Première
par Isabelle Danel
1890. Au cours d’une nuit d’été dans un château irlandais, miss Julie, la fille du baron, affronte John, le valet de celui-ci. Entre eux, Kathleen, cuisinière et fiancée de John, seule personne qui sache raison garder.
Cette quinzième adaptation cinématographique de la pièce du Suédois August Strindberg revisite la confrontation entre maître et valet, entre homme et femme. Développant les thèmes de l’incommunicabilité et du paraître, l’actrice fétiche d’Ingmar Bergman signe ici son septième film. Mais malgré la magnifique lumière de Mikhail Krichman, chef opérateur d'Andreï Zviaguintsev ("Elena", "Leviathan") et la beauté sculpturale de Jessica Chastain, la vision de la cinéaste reste d’un classicisme désuet au bord de l’académisme. La bande-son grandiloquente (le trio de Schubert qui évoque Barry Lyndon), les références picturales à la mort d’Ophélie renforcent l’effet de déjà-vu, et les échappées hors du huis clos de la cuisine semblent vaines. La seule surprise vient du personnage de Kathleen. Simple faire-valoir d’habitude, elle est ici incarnée par Samantha Morton, dont la présence impressionnante insuffle au film quelques jolis moments de grâce.