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Sans doute le passage du dessin au live (le film est l'adaptation d'une série animée culte), du celluloïd aux êtres de chair, est-il pour beaucoup dans cet inconfort qu'il y a à voir des enfants obligés de singer les adultes pour survivre (car alors ce qu'on voit, ce sont de « vrais » enfants). Le cinéma américain a souvent filmé des enfants jamais loin d'être adultes, mais on a rarement eu comme ici le sentiment d'être si loin de l'enfance (à part peut-être dans certains Spielberg). Il faut voir cette image terrible, à la toute fin, où Aang accepte la demande qui lui est faite par les peuples réunis d'être leur leader, mais avec la conscience qu'il s'agit là d'une malédiction. Shyamalan prend soin de montrer le regard accablé du petit, quelques secondes seulement, avant que son corps ne mette en mouvement les signes de la victoire. La relative maladresse du jeu, le caractère un peu falot de certains personnages, renforcent d'autant l'impression d'une histoire démesurée, trop grande pour eux. La fragilité du film, sa beauté un peu malhabile et presque surannée, tiennent en partie à ce décalage entre ces destinées, les gigantesques décors où elles se déroulent (beauté des paysages réels de la première séquence, qui évoquent Les Dents du Diable de Nicholas Ray), et l'inachèvement de ces corps novices.
Une des images les plus saisissantes, de ce point de vue, reste probablement celle qui voit le héros créer, par la seule force de sa pensée, une vague immense sur la mer, opposant l'effrayante immensité de la nature à sa petitesse physique. Tout, dans la mise en scène de Shyamalan, tend à nous livrer l'illustration de ce clivage. La disparition de l'enfance - sur un mode apparemment plus candide, impossible de ne pas songer aux enfants soldats des guerres qui parsèment le monde - y est tout autant une splendide maîtrise de soi qu'un terrible échec de l'humain. -
par François Grelet
Toutes les critiques de Le Dernier Maître de l'air
Les critiques de la Presse
Selon une étrange logique de balancier, Le Dernier Maitre De L’air, le film le plus enfantin jusqu’ici de Shyamalan, fait suite à Phénomènes, étrange B hargneux et mal-aimé, aux embardées gores stupéfiantes. Alors, opération rachat pour l’indien mystique, dont les fans ne cessent ce quitter lâchement le navire depuis le semi-échec du pourtant superbe The Village ?
Un peu, mais tant mieux, puisque Le dernier maître de l'air s’avère être un produit pour mômes parfaitement calibré, et surtout pas un pétage de plomb auteurisant facturé 150 millions de dollars à la Paramount. En ce sens, il fait le boulot et honneur à son statut de blockbuster : la direction artistique est subjugante, le film délivre son quota de money-shots surexcitants, et multiplie les morceaux de bravoures dingues (le fight en plan séquence dans le village ! le climax avec le tsunami !). D’un autre coté impossible de passer sous silence la délirante volée de bois verte critique que Manoj s’est pris de plein fouet des deux côté de l’Atlantique, et qui révèle en creux les écueils d’un film dont le charme reste tout de même fragile. Car si Le Dernier maitre De L’Air reste un film charmant, par instant sublime, le script fait parfois un peu de peine à voir, entre trous d’airs vertigineux et ellipses sibyllines. L’appréciation du film se joue à donc ça : à quel point serez vous prêt à pardonner à un scénar' claudiquant, sachant qu’en contrepartie les morceaux de bravoures, une fois la machine lancée, seront légions ? Le débat est ouvert, ici on a déjà choisi notre camp. D’ailleurs on y retourne dès ce soir.
Seuls les effets spéciaux et les séquences de combat sauvent du K.O. technique. Maigre consolation pour un film qui, en dépit de son titre, manque singulièrement d'air !
De façon indéniable, Le dernier maître de l’air remplit sa mission basique de divertissement fantastique tout en explosions et affrontements ninjesques des forces de la nature, non sans une touche de déjà-vu spectaculaire. A voir la présence du directeur de la photographie Andrew Lesnie, détenteur d’un Oscar pour son travail sur Le seigneur des anneaux, on n’est pas étonné que certains décors aient quelques airs de Mordor, quand d’autres font signe vers d’autres cieux tolkéniens. Du même coup, il est dommage que le grand absent visuel de cette superproduction soit son propre cinéaste, M. Night Shyamalan, dont la patte pourtant remarquable à de nombreux égards peine à s’exprimer devant le nombre de lieux communs (scénaristiques et cinématographiques) accumulés dans le film. Les observateurs attentifs se plairont à repérer les brefs hommages (notamment le pré-générique façon film kung-fu des années 1970), mais auraient sans doute aimé chercher avec plus d’ardeur l’identité si caractéristique du cinéaste... Néanmoins, le point le plus noir reste à décerner à la 3D, dont les craintes se confirment qu’elle n’est le plus souvent, pour les films capitalisant sur le succès d’Avatar, qu’un facile argument de vente pour des studios en quête de quelques deniers supplémentaires. L’effet enlèverait presque leur profondeur aux images numériques, pourtant particulièrement léchées dans les combats et les scènes de bataille. Sans révéler le fin mot de l’histoire, tout semble appeler à ce que ce maître de l’air ne soit pas le dernier.
