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Ce sont deux voix qui font un bien fou. Un duo qui s’empare des laissés-pour-compte de plus en plus nombreux de notre monde pourtant de plus en plus riche. Ces antihéros magnifiques sublimés par deux cinéastes qui ont les pieds sur terre mais la tête dans les étoiles et transcendent ce quotidien angoissant et injuste. Leur nouvelle fantaisie sociale et poétique met en scène trois Don Quichotte s’attaquant aux moulins à vent des temps modernes. Trois voisins d’un lotissement d’une de ces villes moyennes françaises, épicentres du mouvement des Gilets jaunes. Marie, victime d’un chantage à la sextape, Bertrand (accro aux appels publicitaires et tombé amoureux de la voix de celle qui l’appelle régulièrement pour lui proposer forfaits et abonnements en tout genre), dont la fille est harcelée au lycée, et Christine, une chauffeuse de VTC qui se désespère de voir les notes de ses clients décoller. Chacun aimerait récupérer ses données ou tout du moins les maîtriser. Quitte à aller outre-Atlantique dans les serveurs des maisons mères de ces GAFA... Et c’est là, évidemment, que le film bascule dans cette dinguerie poétique, où Ubu et Kafka ne font qu’un. Du pain béni pour Blanche Gardin et Denis Podalydès, merveilleux de folie aussi douce qu’inquiétante. Dommage que Corinne Masiero s’enferme dans la même partition paresseuse qu’à l’accoutumée, qui tourne à l’autoparodie pénible. À contre-courant du cinéma de Delépine et Kervern, qui lui est toujours en apparence le même, mais traversé à chaque fois de nuances qui l’emmènent ailleurs.