Toutes les critiques de Sideways

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Il y a quelque chose d'agaçant dans Sideways. Trop d'empathie, d'humanisme, de psychologie, d'acteurs impeccables, d'anti-héros pathétiques qui voudraient mettre tout le monde d'accord. L'académie des Oscars ne l'a d'ailleurs pas raté : le quatrième film d'Alexander Payne est largement nominé cette année.
    Sideways, c'est l'histoire de deux losers, entre crise de la quarantaine et retour express vers l'adolescence, sur fond d'histoires d'amour, de mariage, d'enterrement de vie de garçon, de cul, de rupture, de divorce et de dépression, avec comme décor un road movie pour experts en oenologie sur les routes de Californie. Face à Sideways, quelque chose chuchote sans cesse, là dans le creux de l'oreille, que tout ça on le connaît par coeur, on l'a déjà vu mille fois sans trop savoir dire où ni comment. Que Paul Giamatti retrouve son rôle d'American Splendor un peu inversé (la gloire de l'underground en moins et la littérature à la place du comics) ; que son contraire, Thomas Aden Church interprétant un acteur de sitcom minable, permette à Payne d'inscrire sa figure dans une trajectoire un peu banale ; tels ne sont pas les moindres échecs du film.Giamatti est la tête, l'intellectuel, le dépressif, le divorcé, l'amateur de vins, l'écrivain qu'on ne publie pas parce qu'il a trop de talent. Aden Church est le corps, le beau gosse, l'impulsif, le futur marié qui cherche l'ivresse, l'obsédé qui pense d'abord par son slip avant de s'apercevoir de son erreur, de son immaturité. L'un et l'autre, comme deux compères antinomiques, se complètent. Ils ont à apprendre de leur mal-être respectif. Payne cherche du lien, il veut exposer des caractères faillibles à aimer comme ils sont, avec toutes leurs fêlures, leurs misères, leurs défauts. Mais il y a quelque chose de trop systématique dans ce développement qui dépasse rarement son scénario. Un goût pour une représentation de la vie sans artifice, dont le réalisme trompeur cache pourtant une manipulation grossière de l'émotion. Un peu téléguidé, infiniment prévisible dans la description des sentiments et des situations (le mensonge qu'entretiennent Giamatti et Haden Church sur le mariage de ce dernier allait forcément provoquer une crise, un basculement), Sideways cherche trop la justesse comme s'il forçait le vrai.Payne aime laisser planer quelques silences, montrer les sentiments au moment de leur naissance, comme entre Giamatti et Virginia Madsen, elle-même divorcée, amatrice de vin et qui bien sûr déteste le mensonge. Il veut prendre le temps de nous investir avec ses personnages, que l'émotion naisse au diapason des regards et des gestes et on serait bien tenté de se laisser avoir à ce jeu-là. Qu'est-ce qui se cache derrière ce petit voyage entre amis, ces petites galères qu'on expose entre rire et larmes ? Pas grand chose, un sentimentalisme un peu forcé sur des bases trop quelconques pour convaincre. Sans compter ce caractère prétentieux de Payne, caché derrière l'écrivain génial, qui voudrait trop de hiérarchie entre ses personnages, une certaine forme de snobisme qui ne se dit pas. Puis ces interminables discussions oenologiques, légèrement cryptées, finissent par lasser. Remplacer le vin par la mécanique ou l'informatique, et finalement le film sera identique, à quelques nuances près.Avec Sideways, on en revient sans cesse à ce terrorisme soft de l'empathie envers des caractères pathétiques. Une sorte de chantage à l'humanisme sans échappatoire. Le spectateur est mis en demeure de s'attacher aux personnages, aux caractères, interminable litanie d'un cinéma sans images ni regard, fait uniquement de visages, de prestations, de situations. On aime Giamatti, beau et touchant avec son physique ingrat, ses mimiques exaspérées, sa tristesse romantique de loser, mais à quoi bon ? Le voyage en Californie ? A la rigueur… Les contrastes entre motel, fast food et restaurants gastronomiques qu'on ne sépare jamais vraiment pour montrer l'Amérique dans ses oppositions ? Un peu, mais on savait déjà que si l'Amérique est si belle, c'est parce qu'elle est aussi faite d'un espace virginal devenu territoire habité des contraires de la modernité. Et par ailleurs ? Peu de cinéma à l'horizon. Quelques portraits nuancés à partir d'un guide du parfait loser, et des acteurs plutôt bons. Mais au-delà, il y a peu de choses à retenir de Sideways et de son manuel touristique existentiel.Sideways
    Un film d'Alexander Payne
    Etats-Unis, 2004
    Durée : 2h05
    Avec : Paul Giamatti, Thomas Haden, Virginia Madsen..[Illustration : Sideways. Photo © Twentieth Century Fox France]
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