Les influences, comme Le Seigneur des anneaux ou Le Monde de Narnia, sont flagrantes. Mais ici, tout manque, le souffle épique comme la magie. La mise en scène a minima est de plus soulignée par une bande sonore assourdissante et emphatique. Qui ne peut compenser la défaillance des scènes de combat, encore moins bonnes que dans une série B.
Mais où est passé le cinéaste M. Night Shyamalan? N’a-t-il pas été d’emblée surcoté? La question mérite d’être posée d’autant qu’en 1999, certains le voyaient comme l’héritier d’Alfred Hitchcock. Quelques twists plus tard, l’artiste semble traverser une crise de créativité qui s’éternise.
Convaincu que tout ne peut être si mauvais, on cherche des traces, quelques images à sauver. Elles sont rares. Shyamalan est un auteur du cadre, du plan, de la durée, de la profondeur de champ ; c'est un petit architecte lecteur de la Twilight Zone. Perdu dans cet univers tout de surfaces, de contours, de références lointaines et simplifiées, il échoue à le faire exister selon ses propres conditions, à offrir une porte d'entrée dans ce qui pourtant a un beau goût d'absolu. Gros plan sur un visage ou panoramique sur des décors délirants, dialogue anecdotique ou fatidique, tout est filmé au même degré d'intensité, avec une confiance aveugle mais aplatissante et usante. Restent ces scènes de combat, mise en image du Tai Chi jouant des éléments pour dessiner de jolies trajectoires suspendues de glace ou de feu. Sauf que Shyamalan boxe dans une catégorie qui n'est pas la sienne. Rien de déshonorant, bien au contraire, ces arabesques visuelles sont le seul intérêt du film. Mais impossible d'égaler le souvenir de La Légende de Zu, ou celui de Wu ji, la légende des cavaliers du vent, autre géniale variation digitale du film martial. Shyamalan s'est perdu dans une grosse machine insipide, sans charme, vide, mal jouée et à l'image de l'animation télé US. Pire, son film annonce une trilogie.
M. Night Shyamalan (à qui l'on doit certains des films les plus importants des années 2000, comme Incassable, ou Le Village) voulait réaliser un film pour enfants.
Il s'est malheureusement vautré dans le double écueil de la mièvrerie (qui menace parfois son cinéma), et de la laideur (qui s'en était toujours tenu à distance). Si elle est en partie attribuable à une transformation en 3D faite à la dernière minute, laquelle donne aux spectateurs porteurs de lunettes noires et rouges un mal de crâne carabiné, si elle est rattrapée par la beauté de certains cadres, et de certains combats chorégraphiés, cette laideur n'en est pas moins réelle. Le kitsch de certaines scènes fait penser, par exemple, aux adaptations cinématographiques de jeux vidéo qui étaient en vogue au début des années 2000.
Lorsqu'on les découvre au début du film, ces enfants parlent et se comportent comme de jeunes Américains d'aujourd'hui, ce qui a le défaut de décrédibiliser la proposition mythologique qu'ils sont censés incarner. Quant à la suite du récit, son intérêt est strictement nul. Il se résume à un conflit simpliste, et à une succession de combats dont on se moque bien de l'issue.
Après une série de bides commerciaux (jusqu'au récent Phénomènes), le réalisateur autrefois inspiré de Sixième Sens semble avoir abandonné ce qui lui restait de personnalité et d'ambition artistique en acceptant une commande à très gros budget, inspirée d'une série d'animation télévisée.
A condition d'être très indulgents, les enfants de moins de 7 ans, auxquels Le Dernier Maître de l'air paraît destiné en priorité, seront peut-être sensibles aux aventures d'Aang, un jeune bonze aux pouvoirs surnaturels chargé de restaurer l'harmonie dans l'univers. Mais ils seront alors exposés à la médiocrité des acteurs et à la chorégraphie indigente des (nombreux) combats d'arts martiaux, plus proches d'une séance de gymnastique chinoise que des katas de Bruce Lee. La projection en relief n'apporte rien, sinon un surcroît de laideur : toutes les images, tournées en 2D, semblent avoir été passées à travers un épais filtre bleu-gris. Et dire que la séquence finale promet au moins deux suites...