Première
par Thierry Chèze
C’est un de ces sujets qui font régulièrement la une des médias mais que le temps long du cinéma permet d’approfondir. Quelques mois après le remarquable Still Recording, Pour Sama nous plonge lui aussi à l’intérieur de la guerre civile syrienne. Et ici, « à l’intérieur » ne sont pas des vains mots. Puisque sa coréalisatrice Waad al-Kateab a filmé sa vie de résistante au régime de Bachar el-Assad mais aussi de femme amoureuse et de jeune maman tout au long du siège d’Alep, la bataille la plus sanglante de ce conflit sans fin. Ses images ont d’abord alimenté le site d’une chaîne d’info britannique. Mais une fois qu’elle a dû fuir ce pays devenu invivable pour elle et les siens, elle a décidé d’utiliser les centaines d’heures de rushes inédits pour bâtir un documentaire en compagnie d’Edward Watts, journaliste spécialiste de la question, mais qui n’a jamais mis les pieds en Syrie. Ce duo symbolise ce film et sa puissance. Pour Sama avance tout à la fois le nez dans le guidon mais avec le recul qui ne laisse jamais le profane à sa porte. Il montre les faits de guerre atroce (les images du bombardement de l’hôpital dirigé par le mari de Waad al-Kateab et ses victimes piégées, prises par les caméras de surveillance), mais aussi la joie d’être mère, l’amour qui unit ce couple. Pour Sama est un film unique car il n’aurait pu être fait en l’état par aucun autre. Intime sans être voyeuriste, subjectif sans être propagandiste, pédagogique sans être simplificateur, il a été récompensé de l’Œil d’or, célébrant le meilleur docu de Cannes 2019. Ce jury a eu l’œil et le bon !