Première
par Christophe Narbonne
Depuis L’esquive et Le nom des gens, on sait de Sara Forestier qu’elle est déterminée et singulière. Culottée aussi. Il en fallait –du culot- pour raconter cette improbable histoire d’amour entre un mec de banlieue honteusement analphabète (Redouanne Harjane, très charismatique) et une bègue honteuse (Forestier, parfaite), réfugiée dans le silence. Dès la scène d’ouverture, mettant en scène un groupe de parole autour du bégaiement, on comprend que le but de la néo-réalisatrice n’est pas de viser le mélodrame réaliste mais la fable urbaine, avec une très légère distanciation permettant tous les écarts. L’humour, la rage et l’émotion qui parcourent le film relèvent ainsi davantage de l’expressionnisme que du naturalisme, sentiment renforcé par le montage décousu et par la musique de conte employée.
L’élève de Kechiche
Dans M, les garçons se font gazer intentionnellement pour attirer l’attention des filles et jouent leurs vies au volant de bolides customisés. Sara Forestier se joue des clichés sur la banlieue et montre des types romantiques en diable qui tutoient la mort pour se prouver qu’ils existent. L’élève d’Abdellatif Kechiche préfère au commentaire social efficace mais banal la poésie casse-gueule qui interpelle. On préfère cette liberté de déplaire.