- Fluctuat
"Ong Bak" c'est rien qu'une petite fiction du samedi soir, un futur hit des vidéos clubs. Un truc importé de Thaïlande par notre ami cinéphile favori Luc Besson, ce grand traumatisé de culture populaire seventies made in France, des "Charlots" aux "Bidasses" en passant par "Les chevaliers du ciel" et "Michel Vaillant".
Ong Bak. Drôle de nom. Qu'est-ce ça cache ? Evidemment pas grand chose. Simplement le nom d'une tête, celle d'un bouddha, que de vils scélérats sans scrupules viennent voler un jour dans un modeste village. Paumé bien sûr, et dans lequel vit notre héros, celui dont est venu voir les exploits. Le héros, c'est Ting. Il est fort et son coeur est pur. Il n'aime pas qu'on lui cherche des noises. Alors quand ces voleurs, pillant la Thaïlande de ses trésors pour se faire du blé, viennent pour dérober l'idole vénérée par les siens, il se lance sur le champ à leur poursuite pour faire rentrer tout ça dans l'ordre. Avec ses poings.Bien sûr tout ça on s'en balance. Ça n'intéresse à peu près personne. Le filet politique du film (ces vagues mafieux pillant le patrimoine de la Thaïlande c'est quand même pas rien), ces histoires de corruptions, de prostitutions, c'est un beau prétexte. A quoi ? De l'action bien sûr ! Justifiée par une histoire qui veut nous faire croire que notre héros est valeureux, sans peur et sans reproche. L'action c'est pour ça qu'on est là, qu'on a payé notre ticket, et dont on attend la démonstration. Tardant vaguement à arriver après cette mise en place dont le réalisateur se moque, la voilà. Tout Ong Bak repose alors sur les épaules de son comédien, sa star, le nommé Phanom Yeerum (ou Tony Jaa ça dépend). Sportif bonhomme qui défi allégrement les lois de l'apesanteur. Sa capacité de propulsion lorsqu'il se lance sur ses adversaires est hallucinante. La violence avec laquelle son genou atteint une tête haute facilement de deux mètres fait preuve d'une capacité motrice corporelle sidérante. Scindant l'espace comme l'éclair, le corps racé de Phanom Yeerum accapare totalement le plan. La mise en scène étant d'une pauvreté toute dévouée à ses exploits, ne filmant qu'avec un style honnête et à peu près lisible. Ong Bak étant moins un film de Prachya Pinkaew qu'un film pour Phanom Yeerum. Entièrement dévoué à ses prouesses, Ong Bak en devient une approche saisissante du geste et du mouvement, filmé comme de pures trajectoires ultra mobiles et élastiques où se nouent souplesse et brutalité. Bondissant sur ses adversaires avec la bestialité et l'agilité d'un fauve, le corps de Phanom Yeerum ne cesse de jongler entre la grâce du geste et la massivité des coups. Mêlant ainsi des contraires pour mieux développer un art à la foi sauvage et stylisé.Sans être une quelconque révolution d'un genre de sous catégorie habitué des rayonnages poussiéreux, cette fiction Muay Thai (l'art martial en question qu'on y pratique) permet de voir aussi son ambition. Qui n'est rien d'autre que d'atteindre une certaine forme de valeur d'échange afin d'être distribué internationalement. Pari réussi. Mais, malgré les talents d'athlète de Phanom Yeerum, nous sommes loin d'atteindre ceux de Jackie Chan (qui est au cinéma d'action ce que Chaplin était à la comédie - autant dire un génie -, et qui est souvent imité ici lors de certaines cascades). Ni même le charisme et la puissance de Bruce Lee, ou l'agilité et la finesse de Jet Li. Voir encore le style plus impersonnel d'un Chiu man cheuk immortalisé dans The Blade. Pourtant il faut reconnaître à notre homme son originalité, sa puissance et sa violence animale le démarquant de ses cousins. Et si d'Ong Bak on ne gardera finalement pas grand chose, peut-être simplement des traces, quelques hématomes virtuels, et le souvenir d'un film d'action sans doute assez vite interchangeable (ou pas ? c'est à confirmer), la chose est distrayante. Puis après tout c'est l'instant qui compte avec ce genre d'objet pseudo ludique, entièrement dévoué au culte de quelques fans transis. Moi qui pensais que notre époque ne manquait pourtant pas d'action.Ong Bak
Un film de Prachya Pinkaew
Avec : Phanom Yeerum, Petchtai Wongkamlao, Pumwaree Yodkamol...
Sortie nationale le 7 avril 2004.[Illustrations : DR EuropaCorp Distribution]
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Ong bak