qui nous convient très bien : pour faire de beaux rêves, ouvrir les yeux.
Frédéric Foubert

HEDI – UN VENT DE LIBERTÉ ★★★★☆
De Mohamed Ben Attia

Sur le point de se marier, Hedi subit la loi de son étouffante de mère qui lui a imposé sa future épouse et qui gère toujours son argent de poche. C’est un artiste refoulé (on le voit aux dessins qu’il exécute en cachette) qui bosse comme commercial chez Peugeot où il s’ennuie. Envoyé dans un ville balnéaire pour faire de la prospection, il tombe amoureux de l’animatrice de l’hôtel où il séjourne… Dans une Tunisie qu’on devine post-Printemps arabe (les protagonistes y font allusion comme d’un événement légèrement daté), un jeune homme se cherche. Cette rencontre va-t-elle changer sa vie ? Comme un air de Lost in translation dans ce premier long métrage maîtrisé qui, par petites touches subtiles, instille une mélancolie tenace : les sentiments sont beaux quand ils sont contrariés. Mohamed Ben Attia crée un climat incroyablement romantique entre les deux héros tout en semant le doute dans l’esprit du héros et du spectateur, pas dupe quant à la difficulté de s’extraire d’un destin tracé. Récit d’une émancipation et portrait en creux d’une société stoppée dans son élan progressiste, Hedi – Un vent de liberté souffle le chaud et le froid, à l’image du dernier plan, aussi puissant qu’abyssal.
Christophe Narbonne

 


 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

AMERICAN PASTORAL ★★☆☆☆
D’Ewan McGregor

Pastorale Américaine, le roman de Philip Roth, est l’un des monolithes de la littérature contemporaine, une fresque polysémique, un totem mystérieux ouvert à toutes les interprétations. L’histoire d’un Américain modèle, vivant dans le New Jersey prospère de l’après-Seconde Guerre mondiale, et qui va voir son monde s’effondrer après la mort de JFK et l’engagement US au Vietnam, au moment où des bombes explosent dans tout le pays et où sa propre fille s’engage dans la voie de la contestation radicale. Un roman qui a sans doute pris un sens nouveau aujourd’hui (il date de 1997), à l’heure où des parents déboussolés regardent leurs enfants partir faire le Jihad en Syrie… Pour sa première réalisation, Ewan McGregor a donc décidé de s’attaquer à ce mastodonte. Tranquille. Il s’offre le beau rôle (celui du super papa), et s’invite dans quasiment tous les plans – manière de dire qu’il a été obligé de passer derrière la caméra pour avoir enfin quelque chose d’intéressant à se mettre sous la dent en tant qu’acteur. Le résultat ressemble à un téléfilm de luxe, très carré, très propre, très sage, pas désagréable mais jamais dérangeant, tirant la prose de Roth vers une lecture assez réactionnaire et univoque. Mais cette dimension réactionnaire était d’une certaine manière contenue dans le livre. L’interprétation qu’en fait McGregor n’est donc pas totalement hors-sujet, juste un peu simpliste.
Frédéric Foubert

LE FONDATEUR ★★☆☆☆
De John Lee Hancock

Sur le papier, Le Fondateur raconte une histoire géniale : comment, dans l’Amérique des années cinquante, deux sympathiques frangins californiens se firent voler leur idée de fast-food révolutionnaire par un voyageur de commerce envieux, qui fonda dans leur dos l’empire McDonald’s… Il y avait là matière à une fable retorse à la Social Network, une fresque US amère racontant comment l’esprit des pionniers a été dévoyé par l’ultra-libéralisme. Quelque chose comme le Citizen Kane du burger-frites. Tout est là, en friche, mais John Lee Hancock emballe son film de façon incroyablement neurasthénique, enchaînant les scènes explicatives, loupant les délices de la reconstitution fifties, se perdant dans des digressions interminables (on apprend qu’en plus de voler les bonnes idées des autres, le vilain Ray Kroc aimait aussi chiper leurs femmes). Sur un sujet proche, son précédent film, Dans l’ombre de Mary (qui racontait comment Walt Disney s’était battu bec et ongles pour s’approprier le copyright de Mary Poppins) avait dix fois plus d’allant. Reste la véritable attraction du film, Michael Keaton, toujours aussi étrange et inquiétant, assez remarquable dans sa détermination jusqu’au-boutiste (limite kamikaze) à ne jamais essayer de rendre sympathique ce VRP survolté de la sauce barbecue.
Frédéric Foubert

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

LE CŒUR EN BRAILLE ☆☆☆☆☆
De Michel Boujenah

Marie fait du violoncelle et cartonne à l’école. Victor fait du bruit dans son garage et est un véritable cancre. Ces deux-là vont s’épauler, s’aimer, sans doute. Ah, un détail : Marie perd progressivement la vue. Avec la générosité premier degré qu’on lui connaît, Michel Boujenah signe un portrait de l’adolescence pétri de bons sentiments dans lequel les béquilles (physiques, morales) de chacun sont autant de prétextes pour amplifier le pathos généralisé. Mieux qu’un long discours, une réplique extraite du film : « L’amour sans les mensonges, c’est plus l’amour ».
Christophe Narbonne

L’ÉLAN ★☆☆☆☆
D’Etienne Labroue

Avant Hibou de Ramzy Bedia, il y a eu L’élan (le film date de 2014) : soit l’histoire surréaliste d’un homme (on ne sait pas trop) déguisé en élan qui fait irruption dans une petite ville vendéenne et bouscule les certitudes des habitants. Une bonne idée sur le papier ne donne pas forcément un bon film. L’art de l’absurde nécessite un minimum de rigueur dont manque cruellement L’élan, fable potache aux enjeux existants.
Christophe Narbonne

 

Et aussi

Père fils thérapie ! de Emile Gaudreault

L’ami, François d’Assise et ses frères de Renaud Fély

Passengers de Morten Tyldum

 

Et les reprises de

Rize de David LaChapelle