- Fluctuat
Tentative de burlesque raté, La confiance règne se révèle surtout être une fiction d'une crétinerie rare, où le regard d'Etienne Chatilliez se révèle bien plus méprisant qu'il n'y paraît.
Il y a quelques semaines, le nouveau Lelouch se faisait épingler par une critique avide de bouc émissaire, tout excitée de trouver chez le cinéaste un soi disant parfait crétin à insulter joyeusement pour sa simplicité. Que Lelouch continue à défendre la naïveté contre le cynisme, aucun des plumitifs de tous bords ne semble avoir été capable de le voir. Les images de Lelouch sont trop populaires pour combler l'appétence intellectuelle de certains. Quel rapport avec La confiance règne, nouveau film d'Etienne Chatilliez ? Le cinéma populaire et le cynisme justement. Là où le cinéma de Lelouch qu'on traîne dans la boue est exempt de cynisme, celui de Chatilliez en est rempli. Il en déborde, mais d'un cynisme à double tranchant, qui se dédouane et avance masqué.On sait depuis toujours que le cinéma de Chatilliez est fait de caricature, d'une vision du monde bipartite où existent d'un côté les pauvres et de l'autre les riches, ou plutôt l'éternel bourgeois. La comédie pour Chatilliez consiste d'abord à faire rire aux dépens des autres à partir d'un positionnement crypto-marxiste de collégien attardé. Rien ne satisfait plus en effet le réalisateur que de pratiquer un cinéma de la moquerie à partir d'une idée de classe. Dans La confiance règne il s'agit donc de rire méchamment de Christèle (Cécile de France) et Christophe (Vincent Lindon), deux personnages d'emblée posés comme deux idiots pour qui la vie n'aurait rien prévu. On ne l'invente pas. Malins et crétins, Christèle et Christophe passent leur temps à voler les couples ou familles bourgeoises dont ils sont les domestiques. Toujours en cavale, ils font progressivement connaissance et finissent par tomber amoureux.Que les caractères des personnages semblent ici sortir d'une étude en marketing n'est pas le problème. Il s'agit de caricatures et le film ne cherche et ne se défend pas d'aller au-delà. La volonté de burlesque est évidente et qu'elle manque sa cible n'est pas tant ce qui rend le film si déplaisant. Ce qui gène davantage réside dans le systématisme des situations toutes plus vulgaires et forcées les unes que les autres. Elle rote, il simule un pet, attention gag récurrent. Lindon et Cécile de France accentuent à outrance les traits un peu demeurés de leurs personnages, et on ne s'étonne pas que Chatilliez prétende avoir une profonde affection pour eux. Sauf que cet attachement propre à ces pseudo-idiots n'est que le paravent d'un regard autrement plus bourgeois et cynique. Chatilliez se révèle en réalité plus jouisseur lorsqu'il s'agit de se moquer avec harcèlement des pauvres plutôt que du bourgeois. Ses personnages n'ont aucune rémission possible, ils sont comme ils sont et rien ne les changera. Il ne leur laisse aucune chance. Chez le réalisateur ont naît con et on meurt con, et franchement autant en rire. Le monde est si bien comme ça.Cinéaste de droite tendance molle, Chatilliez cherche sans cesse à satisfaire et faire rire son spectateur par la médiocrité des autres. Ces idiots qu'il dit tant aimer il les apprécie surtout pour leur médiocrité, et le fait qu'ils correspondent comme il se doit à l'image populaire dont le fameux bourgeois aiment tant se moquer. Prétendre le contraire est une escroquerie, nous sommes loin des Deschiens et la manière dont Vincent Lindon et Cécile de France se complaisent à nous faire croire en leurs personnages finit d'achever toute forme de tolérance. La confiance règne se veut une comédie populaire, mais elle est davantage populiste, préférant au genre de l'un un positionnement pervers de l'autre. Avec son approche faussement réaliste voulant faire croire à des caractères populaires empruntés au réel, Chatilliez ne montre en réalité qu'une débauche d'inspiration facile dont la mise en scène ne cesse d'asséner une distance méprisante. Le mauvais goût est ici toujours celui des autres et de préférence celui des pauvres. Amour de la trivialité, du bon plouc bien de chez nous, dont on se marre avec un rire méchant, en soi tout cela resterait défendable si seulement un tel mépris n'était pas en dernière instance partisan d'une vision bourgeoise française que Léon Bloy n'aurait pas ratée en son temps.La confiance règne
Un film d'Etienne Chatilliez
France, 2004 - Durée : 1h38
Avec : Vincent Lindon, Cécile de France, Pierre Vernier, Béatrice Costantini
Sortie nationale : 10/11/2004[Illustration : La confiance règne. Photo © UFP]
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La Confiance Regne