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Le roman victorien au cinéma semble increvable. Mieux : il n’arrête pas de muter, redynamisé ces dernières années par des cinéastes iconoclastes comme Andrea Arnold (Les Hauts de Hurlevent), Cary Fukunaga (Jane Eyre) ou Thomas Vinterberg (Loin de la foule déchaînée). Qu’on aime ou pas leurs films, tous ont le mérite d’affirmer qu’il y a encore des choses à dire sur les propriétaires terriens tourmentés, la campagne anglaise battue par les vents et les palefreniers sexy. Le débutant William Oldroyd, venu du théâtre, s’inscrit dans cette mouvance-là, via un crochet par la Russie. On s’explique : The Young Lady est l’adaptation d’un roman russe de 1865, Lady Macbeth du district de Mtsensk, déjà adapté par Andrzej Wajda en 1962 (Lady Macbeth sibérienne), et relocalisé ici dans un coin de province british indéterminé. C’est l’histoire d’une jolie jeune fille qui s’ennuie à mourir dans la chambre à coucher où la tient enfermée son mari trop vieux, et que la frustration sexuelle et la haine sociale vont entraîner dans une spirale meurtrière délirante. Le réalisateur tire un bon parti de son budget manifestement modeste, retranscrivant brillamment la tristesse, le dénuement et l’atmosphère glaciale des grandes demeures provinciales du XIXème siècle. Le film s’apprécie comme un crescendo chabrolien, entièrement arrimé à l’extraordinaire visage de poupée boudeuse de son interprète Florence Pugh. Une actrice irrésistible et flippante qui convoque les spectres de Barbara Stanwyck et Gene Tierney.